Cloud, IA, agilité : les moteurs de l’innovation tournent à plein régime, mais la facture grimpe tout aussi vite. Le FinOps devient le copilote indispensable pour piloter la dépense sans freiner la transformation. Une culture nouvelle s’impose, où chaque octet consommé doit justifier sa valeur.

Le cloud s’est imposé comme la colonne vertébrale des systèmes d’information modernes. Décentralisé, flexible et évolutif, il a libéré les équipes IT des contraintes du modèle capitalistique (Capex), leur permettant d’accéder instantanément à des ressources à la demande (Opex). Cependant, avec l’accélération de l’adoption du cloud et de l’IA, le FinOps joue désormais un rôle clé pour aider les organisations à prévoir les budgets, définir des indicateurs de succès et gérer les risques liés à la gouvernance. La convergence de l’IA et du FinOps crée de nouvelles opportunités pour optimiser à la fois la performance technologique et financière.

Cette agilité nouvelle s’accompagne pourtant d’un défi majeur : celui de la maîtrise financière. Une étude de Flexera dans son rapport 2025, réalisée auprès de 759 décideurs IT dans le monde dresse un constat sans appel : 84 % des responsables IT rencontrent des difficultés à optimiser les coûts de leur infrastructure cloud. Ce chiffre révèle l’urgence de placer la gouvernance financière au cœur des préoccupations des directions informatiques, souvent tiraillées entre la nécessité d’innover et la pression de rationaliser les budgets.

Une révolution économique et culturelle

Le passage au cloud a bouleversé les modèles économiques des DSI. En remplaçant la logique d’investissement (Capex) par une logique de consommation (Opex), il a permis une réactivité inédite, mais aussi une perte de visibilité. Désormais, chaque équipe peut activer, en temps réel, des ressources quasi illimitées, souvent sans contrôle préalable des achats. Si cette autonomie favorise l’innovation, elle ouvre aussi la porte à des dérives budgétaires.

La question n’est donc pas seulement technique ou financière : elle est avant tout culturelle. Le succès du cloud dépend de la capacité des organisations à instaurer une culture de la responsabilité économique, partagée entre ingénieurs, managers et directions financières.

Analyse en cinq points clés :

1 – Le FinOps : une réponse culturelle avant d’être méthodologique

Le FinOps (contraction de Finance et Operations) n’est pas qu’une méthode ou un outil. C’est d’abord une culture à diffuser dans l’entreprise, à l’image de la cybersécurité, devenue un réflexe collectif. Il ne s’agit pas de « contrôler » les équipes techniques, mais de les responsabiliser sur l’impact financier de leurs choix.

Le rôle du FinOps Lead est comparable à celui d’un RSSI pour la sécurité : un noyau central chargé de la gouvernance financière du cloud, entouré d’ambassadeurs au sein des équipes métiers et techniques. Leur mission ? Traduire les données financières en décisions opérationnelles claires et actionnables.

2 – De la donnée à la décision : le FinOps comme levier d’optimisation continue

La force du FinOps réside dans l’exploitation des données. Chaque déploiement cloud génère une masse d’informations : consommation, performances, taux d’utilisation, coûts unitaires. L’analyse de ces données permet non seulement d’identifier les surcapacités, mais aussi de mesurer la valeur réelle générée par chaque service.

Une démarche FinOps efficace repose sur trois piliers :

* Mesurer : Cartographier les coûts par équipe, projet ou produit et partager l’information pertinente aux équipes.

* Optimiser : Réduire le gaspillage en ajustant les ressources aux besoins réels, et automatiser la mise en veille ou la suppression des instances inutilisées.

* Anticiper : Aligner les coûts et la valeur commerciale en intégrant la prévision budgétaire dans les décisions d’architecture d’infrastructure et applicative.

Le FinOps devient ainsi une boucle d’amélioration continue, où la donnée guide la performance financière du cloud, au même titre que sa performance technique.

3 – Éviter le piège du « Lift and Shift »

Beaucoup d’entreprises tombent dans un écueil classique : migrer leurs infrastructures locales vers le cloud « à l’identique » (approche dite Lift and Shift). Si cette méthode rassure par sa simplicité, elle reproduit souvent dans le cloud les inefficacités du modèle on-premise. Les retours d’expérience montrent qu’au bout de 18 mois, les bénéfices économiques initiaux s’érodent si cette optimisation n’a pas été anticipée.

Le surdimensionnement, couplé à un manque de culture de la responsabilité, peut alors entraîner une explosion des coûts et un désenchantement vis-à-vis du cloud. L’enjeu n’est donc pas seulement de migrer, mais d’adapter la gouvernance, les processus et la culture à la nouvelle réalité opérationnelle du cloud.

4 – Mettre en œuvre le FinOps : commencer petit, penser long terme

Le FinOps s’appuie sur un cadre opérationnel structuré en quatre domaines : prévision, mesure, optimisation et gouvernance. Chaque domaine se décline en capacités à développer progressivement.

La clé du succès ? Commencer modestement : adresser une capacité par domaine, sur un périmètre restreint, et construire à partir des résultats obtenus. Ce principe des « petits pas » est renforcé par le modèle de maturité FinOps (Crawl, Walk, Run), qui incite les organisations à évaluer leur niveau actuel et à se fixer des jalons concrets pour progresser, sans freiner les initiatives en cours.

5 – L’IA : les petits ruisseaux font les grandes rivières

L’IA générative a bouleversé l’équation économique. L’inférence d’un modèle LLM représente quelques centimes par requête. Sans gouvernance, une simple application chatbot peut générer des factures mensuelles de cinq à six chiffres.

L’IA comme d’autres technologies en croissance peuvent nécessiter un arbitrage en faveur de l’innovation plutôt que les coûts. Ralentir leur adoption permet une maitrise financière à court terme mais un potentiel frein à la compétitivité dans les secteurs très concurrentiels. Pour autant le FinOps est à même de proposer des garde-fous sous la forme d’alertes et de politiques de gouvernance.

Le cloud n’est ni bon ni mauvais en soi : c’est un formidable outil de transformation, à condition d’être piloté avec rigueur et lucidité. À l’ère de l’IA, le FinOps devient un levier stratégique pour concilier innovation technologique, performance opérationnelle et responsabilité financière. Il redonne à la DSI un rôle de stratège, capable d’anticiper les enjeux budgétaires tout en exploitant le plein potentiel des technologies émergentes.

Dans un contexte où la valeur du numérique se mesure autant en vitesse d’innovation qu’en efficience budgétaire, le FinOps s’impose comme la pierre angulaire d’une gouvernance cloud mature et durable, essentielle pour tirer parti des opportunités offertes par le cloud et l’IA.
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Par Selmen M’HAMDI, Architecte Cloud FinOps chez SCC France

 

 

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