Récemment dans la presse, d’éminents spécialistes ont prôné le développement de data centers 100% automatisés, s’affranchissant de toute présence humaine. C’est le cas par exemple de l’ancien PDG de Sun qui considère que la complexité est telle dans un centre de données que des êtres humains ne peuvent parvenir à la gérer… Mais au fond, c’est surtout la question du coût des ressources qui le préoccupe : « Le principal coût de l’informatique réside avant tout dans les ressources humaines, pas les machines. Retirons-les de l’équation… ».

Il est vrai qu’aujourd’hui, le monde des data centers repose sur l’automatisation et l’industrialisation. Lorsqu’on veut atteindre un niveau de disponibilité premium, c’est-à-dire au minimum de 99,999%, il est tout à fait critique d’automatiser et d’industrialiser les processus de gestion informatique. Mais ceci n’enlève en rien l’apport de compétences spécialisées, dans un environnement par définition complexe et hétérogène : les systèmes d’information des clients des data centers sont traditionnellement composés de technologies différentes et le parc machine du data center, lui également, est hétérogène. Chaque client présente des besoins particuliers et il n’existe pas de schéma technique immuable. L’opérateur du data center est ainsi contraint de personnaliser sa réponse en fonction du besoin de l’entreprise. Sa principale qualité réside donc dans sa flexibilité et son adaptabilité.

En conséquence, s’il est possible d’automatiser certaines opérations – à l’aide de sondes, de processus, d’alarmes, etc. – il faut aussi des hommes pour piloter l’ensemble de ces processus et de ces automatismes, tout en garantissant la qualité du service fourni. Le « control room », centre de pilotage du data center, regroupe non seulement les technologies nécessaires à l’automatisation des processus – les fameuses technologies DCIM : data center infrastructure management – mais également et surtout toute l’intelligence humaine permettant de gérer la complexité inhérente à tout système d’information moderne.

Par ailleurs, certaines opérations ne peuvent être automatisées ou robotisées. Je pense par exemple à la fourniture du service, c’est-à-dire lorsqu’une entreprise déploie tout ou partie de son infrastructure dans un data center : il est tout à fait inimaginable que des machines déballent d’autres machines, les installent, les branchent et surtout, les paramètrent. Ces gestes de proximité ne peuvent être assurés par des robots, ni aujourd’hui ni dans 10, 20 ou 30 ans.

Bien que l’on sache que par définition un processus ou une machine peuvent fonctionner « seuls », ceci s’applique principalement lorsque tout fonctionne comme prévu. Mais en situation de crise – une panne, une catastrophe naturelle, un incendie… – des décisions doivent être prises, sur la base d’une compréhension totale de la situation obtenue grâce à des analyses ciblées et ce, le plus rapidement possible. Si l’automatisation apporte cette « remontée » rapide d’informations, c’est bien l’humain qui les analyse et prend les décisions ad-hoc en s’appuyant sur sa connaissance de l’infrastructure et son appréhension des besoins du client.

L’une des principales valeurs que nous cherchons à mettre en avant est justement matérialisée par les ressources humaines : notre compétence. Nous avons fait le choix de maintenir en interne nos propres équipes techniques, alors que d’autres ont préféré faire appel à des sous-traitants. Nous avons choisi d’investir dans ces compétences, afin de disposer de ressources que nous pouvons contrôler et d’un savoir-faire que nous maîtrisons, ce qui est loin d’être le cas de tous les opérateurs.

Pour toutes ces raisons, nous sommes en mesure d’affirmer que l’avenir des data centers passe et passera par les ressources humaines. Charge à nous d’assurer une parfaite alchimie entre automatisation et industrialisation d’un côté, et flexibilité, adaptabilité et compétences de l’autre. Notre métier justement consiste à valoriser le meilleur de ces deux mondes.

 

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Régis Castagné est Directeur général d’Equinix France