En s’invitant dans l’ensemble des métiers de la banque, la révolution digitale a redéfini les business modèles. Le web ne distribue plus uniquement les produits bancaires classiques : il permet à de nombreux acteurs de créer leur propre offre bancaire qui bouleverse les codes du secteur. En pleine conquête du grand public, la Fintech a d’ores et déjà court-circuité les grandes institutions bancaires. Et après ?
Les bruissements de la fintech
17,8 milliards de dollars ont été investis dans la Fintech au 3ème trimestre 2016[1]. Alliant info-com et secteur bancaire, c’est un raz-de-marée novateur que de nombreuses start-ups se targuent d’avoir initié, à tort ou à raison. Difficile d’en définir les limites : si le terme « fintech » est récent, le concept ne l’est pas. Paypal l’a initié à la fin des années 90. Du neuf avec du vieux ? La Fintech ne se contente pourtant pas de recycler une recette qui marche.
En bouleversant le rapport à autrui, et donc aux clients, les médias sociaux et les nouvelles technologies ont transformé les modes de consommation ; la dérégulation s’est chargée du reste. La régulation drastique imposée par la crise financière a libéralisé l’accès au secteur financier pour de nouveaux acteurs. Ce sont des start-ups de toutes tailles qui portent des projets très variés et qui se rejoignent toutes sur un point : la Fintech associe les technologies du digital aux services bancaires, et disrupte la finance.
Repenser la banque et après ?
Les Fintech repensent toute la logique verticale du secteur bancaire héritée de la révolution industrielle : avec ces nouveaux acteurs, la banque se met à l’horizontal et ne vend plus un produit, mais répond à un besoin. En proposant un mode de consommation plus personnalisé et plus accessible, la Fintech replace la relation client au cœur de ses enjeux. Une première vague de start-ups émerge ainsi, et prépare les remous d’une seconde salve encore plus en rupture avec le système historique.
La grande diversité de la Fintech, qui couvre désormais un ensemble complet de services bancaires (compte, affacturage, crowdfunding, crowdlending, terminaux de paiement et de prêts via peer to peer), en fait un atout majeur pour de grands groupes internationaux ou des mastodontes du web qui voudraient capter les flux de paiement de leurs clients et proposer des services bancaires. Demain, Google pourrait ainsi recréer une banque 2.0 à partir de bribes de Fintech. Il lui suffirait d’une API pour se connecter à des tiers, d’un processus d’identification de la clientèle et d’une licence bancaire de base pour se constituer sa propre clientèle et mettre un pied dans le monde de l’offre bancaire, indépendamment des banques traditionnelles.
Banques : la sidérurgie de demain ?
11 milliards – c’est le montant des revenus des banques traditionnelles que la Fintech impacte, et ce uniquement sur le marché américain[2]. En leur offrant un avenir, les banques comptent bien profiter de la créativité et de l’innovation de ces start-ups. Les Fintech ont vocation à être rachetées par des empires du web ou par des entités internationales comme BNP Paribas, qui a accueilli huit d’entre elles au sein de son accélérateur parisien cet été. Leur capacité à adopter une vision globale sur un marché très ciblé pour répondre à un problème précis est primordiale.
L’avenir de la Fintech se place donc sous le signe de la collaboration à l’international. Pour cela, ouvrir ses systèmes d’information est une nécessité. Les API portent la vague d’innovation qui déferle sur le secteur et pousse les banques à intégrer le mouvement. Mais la vraie course n’est pas technologique, elle se joue sur l’expérience utilisateur. Les API sont un moyen de distancer rapidement ses concurrents en exposant des services à des programmeurs externes. Une évolution (re)structurante pour le monde numérique, qui pourrait alors aboutir à l’« openbanking », modèle ultime de la néobanque. L’avenir de ces start-ups, autant que celui des banques, repose sur leur capacité à développer des services basés sur l’API et à se mutualiser.
La Fintech s’est longtemps positionnée en tant que concurrent des établissements bancaires traditionnels. Aujourd’hui, après avoir conquis et digitalisé les offres bancaires, c’est vers ces acteurs historiques qu’elles se tournent, en quête de crédibilité, de visibilité et d’un accès-clé au marché. Et ceux-ci le lui rendent bien : pour les banques, les start-ups incarnent l’opportunité de répondre aux attentes d’un public qui les délaisse. Antithèses historiques, banques et Fintech deviennent désormais un duo gagnant : des entités complémentaires destinées non seulement à coexister, mais à assurer l’avenir de l’une de l’autre.
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Bruno Gloaguen est Directeur Général d’Anytime
[1] Selon l’étude « Venture Pulse » de KPMG, Octobre 2016
[2] Étude Goldman Sachs, Mars 2015