Adobe a annoncé l’acquisition de Semrush dans une transaction en numéraire valorisée autour de 1,9 milliard de dollars, à raison de 12 dollars par action, soit près du double du cours de clôture de Semrush la veille de l’annonce. Une acquisition qui a tout à voir avec la GEO et l’évolution des Web Marchands à l’ère de ChatGPT et de l’IA agentique.

À mesure que les usages basculent du moteur de recherche classique vers les interfaces conversationnelles – ChatGPT, Gemini, Perplexity, assistants intégrés aux navigateurs ou aux super apps – la question de la visibilité de marque cesse d’être un sujet “marketing” pour devenir un enjeu d’infrastructure. Pour les DSI des marques, il ne s’agit plus seulement de servir des pages optimisées pour Google, mais d’alimenter des modèles, des agents et des moteurs génératifs qui consomment des API, des graphes de contenu, des données analytiques et des référentiels de consentement.

Adobe enfonce aujourd’hui ce clou en annonçant le rachat de Semrush, l’un des leaders des plateformes de visibilité en ligne, pour 1,9 milliard de dollars en cash, soit 12 dollars par action, une prime de près de 77 % sur le dernier cours de clôture. La transaction, approuvée par les deux conseils d’administration, doit se finaliser au premier semestre 2026, sous réserve du feu vert des régulateurs et des actionnaires.

Pourquoi ce chèque maintenant ?

Derrière cette opération se joue le passage du SEO “historique” à ce que les acteurs appellent désormais le GEO, Generative Engine Optimization, c’est-à-dire l’optimisation de la façon dont les marques apparaissent dans les réponses des LLM et des moteurs de recherche génératifs. Adobe rappelle d’ailleurs que, selon ses données Adobe Analytics, le trafic en provenance des sources d’IA générative vers les sites retail américains a bondi de 1 200 % sur un an en octobre 2025.

Semrush, basé à Boston, s’est imposé comme l’une des principales plateformes SaaS de visibilité digitale, structurée autour du SEO, de la veille concurrentielle, de la publicité et, plus récemment, de la visibilité dans les réponses des LLM. La société revendique une forte base de clients enterprise, dont Amazon, JPMorgan Chase ou TikTok, et a investi ces deux dernières années dans des outils qui mesurent la façon dont les marques sont citées dans les réponses de modèles comme ChatGPT et Gemini, en plus des SERP classiques.

Un mouvement logique face à l’évolution des usages

Son acquisition est une bonne prise pour Adobe qui va pouvoir muscler sa « Digital Experience » et ses offres d’optimisation de la présence de marque à l’ère de l’IA générative. Experience Cloud, Experience Platform, Adobe Analytics et les briques d’IA maison comme Firefly constituent le socle sur lequel va venir naturellement se greffer Semrush.
L’objectif affiché est clair : offrir aux marketeurs et aux directions digitales une vue unifiée sur la façon dont leurs contenus et leurs produits émergent dans les moteurs et dans les réponses des IA, puis utiliser ces données pour optimiser contenus, campagnes et parcours. Pour Adobe, c’est aussi une façon concrète de monétiser ses investissements IA au-delà du créatif.

Stratégiquement, l’opération a donc beaucoup de sens pour l’éditeur. Après l’échec du rachat de Figma sous la pression des autorités de concurrence, Adobe choisit une cible plus “adjacente” à son cœur de métier et moins explosive d’un point de vue antitrust, tout en renforçant un angle où ses concurrents Salesforce, HubSpot ou Oracle n’ont pas encore d’équivalent intégré. Semrush lui apporte un volume massif de signaux de recherche, de données concurrentielles et de métriques GEO (Generative Engine Optimization) directement mobilisables dans ses algorithmes et ses workflows d’IA générative.

Un mini séisme sur un marché en réinvention

Reste que cette acquisition ne manquera pas de bouleverser le marché SEO/GEO. Les plateformes SEO/GEO concurrentes comme Ahrefs, BrightEdge, Conductor, Moz, Botify ou seoClarity voient l’un de leurs concurrents majeurs se fondre dans une grande suite CX, qui domine largement le marché de l’expérience client. De quoi probablement déclencher un mouvement de rapprochements avec d’autres éditeurs de CRM et de marketing automation. Car, les grandes plateformes marketing comprendront vite qu’il va devenir difficile de parler « d’expérience client » sans adresser de front la question de la visibilité dans les IA génératives.

Reste que ce glissement du SEO vers une « visibility ops » pilotée par la donnée et l’IA commence à concerner directement les DSI, qui doivent intégrer ces signaux dans leurs plateformes data, leurs stacks CX et leurs politiques de gouvernance. La « search », qu’elle soit classique ou générative, devient une couche à part entière de l’architecture digitale. Les DSI vont devoir la traiter comme telle, avec des choix de plateforme, de connecteurs, de stockage et de supervision, plutôt que comme un “outil SEO” détenu par le marketing. Et Adobe vient de se positionner encore mieux pour être l’un des fournisseurs de prédilection de cette nouvelle couche « MarTech ».

 

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