Pour le spécialiste de l’administration de l’IT en mode SAAS, le « new Age » des services dépasse les seuls besoins du service informatique.

Présent à Paris pour une tournée européenne, devant plus de 700 personnes, le PDG de ServiceNow, Frank Slootman (photo ci dessous), a voulu sortir sa firme du ghetto technique dans lequel on l’enferme souvent: « Place aux services pour l’entreprise ». Sur ses présentations, le mot IT devant le mot service est désormais barré en rouge et remplacé par le mot « entreprise ». La société phare de l’ITSM (IT service management) aurait-elle honte de ses racines ? Gérer l’administration des applications, la gestion d’événements et l’orchestration des processus comme le font ses principaux concurrents : BMC (Remedy), IBM (Tivoli) ou HP (ITSM series) ne lui suffirait-il plus ?

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 » L’important, c’est d’abord le service et au fur et à mesure que les entreprises deviennent elles-mêmes de vrais clouds comme les banques, par exemple, les paramètres changent et tout ce que l’on retient des entreprises, c’est la manière dont sont traités les clients «  précisait Frank Slootman.  » Quel que soit le secteur d’activités, que ce soit un hôtel, un restaurant, un magasin, l’important c’est la manière dont est géré le service.  »

Un marché trop petit

Interrogée sur ces nouvelles orientations, la Vice Présidente de la firme, Geneviève Haldeman, en charge des communications « corporate », modérait le propos : « On continue, bien sur avec l’IT, c’est le cœur de notre activité mais notre plate forme SAAS peut administrer bien plus que les workflows des seuls services informatiques. Le marché de l’ITSM est assez petit mais avec ServiceNow, on s’étend déjà à l’administration des services, aux outils de ressources humaines, à ceux des finances, des services généraux. On va pouvoir créer des workflows et des applications sur mesure dans toutes sortes de domaines. Mais on ne va pas tout faire nous-mêmes. Pour ces nouvelles applications, les entreprises utilisatrices et nos partenaires intégrateurs s’y emploient. Le nombre d’utilisateurs qui sortent de la sphère de l’IT augmente sans cesse, les clients présents le confirment dans leurs présentations. D’ailleurs, ils peuvent se servir de notre service Appshare qui contient des centaines de modules réutilisables proposés par des tiers ou par des partenaires pour assembler plus rapidement leurs applications. »

Le PDG, Frank Slootman, très direct, déclarait lors de son intervention:

« L’IT service management, c’est notre étiquette actuelle mais on voudrait que l’on s’appelle  » Enterprise service management « . On va sortir l’an prochain une application de gestion financière pour mieux mesurer les coûts des services. Il faut que les systèmes informatiques prennent mieux en compte tous les éléments de gestion des budgets. Ce nouvel outil va plaire. On s’en sert déjà avec succès pour notre propre activité. »

Une nouvelle approche de la gestion prévisionnelle

Pour Fred Luddy, le créateur de Service Now, (photo)_MG_6532 copy il faut savoir innover, mais au bon moment. Pour appuyer sa démonstration, il montrait une collection de produits très innovants comme le Newton d’Apple à reconnaissance d’écriture, les MP3 et des téléphones portables d’IBM, mais sortis beaucoup trop tôt. Pour le fondateur de l’entreprise, il faut sortir du mode restrictif de la « gestion des enregistrements » qui est à la base des ERP et des bases de données classiques pour passer à celle des « engagements», celle des objectifs. Un discours qui n’est pas sans rappeler ceux qui dans l’administration française prônent la réinvention de la gestion des budgets provisionnels. Cette approche promettrait de mieux  gérer et comparer les dépenses et les entrées futures et pourrait idéalement remplacer la comptabilité classique qui finalement ne fait qu’enregistrer les dépenses passées et d’entériner les erreurs passées. On peut facilement imaginer que la nouvelle génération d’outils financiers de ServiceNow pourrait épouser cette vision de gestion dites ‘sur objectifs ».

Au-delà des projets, les clients de la firme sont venus étayer le discours de l’éditeur. Les ciments Lafarge en phase d’intégration avec le géant suisse Holcim montraient les outils qui avaient déjà été utilisés pour restructurer certains processus. ING Bank puis Saint-Gobain montraient des utilisations très avancées. Le mot d’ordre était  » réinventons-nous,  en analysant nos processus et en les améliorant. »

Tout n’est pas cependant très rose

En regardant les conseils prodigués par les analystes financiers sur l’éditeur, on comprend facilement la nouvelle démarche de ServiceNow. La firme fait partie de celles dont la cotation au Nyse paraît surévaluée par rapport au chiffre d’affaires possible. Marshall Hargrave, du site ETF news, prévient qu’avec une capitalisation qui a désormais atteint 8,8 milliards de dollars, la firme aura du mal à fournir à ses actionnaires des revenus dans des ratios trés intéressants. Le marché de l’ITSM ne représenterait que 2 milliards de dollars et ServiceNow ne pourrait au mieux qu’en dévorer la moitié. En 2013, la firme avait réalisé 424.7 millions de dollars de CA, une progression de 74% sur un an et cette année, les revenus par trimestre dépassent désormais les 160 millions de dollars. Les 600 millions de CA devraient être dépassés, cette année, mais cela ne suffirait pas au bonheur des actionnaires. En effet, les ratios des revenus par action de l’année (P/S ratio de 16) et la valeur espérée pour l’année prochaine (P/E ratio de 300) rangent la firme dans la catégorie des firmes « du cloud » surévaluées, victimes en quelque sorte de leur succés exceptionnel. Elles risquent à terme de ne plus progresser autant qu’auparavant si elles se cantonnent dans leurs périmètres habituels. Mais la firme de Franck Slootman et Freddy Luddy a toutefois régulièrement progressé jusque-là  de plus de 60% d’une année à l’autre et a réussi à fournir comme un métronome 7 cents par action et plus. Le chiffres d’affaires était précisément au dernier trimestre clôturé en juillet à 166 millions à comparer aux 161 millions du même trimestre de l’an passé, ce qui marque tout de même un réel ralentissement. Tout ceci explique le discours de ses représentants à Paris : « Mais on doit aller bien au delà de l’ITSM ».

BMC, le concurrent meurtri, a sorti l’artillerie lourde

Dernier élément, sujet que n’a pas voulu commenter la firme, le procès qu’a entamé BMC Software, son principal concurrent, pour violation de 7 brevets. Le logiciel « Configuration Management Database » de ServiceNow serait le sujet principal des récriminations de BMC. Pour l’un des partenaires français de ServiceNow, la situation de conflit s’expliquerait en partie par l’exode des forces vives de BMC vers ServiceNow. Sur 2200 personnes dans le monde, un bon tiers viendrait de ses concurrents. Quand aux sept brevets déposés par BMC, la plupart seraient, selon des clients de la firme, en fait, sous une forme ou sur autre déjà dans le domaine public depuis des années. Pire, certaines personnes qui étaient à la base de ces projets, travailleraient désormais chez ServiceNow. Une situation de conflit qui de l’avis de spécialistes de l’ITSM risque de nuire pendant un certain temps à ServiceNow sans déboucher sur aucune décision. Christophe Bouchardeau (ex BMC), le patron de la filiale française, de son coté en citant le philosophe Lao Tseu, avait pris de la hauteur dés le début de la conférence pour montrer l’universalité de ses outils :« Les hommes au lieu de construire des murs devraient construire des ponts ». Pour étayer son discours :  » nous nous situons au delà de l’ ITSM. » ServiceNow pourrait bien racheter, à notre avis, après Nebula, spécialiste de l’analytique, une nouvelle firme dans le cloud.