Cloud public vs cloud privé ? David Cheriton, professeur d’informatique à Stanford et investisseur dans Google, VMWare, Arista et Apstra, présente les dangers du tout cloud public.

Je ne suis pas un venture capitalist précise d’emblée David Cheriton, professeur d’informatique à Stanford lors de la Keynote de la conférence organisée par NatEvents. Et pourtant il a un historique d’investisseur plutôt fourni. D’abord Google, puis VMware, ensuite Arista et enfin Apstra pour lequel il est le chief scientist. Le lien entre sa position de professeur d’université et d’investisseur peut sembler un peu surprenant mais il a été établi grâce à des étudiants dont il a su reconnaître la valeur et le talent.

Ce fut d’abord Sergeï Brin, l’un des co-fondateurs de Google, qui demande des conseils sur l’idée de vendre sous licences la technologie de recherche sur Internet.

Ce fut ensuite Mendel Rosenblum, l’un des fondateurs de VMware. La virtualisation n’était pas une idée nouvelle, elle avait été développée par IBM sur les mainframes dans de multiples environnements d’exploitation (OS/360, MVS, CM). Avec l’arrivée des serveurs x86 et de Windows, l’informatique se démocratisait en se mettant à la portée de toutes les bourses mais faisait un pas en arrière en imposant la contrainte monoapplicative. L’arrivée de la virtualisation était donc logique et c’est VMware qui emporta la mise en devenant le leader incontesté avec près 90 % du marché. L’hyperviseur était l’approche naturelle.

Après l’aventure Arista, David Cheriton a été sollicité par deux anciens étudiants de Stanford, Mansour Karam avec qui il avait travaillé chez Arista, et Sasha Ratkovic qui avait été impliqué dans l’administration de réseaux chez Juniper dans la cadre de la startup Apstra qui vise à décolérer les matériels et le logiciel des solutions de réseaux et à aller vers plus d’automatisation du fonctionnement du data center. « Il y a un besoin pour une plus grande fiabilité et une plus grande agilité dans le fonctionnement des réseaux, considère David Cheriton, afin de pouvoir développer de nouveaux services ». Autant de solutions qui devraient permettre aux DSI des entreprises de « reprendre la main » sur leur informatique. Et c’est là où David Cheriton fait une critique en règle du cloud public et tout particulièrement de son leader AWS.

« En premier lieu, il y a une confusion dans la dénomination cloud public, estime David Cheriton. Cloud public signifie simplement que si vous payez, vous pouvez en utiliser les services. Selon cette définition, je peux dire que Disneyand est un parc public. Il suffit de payer pour y entrer ».

Au-delà de l’aspect sémantique, David Cheriton compare le nouvel écosystème organisé par les clouds publics à la structure de la société féodale : un suzerain, le fournisseur de cloud public, entouré de tous ses partenaires, les éditeurs qui y proposent leurs logiciels en mode SaaS, qui jouent le rôle de vassaux, et les serfs que sont désormais les entreprises. Une image qui détonne largement par rapport au discours ambiant.

Alors que de plus en plus d’éditeurs rallient les clouds publics, AWS peu ainsi fournir de nombreux services dont l’objectif avoué ou non, est de verrouiller les entreprises qui auront alors de plus en plus de mail à faire marche arrière, sauf à réécrire les applications. Ce qui devrait largement réfréner nombre d’entreprises si elles avaient l’idée de changer de fournisseurs.

De plus en plus d’entreprises considèrent qu’elles ne sont pas dans l’activité d’infrastructure informatique et que donc, il leur préférable d’externaliser l’ensemble des services IT à un spécialiste pour se concentrer sur leur cœur de métier. Une idée qui est largement partagée par les fournisseurs de services cloud. Le logiciel dévore le monde avait écrit dans un article publié dans le Wall Street Journal en 2011. « Aujourd’hui, c’est Amazon qui dévore les autres activités économiques », poursuit David Cheriton. Se souvient-on qu’Amazon ne fût au départ qu’un vendeur de livres en ligne. Qui est en train de décimer les acteurs du secteur. Ce fut la chaîne Borders qui a jeté l’éponge et i Barnes & Noble est en grande difficulté. Mais aujourd’hui, Amazon empiète sur de très nombreux autres secteurs économiques. « Qu’est en train de devenir le secteur de l’alimentation ? » s’alarme-t-il. Boeing serait en train de se dégager d’AWS parce qu’elle perçoit Amazon comme un concurrent, dans certains domaines comme les drones.

Pour le professeur de Stanford, la solution au mirage du tout cloud public est le déploiement de clouds privés. Avec les technologies actuelles, il est possible d’obtenir la même efficacité qu’AWS en mettant en œuvre une solution de ce type. Mais pour y parvenir, il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour automatiser au maximum.