Microsoft rend Zork I, II et III de l’historique éditeur Infocom disponibles en open source. De quoi ravivé la mémoire de tous ceux qui ont connu les débuts de la microinformatique mais aussi une salutaire décision pour la préservation et l’étude des jeux vidéo rétro.

Moment d’émotion… Vous êtes dans une pièce sombre. Une invite clignote « > ». L’aventure fleure bon l’écran cathodique, l’Apple II, les débuts de la micro…  Sauf que cette fois, elle ne se joue plus seulement au clavier, mais aussi dans le code source.

Microsoft vient d’annoncer la publication en open source des sources de Zork I, II et III, les jeux cultes d’Infocom, légendaires aventures textuelles qui ont marqué des générations de joueurs et ont façonné l’histoire de la fiction interactive. Une opération menée conjointement par l’Open Source Programs Office de Microsoft et les équipes Xbox et Activision. Le tout est placé sous licence MIT, avec les notes de développement originales, commentaires et fichiers historiques. Bref, un vrai trésor numérique désormais accessible à tous. Et une véritable radiographie d’un studio pionnier des années 80, accessible en quelques clics.

« Aujourd’hui, nous préservons un pilier de l’histoire du jeu vidéo, qui nous tient particulièrement à cœur » expliquent Stacey Haffner et Scott Hanselman de Microsoft comme pour mieux souligner que l’on ne parle pas seulement ici de code informatique, mais d’un morceau de mémoire collective.

Un monument de la fiction interactive disséqué en clair

Zork, pour mémoire, c’est l’un des premiers grands succès du jeu d’aventure textuel. Pas de 3D, pas de musique, seulement du texte, un parser et beaucoup d’imagination. Derrière cette façade minimaliste se cachait pourtant une architecture très en avance sur son temps : la Z-Machine, une machine virtuelle conçue par Infocom pour exécuter les « story files » sur tout type de machine, d’Apple II aux PC IBM. Cette séparation entre moteur et contenu a fait de Zork l’un des premiers jeux réellement multiplateformes, bien avant que ce soit la norme (à bien y réfléchir, 50 ans après, ce n’est toujours pas la norme). Le jeu a d’ailleurs, au départ, été créé sur un mainframe PDP10 (tout comme le fameux Basic de Microsoft), en 1977, par Bruce Daniels, Tim Anderson, Marc Blank, et Dave Lebling, quatre étudiants du MIT. Les trois derniers fonderont Infocom en 1979 avant de commercialiser officiellement Zork 1 en 1980.

Des archives officieuses à un statut légal clair

Les plus férus de rétro-dev le savent : une bonne partie des sources Infocom circulait déjà depuis plusieurs années, suite au travail d’archivage mené par Jason Scott, figure clé de l’Internet Archive. Les sources de nombreux jeux, dont la trilogie Zork, avaient été versées sur GitHub dès 2019, mais dans une zone grise sur le plan juridique : rien n’empêchait, en théorie, l’ayant droit de demander leur retrait.

La nouveauté, c’est que Microsoft, désormais propriétaire du catalogue Infocom via le rachat d’Activision Blizzard, a choisi de régulariser officiellement la situation. L’éditeur a soumis des pull requests vers ces dépôts historiques pour y ajouter une licence MIT explicite, de la métadonnée de licence et de l’attribution, entérinant une autorisation claire d’étude, de réutilisation et de modification du code de Zork I, II et III. Les marques, le packaging commercial et les assets restent, eux, propriétaires et hors périmètre de cette ouverture.

Un terrain de jeu idéal pour développeurs, enseignants… et DSI nostalgiques

Pour les développeurs et les enseignants, c’est un petit cadeau de Noël avant l’heure. La trilogie Zork va ainsi officiellement pouvoir devenir le cas d’école qu’elle mérite d’être, parfaitement documenté pour illustrer des concepts très actuels : machines virtuelles spécialisées, langages de description de contenu, portabilité d’un moteur sur plusieurs plateformes, compromis entre contraintes matérielles et design de gameplay. Dans les cursus d’informatique ou de game design, ce code rejoint le panthéon des projets « à décortiquer » au même titre que certains OS ou compilateurs historiques.

Vu côté DSI, l’initiative est aussi un clin d’œil intéressant à la question de la préservation logicielle. La démarche illustre comment un acteur majeur peut transformer un passif IP un peu poussiéreux en ressource pédagogique et communautaire, sans pour autant renoncer à ses droits commerciaux sur la marque. Après avoir publié le code de 6502 BASIC plus tôt dans l’année, Microsoft s’installe dans une posture de « curateur » de son propre héritage logiciel, ce qui n’est pas anodin à l’heure où les débats sur l’archivage, la portabilité et l’obsolescence des stacks applicatives s’intensifient.

Jouer, forker, mais surtout préserver

Concrètement, rien n’empêche de continuer à acheter la Zork Anthology sur GOG pour une expérience prête à l’emploi… Mais ça ne serait pas du jeu !
Car il est désormais possible de recompiler soi-même ces moments historiques de la micro-informatique, à partir des sources, notamment via des outils comme ZILF et les nombreux interpréteurs Z-Machine disponibles sur toutes les plateformes modernes.
Microsoft insiste d’ailleurs sur le fait que l’objectif n’est pas de « moderniser » Zork, mais de maintenir un espace d’exploration, d’apprentissage et de contributions modestes qui enrichissent la compréhension du code d’origine.

Quarante-cinq ans après avoir piégé des générations de joueurs dans un « labyrinthe de passages tous semblables », Zork revient par la grande porte, celle de l’open source. Une bonne nouvelle pour les fans de rétro-gaming, mais surtout un beau signal envoyé à tout un écosystème : certains trésors de code méritent d’être plus que tolérés dans des archives officieuses. Ils méritent d’être officiellement transmis, commentés, et oui, parfois joyeusement forkés. À vous de jouer.

Merci Microsoft.

 

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