ServiceNow, la société spécialisée dans l’ITSM qui cible toujours l’administration des services, parie sur l’inexorable croissance du cloud. Sa conférence annuelle, Knowledge14, a été révélatrice de cette évolution.
ServiceNow avait a été lancé en 2003 par Fred Luddy, l’ancien directeur technique de Peregrine Systems et de Remedy, deux éditeurs qui appartiennent respectivement maintenant à Hewlett-Packard et BMC. Au départ, l’idée de ServiceNow visait justement à remplacer les anciennes applications de gestion des services d’assistance sur site comme celles d’HP et de BMC par des applications dans le cloud. ServiceNow utilise une plate-forme de développement de type SaaS (software-as-a-Service) hébergée sur son cloud et donc facilement mise à jour par l’éditeur.
La force de son outil est d’être facilement administrée et programmée par les utilisateurs expérimentés des services métiers qui n’ont pas besoin d’être des programmeurs avancés. Enfin, c’est le discours officiel car souvent l’intégration à des systèmes existants nécessite la plupart du temps d’avoir recours à des intégrateurs très spécialisés pour l’utilisation des API d’autres applications.
Cette année, la firme a créé une plate-forme où les développeurs peuvent montrer leurs développements et les échanger gratuitement, c’est la base d’une future boutique d’applications payantes. Les intégrateurs étant intéressés de montrer leur savoir-faire, pourront y avoir leurs propre boutique. Une grande partie de l’engouement actuel pour ServiceNow tient en grande partie aux échanges de bonnes pratiques et de scripts gratuits mis à disposition par les spécialistes métiers. Ceux-ci, selon la documentation disponible en ligne pourraient en quelques mois presque rivaliser avec des développements sur mesure effectués par les développeurs internes, plus efficaces du côté code mais peu au fait des procédures métiers. Cette évolution n’est pas sans poser parfois des problèmes d’organisation. Certains services de ressources humaines, selon David Schneider, responsable des ventes, ont, aux Usa, embauché à plein temps des spécialistes de développement ServiceNow pour créer des extensions d’applications et du reporting à la demande.
L’interfaçage avec les applications réclame néanmoins des spécialistes
En France, un petit nombre de partenaires comme Devoteam ou Orange Business Service proposent déjà des développements complémentaires sur ServiceNow « clés en main ». KPMG et Accenture au niveau mondial exploitent les outils de ServiceNow.
Rick Wright, le représentant de KPMG, responsable cloud au niveau mondial osait même déclarer : « Avant, nous avions trois différents outils SaaS avec HP et BMC mais nous n’avons gardé cette année que le meilleur et le plus prometteur, ServiceNow ». KPMG a développé à Denver un data center spécialisé dans les solutions « d’Entreprises Management » basé sur les outils de ServiceNow. La suite de logiciels s’adresse surtout aux grandes entreprises qui n’ont cessé de remettre en cause leurs outils internes pour faciliter une forme d’automatisation des processus.
Une remise en cause de certains DSI
Avec la montée de services et la remise en cause des DSI accusés de ralentir la « digitalisation des entreprises », la firme paraît avoir pris un nouvel angle à l’occasion de sa quatorzième réunion annuelle, celui de l’entreprise « orientée services ». La conférence se déroule cette semaine au Moscone Center de San Francisco .« On est en train de passer dans les services informatiques d’une logique de gestion des enregistrements à celle des engagements. » précisait Geoffrey Moore, un analyste réputé, spécialiste de l’évolution de l’informatique connu pour deux livres décapants « Inside the Tornado » et « Crossing the Chasm ».
Frank Slootman, le CEO de ServiceNow, lors de la conférence inaugurale n’y est pas allé par quatre chemins.« L’informatique interne classique doit se transformer pour offrir des services aux divisions métiers et cela passe par une refonte de ses objectifs. Les DSI ne doivent pas passer leur temps à défendre leur part du gâteau qui se rétrécie en permanence. Il est temps qu’ils redéfinissent leurs objectifs; « redefine yourself . Il est temps d’écouter les demandes métiers, les « business calls ». C’est une opportunité pour les DSI de conduire le changement et de s’investir dans un modèle basé sur les services. Passer tout son temps à gérer les infrastructures, c’est ne pas voir qu’à terme toutes les applications seront dans le Cloud. Nous avons fait ce choix, il y a déjà dix ans comme d’autres d’ailleurs tels que Salesforces. On a fait notre propre analyse du marché . Tout va aller dans les services. Ce n’est pas sans poser des problèmes d’emploi, il existe aux états unis des services informatiques qui sont surbondés (..overstaffed..) où chacun défend sa place. » Face à la montée du cloud, Frank Slootman invite les DSI à changer de cheval.
Interrogé sur la multiplication des applicatifs de différentes sociétés de services qui se greffent sur ses outils et qui rendent l’ensemble de plus en plus classique, Slootman répondait « De notre coté, nous ne cherchons pas à recréer des applications verticales du moins pour l’instant, nos outils restent très ouverts. On ne veut pas tomber dans l’impasse que connaissent nos concurrents qui sont paralysés par les mises à jours des leurs différents produits ».
Un parti pris économique peu ordinaire
Interrogé sur les critiques des concurrents qui soulignent les pertes récurrentes depuis des années, Franck Slootman précisait : « Il y a ceux comme HP et IBM qui gèrent un capital de manière tranquille pour leurs actionnaires et qui se contentent de racheter des structures prometteuses. Nous sommes différents, et l’on a prévenu nos actionnaires que nous réinvestirions notre cash en permanence pour faire croître notre business. Il y a un volume contractuel récurrent qui ne cesse de grandir. Nous avons toujours été cash flow positif depuis notre création. On nous fait confiance. » ServiceNow n’a cessé de croître et a réussi à quasiment doubler son chiffre d’affaires chaque année depuis 11 ans, une véritable exception dans la masse des entreprises cotées en Bourse. La firme de Santa Clara ( son siège était installé précédemment à San Diego) a maintenant 2000 employés et est partie pour réaliser prés de 650 millions de dollars en 2014 avec une grande part de revenus récurrents. Introduite en Bourse aux Etats-Unis, à la fin juin 2012, ServiceNow est l’une des vedettes du Nyse (New York Stock Exchange ) car peu de firmes informatiques ont atteint récemment un tel niveau de croissance. Créée donc en 2003, elle a réalisé son 31e trimestre de croissance avec une progression moyenne de plus 60 % par an et une valeur par action d’environ 40 dollars, celle-ci étant restée très stable. Sauf en mars dernier, l’action avait atteint de manière inédite plus de 70 dollars, à la suite d’une rumeur de rachat par HP, mais le soufflé est vite retombé. Le chiffre d’affaire de 2014 devrait atteindre les 650 millions de dollars environ. Ses plus grands clients sont General Electric, Coca Cola et le réassureur suisse « Swiss Ré ».
Geoffrey Moore, le visionnaire. Connu pour deux livres décapants « Inside theornado » et « Crossing the Chasm », Geoffrey Moore apparaît souvent comme Consultant dans les grandes réunions informatiques en Californie comme celle organisées par ServiceNow cette semaine.Sa théorie sur l’informatique est souvent reprise dans toutes les analyses de marchés. On a selon lui d’un coté les « adopteurs précoces » qui sont des fondus de technologie recherchant un changement radical, alors que la majorité des DSI « avancés » veut seulement une amélioration de la productivité. Le second groupe veut un produit fini, alors que le premier accepte les imperfections et possède les compétences techniques pour voir immédiatement les avantages. Charismatique et visionnaire, il donne à chacune de ces interventions une approche inattendue. |