Le smartphone permettrait-il de détecter l’ennui ? C’est ce que vise à montrer une équipe de chercheurs de Telefonica Research et de l’université de Stuttgart qui présente une étude à l’occasion de la conférence UbiComp2015.

Les possibilités du smartphone sont insoupçonnés et les applications ne semblent limitées que par la créativité des spécialistes et des responsables marketing tant le champ des possibles semble étendu. Déjà, le smartphone justifie de plus en plus le préfixe « smart » qui, jusqu’ici s’appliquait plutôt à son utilisateur, et désormais peut qualifier de plus en plus l’objet lui-même. Pour preuve, les assistants personnels numériques dont les progrès récents sont remarquables (Les smartphones vont-ils devenir intelligents ?). Par ailleurs, les applications les plus surprenantes se font jour comme celle développée par Eko Devices, une startup californienne fondée par trois diplômés de l’université de Berkeley a conçu un module baptisé Eko Core qui permet enregistre les battements cardiaques avant de les numériser, les transférer et les stocker sur le smartphone (Le stéthoscope et le smartphone).

Une des caractéristiques du smartphone est qu’il accompagne son utilisateur tout au long de la journée, parfois plus, et qu’il interagit en permanence avec ce dernier. La collecte des milliers d’informations que cette utilisation génère permettrait selon les auteurs de l’expérimentation de déterminer avec 83 % l’état d’ennui. C’est en tous cas ce qu’affirment les auteurs[i] de l’article When Attention is not Scarce – Detecting Boredom from Mobile Phone Usage qui sera présenté à la conférence organisée par l’ACM International Joint Conference on Pervasive and Ubiquitous Computing qui se tient cette semaine à Osaka au Japon.

7 ennui 4Tout d’abord il faut définir l’ennui décrit comme une « émotion qui entraîne de la part de celui qui y succombe un demande active de stimulation (…) qui peut conduire à un manque d’intérêt généralisé et à une difficulté de se concentrer sur les activités en cours ». Il s’agit donc là d’un état relativement courant qui, selon le psychologue J. Eastwood, dépeint comme « quelqu’un qui n’a pas rien à faire, cherche à être stimulé et n’y parvient pas ». Cela ne semble pas très grave en soi sauf que dans certaines situations l’ennui peut conduire à la dépression qui elle est « un trouble mental caractérisé par des épisodes de baisse d’humeur (tristesse) accompagnée d’une faible estime de soi et d’une perte de plaisir ou d’intérêt dans des activités habituellement ressenties comme agréables par l’individu » (Source : Wikipedia).

Les méthodes traditionnelles pour détecter l’ennui sont basées sur les expressions faciales, le discours et d’autres signaux liés à la parole et à l’écrit. Plusieurs études avaient déjà montré que les émotions peuvent refléter l’usage que l’on fait de notre smartphone. Mais ici, l’expérience présente est allée plus loin en essayant de répondre précisément aux trois questions suivantes :
– Si l’ennui est un état de recherche active de stimulation, il peut donc être mesuré grâce à l’usage du smartphone ;
– Quels sont les usages du smartphones qui caractérisent le mieux l’état de l’ennui ;
– Si les personnes qui s’ennuient ont le plus de probabilité de consommer différents contenus que s’ils ne s’ennuient pas.

7 ennui 2Pour conduire l’expérience, les chercheurs ont sélectionné 54 personnes qui ont installé une app sur leur portable baptisée Borapp (BroApp is Your Clever Relationship Wingman) qui collecte quotidiennement et en permanence des milliers de données liées à son utilisation. Parallèlement, ils ont développé un bouton qui demande régulièrement à l’utilisateur de décrire son état psychologique en posant à intervalle régulier. Au total plus de 40 millions de données ont été recueillies et analysées selon des méthodes de type machine learning. Pendant ces 15 jours, les chercheurs ont croisé les données collectées avec les réponses proposées par les utilisateurs.7 ennui 1

Ce type d’application du smartphone est pour le moins surprenant mais ce n’est là que le début de réalisations tant dans le domaine de l’entreprise que du grand public. Et qui permettront de vérifier la formule selon laquelle « là où il y a un besoin ou une demande, il y a une app ». Mais on imagine aussi assez bien les utilisations que pourraient faire les réseaux sociaux où des géants du Net comme Google dont la préoccupation principale est celle qu’avait exprimée en son temps Patrick Le Lay, PDG de TF1 : « Il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation (…) de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. »

[i] Martin Pielot, Jose San Pedro, Nuria Oliver de Telefonica Research et Tilman Dingler de l’université de Stuttgart