A la tête de la filiale française de Wipro, Hervé Sortais présente sa feuille de route et détaille la spécificité de son entreprise dans le paysage des ESN[1]InformatiqueNews : Vous êtes arrivé à la tête de la filiale française de Wipro depuis quelques mois, quelle image aviez-vous de cette entreprise avant d’y travailler ?

Hervé Sortais : C’était pour moi un exemple à suivre en terme d’industrialisation et qualité de service et j’en avais une idée particulièrement précise lorsque j’étais président de Gedas en France. Wipro est un des pionniers de l’offshore, un modèle qui a été adopté aujourd’hui par toutes les ESN. Il faut rappeler que Wipro a été la première ESN à être certifiée CMMI-5.

InformatiqueNews : Quand on a vous engagé pour diriger Wipro, qu’elle était votre feuille de route ?

H.S. : Ma feuille de route est simple et consiste à développer de nouveaux clients sur nos secteurs économiques de prédilection : manufacturing, retail/distribution/transport, banques/finances/assurances, sans oublier les télécoms et l’énergie. Et de leur proposer nos offres qui s’équilibrent entre la gestion d’infrastructure incluant serveurs, réseaux et poste de travail, la gestion d’applications (ERP traditionnels mais aussi applications d’entreprise en mode SaaS), le BPO et l’engineering. Globalement notre métier consiste à transformer et simplifier le SI de nos clients et à réduire les coûts. D’une approche industrielle à haut niveau de service qui caractérisait Wipro il y a une dizaine d’années et correspondait à une démarche d’ingénieur, nous avons ajouté la dimension métiers, désormais parties prenantes incontournables dans la transformation numérique des entreprises. Nous avons d’ailleurs créé Wipro Consulting – qui n’existe pas encore en France – et qui représente 2% de notre chiffre d’affaires global.

Nous sommes également sur le front des technologies les plus récentes symbolisées par l’acronyme SMAC (Social, Mobile, Analytics et Cloud) que nous avons baptisé Advanced Technologies Services et qui représente 7 % du chiffre d’affaires global de Wipro. Dans le domaine de la mobilité, nos réalisations recouvrent par exemple la gestion de services, la maintenance et l’intelligence embarquée mais aussi la mise en place la mise en place d’assistant à la vente dans les magasins.

Nous essayons d’être créatifs en adoptant des approches de type Design Thinking[2] qui impliquent largement les clients. Nous n’avons aucun scrupule à faire du jetable ou à arrêter une voie que ne nous parait pas bonne, tout cela sur des cycles très courts. Après cette phase de création, nous passons à l’étape de l’industrialisation.

Par ailleurs, notre vision du client s’inscrit dans une démarche de co-construction dans laquelle la solution se définit ensemble. A une approche de type offre préconfigurée qui prévalait encore il y a encore quelques années, nous sommes passé à une démarche basée sur l’écoute, la personnalisation l’agilité.

InformatiqueNews : Comment facturez-vous vos clients ?

H.S. : Quel que soit le type de projet et pour toutes nos offres, nous travaillons toujours au forfait et pouvons mettre en place des systèmes de rémunération à l’usage (pay per use). Cela pour répondre à une demande de nos clients qui souhaitent réduire leur CAPEX et développer une approche coûts d’usage pouvant être ajustés en fonction des fluctuations de leur activité. Nous supportons tous les modèles possibles : dans nos data centers, dans des clouds public, dans les data centers de nos clients, chez des hébergeurs… Nous avons développé un concept baptisé Next Generation Services qui permet de dépasser le SLA (Service Level Agreement) et adopter le BLA (Business Level Agreement). Dit simplement, au lieu d’exprimer la disponibilité d’une application en termes techniques, on l’expose en termes métier c’est-à-dire dans des termes correspondant aux attentes des utilisateurs. Pour l’illustrer, on peut prendre une analogie simple. Avant, sur le périphérique parisien, on affichait des messages : Porte Maillot, 10 km de bouchon. Aujourd’hui, le message est : Porte Maillot 10 minutes.

InformatiqueNews : quel est le profil type de vos clients ?

H.S. : Notre chiffre d’affaires au niveau mondial est réalisé avec un millier de clients. En France, notre cible est principalement les entreprises du CAC40 et du SBF120. Notre modèle d’organisation et de conduite de projet est adapté aux grands groupes.

InformatiqueNews : Comment vous comparez-vous aux grandes ESN indiennes concurrentes (TCS, Infosys, Cognizant) ?

H.S. : Comme nous, toutes ont des objectifs de croissance sur la France très forts particulièrement TCS qui a procédé à l’acquisition de l’ESN française Alti. Pour ce qui nous concerne, nous avons un objectif de développement très ambitieux visant à tripler notre chiffre d’affaires en France – environ 150 M€ – à horizon 3/5 ans. Ce qui passera nécessairement par une croissance externe mais aussi par un plan d’embauche nette d’une cinquantaine de personnes en 2015 (commerciaux, avant-vente, architecte, chef de projets…). Nous recrutons des gens ayant déjà un premier niveau d’expérience et une dimension internationale correspondant au profil de nos projets.

Côté fonctionnement, nous essayons d’associer le meilleur des deux cultures, très différentes et parfois opposées : par exemple, la rigueur des européens et la soif permanente de connaissance des indiens. Cette mixité existe aussi sur l’Hexagone puisque un quart environ de nos collaborateurs sont indiens.

InformatiqueNews : Et par rapport aux ESN françaises qui ont, presque toutes, une forte présence en Inde ?

H.S. : Notre approche de l’offshore est différente. Nos centres de services en Inde (100 000 salariés sur les 155 000 que compte l’entreprise) mais aussi en Pologne et en Roumanie, sont impliqués à tous les niveaux de la valeur ajoutée. Ce qui suppose la mise en place d’un véritable système de connaissance, la compréhension des enjeux clients, la prise en compte de la dimension culturelle. Nous favorisons les échanges entre les différentes communautés de l’entreprise. Alors que bien souvent, chez nos concurrents, la séparation entre les activités en local et offshore s’opère sur le niveau de valeur apportée au projet : la partie à haute valeur ajoutée en local et les services de type commodities en offshore. Evidemment, mettre en place et piloter une telle organisation est plus difficile mais c’est aussi une source d’une plus grande performance.

InformatiqueNews : Dans les grands appels d’offre, qui rencontrez-vous le plus souvent ?

H.S. : IBM, Accenture et Capgemini est le trio de tête.Ensuite, on peut être en concurrence avec Atos, Sopra/Steria qui ont des ancrages beaucoup plus locaux. Notre capacité à faire du Build and Run dans l’IT, du BPO et de l’engineering -trois domaines qui convergent- nous confère un avantage concurrentiel. Sur ce dernier point, on est capable de concevoir des systèmes de bout en bout incluant la partie tests.

InformatiqueNews : Sur un projet, comment s’effectue en moyenne la répartition de chiffre d’affaires entre la France et l’offshore ?

H.S. : En valeur, la répartition est de l’ordre de 30/70 et reste stable autour de ce ratio. Bien sûr, en nombre de personnes participants au projet, elle est plus proche de 10/90.

InformatiqueNews : Comment convaincre vos clients de ce niveau de qualité de services ?

H.S. : Par l’exemple. Depuis que je suis arrivé, j’ai emmené nos clients visiter nos centres de services en Inde. Ils ont été impressionnés par le niveau d’innovation qui y règne dans des domaines avancés aussi variés que l’Internet des objets, la virtualisation, la robotique ou le langage naturel. Également par nos plateformes de maintenance, de gestion d’applications…

 

 

Wipro en France…

Wipro s’est installé en France en 2001. Il est présent dans 3 lieux : Clermont Ferrand (centre de développement stratégique global), Rennes (centre de delivery near-shore), Paris (bureau commercial et marketing). Wipro France emploie environ 350 salariés – dont une bonne vingtaine de commerciaux – pour un chiffre d’affaires d’environ 150 M€. Parmi les grands clients français, on peut citer, Schneider Electric, Michelin, Louis Dreyfus Commodities, Crédit Agricole Banque d’investissement, SFR/Numéricable.
Les 4 grandes lignes de service sont : BAS (Business Applications Services), AIM (Analytics Services), PES (Product Engineering Services), TIS (Infrastructures services), BPO (Business Process Outsourcing), Consulting et Testing.
… et dans le monde
Créée en 1945 comme Western India Vegetable Products Limited, Wipro est arrivée sur les technologies en 1985 avec des PC fabriqués en Inde. Elle démarré des activités d’offshore IT au début des années 90. Elle est cotée au NYSE depuis l’an 2000. Wipro emploie 155 000 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de 7,3 milliards de dollars sur son exercice clos le 31 mars 2014 réparti à 50 % aux Etats-Unis et 30 % en Europe. Elle est basée à Bangalore.

 

[1] Entreprise des services du numérique
[2] Le Design Thinking est une approche de l’innovation et de son management qui se veut une synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive. Il s’appuie beaucoup sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l’utilisateur final.