Les datacenters poussent comme des champignons, les perspectives des développements cloud leur confèrent une attractivité incroyable. Plus rentables que les immeubles de bureaux, rapides à construire, ils font l’objet d’une surenchère permanente et rares sont ceux qui sont déjà occupés à plus de 70% . Dernier en date, celui de la firme Titan Datacenter, un nouvel arrivant en France. La ville de Mougins, à proximité de Sophia Antipolis, pas loin de Nice, vient d’annoncer avoir « délivré un permis purgé de tout recours, validé en date du 19 mai 2015 » pour la construction d’un Datacenter de 10 000 m2, l’un des plus grands en France. Il sera installé dans un bâtiment de 28 850 m2 sur un terrain de 3,3 hectares, Chemin de la Plaine,
Hors normes, le projet est installé au croisement des lignes haute tension de 1 Gigawatt et d’un nombre important de fibres optiques. « Actuellement, 4 opérateurs sont en discussion pour signer un accord de raccordement, mais on ne peut encore les citer » nous a précisé Jean-Sébastien Féménia, directeur technique et cofondateur de l’entreprise Titan Datacenter qui est le promoteur du projet.
20% des surfaces d’hébergement seraient déjà loués
Ce projet dont on estime le coût à plus de 60 millions d’euros, a été lancé en novembre 2012 et devrait accueillir un bon nombre d’entreprises, 20% de la surface actuelle étant déjà réservée, selon son directeur technique. Il s’agirait d’un certain nombre de firmes du Cac 40 en France et de sociétés du top 50 en Europe. Jean-Sébastien Féménia table sur une ouverture du site vers mars 2016. Il n’est pas inquiet du fait que pour l’instant la première pierre ne soit pas encore posée, le bâtiment en béton étant largement construit à partir de modules préfabriqués. « On va démarrer cet été, tout est modulaire, et il ne faut pas plus de 6 mois, c’est l’intérêt pour les investisseurs de ce genre de batiment en béton très simple». Les études d’impact ont été réalisées et par exemple les bassins de récupération des eaux de pluies ont été agrées par les services techniques de la région PACA. Avec une puissance annoncée de 48 mégawatts d’électricité, c’est 20 mégawatts de chaleur qui seront à évacuer. Le directeur général des services de la ville de Mougins, Christophe Ulivieri, a précisé à la presse locale qu’un projet d’étude pour alimenter en eau chaude une résidence de 116 logements sociaux et une école maternelle seraient au programme.
Un système de refroidisssement révolutionnaire
En attendant, la firme compte entre autres sur un refroidissement, celui-ci très innovant, de la firme Helioclim de Mandelieu créée par 3 ingénieurs de Thales, spécialistes des satellites et des capteurs solaires. Selon la firme : « Les capteurs solaires concentrent les rayons solaires sur un tube traversant une enceinte transparente sous vide. L’eau portée à 200°C alimente une pompe à chaleur. Dans celle-ci, un mélange d’eau et d’ammoniaque est distillé. Les deux fluides y subissent des cycles d’évaporation et de condensation. Ces différentes transformations thermodynamiques dégagent soit du froid soit du chaud. ». « On va leur servir de plateforme de démonstration » précise Jean-Sébastien Féménia, le directeur technique de Titan. Du coté des générateurs de secours et des moteurs diesel, les solutions seront classiques. Seules les batteries pour assurer les quelques minutes d’intervalle entre l’arrêt imprévu du courant et la montée en puissance des alternateurs seront remplacées par des centrales inertielles basées sur l’énergie cinétique, sur le principe des « Kers » des formule 1. C’est un système déjà utilisé sur certains groupes électrogènes construits autour de turbines d’avions comme celles de Turboméca. Son intérêt est aussi de « lisser » le courant, à la manière d’un onduleur afin d’éviter les sautes de tension, fatales pour les alimentation de serveurs.
Des Pods pour optimiser le refroidissement et le nombre de serveurs
La troisième évolution technique notable pour un datacenter sera l’utilisation de « Pod » des sous-ensembles de cages de serveurs, pour la climatisation. L’ensemble pourra intégrer 122 baies de 48u. Chaque baie pourra supporter 1400 kg d’équipement et disposera d’une double alimentation de sources bien distinctes. Du côté raccordements telecom par fibre, les racks permettront de supporter du 10 et du 40 Gigabits/sec.
La firme, qui était une Sarl et a été récemment transformée en SAS, devrait employer envriron 30 personnes à la fin de 2016 et une soixantaine en 2018 pour assurer un support technique permanent, 24h/24 et 7jours /7. Titan Datacenter est actuellement dirigée par Michel Cassiers, un spécialiste de l’immobilier de la région de Mougins qui gère plus d’une demi douzaine d’entreprises. On peut imaginer que la structure administrative actuelle sera complétée par les représentants des vrais commanditaires, sûrement étrangers, en charge de ce projet d’envergure internationale, rappelons-le, d’une valeur de plus de 60 millions d’euros. « On ne peut pas parler encore de tout pour des raisons concurrentielles » précisait Jean-Sébastien Féménia, le directeur technique qui travaille déjà à Mougins dans des locaux provisoires avec une dizaine de personnes sur le développement commercial et technique.
Une concurrence bientôt féroce
Favorisée par une électricité peu coûteuse et un environnement et un climat attractif , la France dispose de bons atouts économiques pour accueillir d’autres centres de données. On recense ainsi plus de 160 datacenters concurrents dans l’hexagone dont un nombre non négligeable sont déjà installés dans les alpes maritimes. Sur le seul site de Sophia Antipolis, à quelques encablures de Mougins, on peut citer les deux centres d’Euclyde Data, et ceux de Tas group et Navlink. Intérrogé sur ce qui pourrait faire la différence avec les autres , le directeur technique précisait : « On a deux trois martingales dans notre poche car on ne va pas débarquer avec des solutions plus coûteuses que nos concurrents, ce serait suicidaire. Mais là aussi, je ne peux pas encore dévoiler nos atouts commerciaux ». Il faudra donc attendre la fin de l’été pour connaitre les financiers de cette opération. Entre les spécialistes de l’immobilier de bureau, les opérateurs de datacenters, les hébergeurs de cloud et les éditeurs de logiciels, le choix est vaste. Il s’agira peut-être en fait d’un consortium intégrant différents acteurs du secteur. Wait and See.