Intel va mal. Ce n’est pas nouveau. En pleine restructuration massive, le groupe est aussi en quête d’un second souffle et cherchait un coup de pouces du côté du gouvernement américain. Un coup de pouce qui prend finalement une tournure inattendue : le gouvernement va acquérir 10% d’Intel.
Intel et l’administration Trump ont officialisé un accord qualifié d’« historique » visant à renforcer la souveraineté technologique américaine dans le domaine des semi‑conducteurs. Washington injectera 8,9 milliards de dollars dans le capital du fondeur, via l’acquisition de 433,3 millions d’actions au prix unitaire de 20,47 dollars, soit 9,9 % du capital. Cette participation restera passive, sans siège au conseil d’administration ni droits d’information spécifiques, et s’accompagne d’un engagement à voter avec le conseil sur la plupart des résolutions.
Le financement provient en partie des 5,7 milliards de dollars de subventions prévues mais non encore versées au titre du CHIPS and Science Act (mis à mal à l’arrivée de Donald Trump), complétés par 3,2 milliards issus du programme Secure Enclave. Ce dernier impose à Intel de fournir des semi‑conducteurs sécurisés au département de la Défense. L’accord supprime par ailleurs certaines clauses de récupération et de partage des profits liées aux aides précédentes, afin de stabiliser les capitaux engagés.
Cette opération s’inscrit aussi dans un plan d’expansion massif d’Intel aux États‑Unis (au détriment de l’Europe puisque le groupe américain a annulé ses investissements en Europe, notamment en Allemagne), évalué à plus de 100 milliards de dollars, incluant la montée en puissance de son nouveau site de production en Arizona, attendu en fabrication de volume d’ici la fin de l’année. Depuis cinq ans, le groupe a investi 108 milliards en infrastructures et 79 milliards en R&D, majoritairement sur le sol américain.
Officiellement, cette entrée au capital est alignée avec la volonté du gouvernement Trump d’assurer la suprématie technologique américaine sur les CPU et GPU. Plus officieusement, c’est aussi une manière de venir au sauvetage d’un groupe en pleine tourmente alors qu’il est l’un des fournisseurs technologiques clés de l’armée et de l’état américain.
Lip‑Bu Tan, CEO d’Intel, a salué l’accord en caressant très officiellement le président américain dans le sens du poil (alors même que Trump l’a accusé en début d’été d’être un espion Chinois et a réclamé sa démission) : « en tant que seule entreprise de semi‑conducteurs menant de la R&D et de la production de logique de pointe aux États‑Unis, nous sommes profondément engagés à garantir que les technologies les plus avancées soient fabriquées en Amérique ». Le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, a salué l’arrivée de l’État fédéral au capital, y voyant un levier pour « créer les puces les plus avancées au monde » et consolider la position américaine dans l’intelligence artificielle.
Le soutien gouvernemental à Intel est également appuyé par plusieurs grands acteurs technologiques, de Microsoft à AWS, qui y voient un pilier stratégique pour la résilience de la chaîne d’approvisionnement et la sécurité nationale.
Une opération qui devrait une nouvelle fois relancer les débats autour de la nécessité pour l’Europe de retrouver son autonomie technologique. D’autant qu’avec la montée en puissance d’ARM dans les datacenters (et l’arrivée du processeur européen Rhéa-1 de SiPearl entré en « tape-out » cet été) et les investissements chinois et européens croissants autour de RISC-V, il y a une vraie carte à jouer pour s’éloigner d’Intel et de l’architecture x86.