Les makers ont ouvert la voie, les industriels s’en emparent : les cartes de développement passent à l’échelle. Entre edge computing, cybersécurité et souveraineté numérique, ces plateformes low-cost redéfinissent les fondations technologiques de la production connectée.

Initialement conçues pour l’éducation ou le prototypage, les cartes de développement comme le Raspberry Pi, l’Odroid ou le BeagleBone Black se sont transformées en plateformes techniques robustes, capables de répondre aux exigences croissantes de l’industrie 4.0. Leur succès repose sur une adoption large par les ingénieurs mais pas uniquement. Leurs performances sont en forte progression et elles baignent dans un écosystème logiciel open source riche.

Les nouvelles cartes pour les environnements industriels exigeants

Les dernières générations de ces cartes intègrent des fonctionnalités clés pour les systèmes industriels : connectivité haut débit (Gigabit Ethernet), architecture modulaire avec bus PCIe indépendant, compatibilité électromagnétique (CEM) et possibilité d’intégration dans des boîtiers renforcés avec alimentation sécurisée et connectiques vissées. Ces caractéristiques leur permettent d’opérer de manière fiable dans des conditions difficiles (poussière, vibrations ou températures élevées). Enfin, elles peuvent également supporter des applications critiques comme l’edge computing, la gestion de capteurs industriels ou les interfaces homme-machine.

Un exemple concret illustre leur robustesse : dans une usine automobile, un système propriétaire de collecte de données techniques, dont le coût annuel dépassait 250 000 euros, a été remplacé par un cluster de Raspberry Pi configurés pour assurer la même fonction à moindre coût. Installées dans des armoires climatisées et alimentées en redondance, les cartes ont géré des données sensibles en continu, 24h/24, pendant plus de trois ans, validant ainsi leur fiabilité dans un environnement industriel exigeant.

Agilité et sécurité : la nouvelle équation industrielle

Dans les environnements industriels, l’intégration de cartes de développement nécessite à la fois une rigueur en matière de cybersécurité et une grande flexibilité technique. La mise en place de réseaux segmentés – par exemple via des zones démilitarisées (DMZ)[1] – permet d’isoler les systèmes critiques, tandis que la sécurisation des flux de données limite les risques d’intrusion ou d’attaques ciblées. Cette exigence de sécurité impose également le recours à des composants conformes aux standards industriels, garantissant robustesse et stabilité dans des contextes parfois contraints.

Mais au-delà de la sécurité, ces cartes se distinguent par leur modularité, qui devient un levier stratégique. En effet, leur capacité à s’adapter à des besoins variés permet de concevoir des architectures sur mesure, bien plus souples que les solutions propriétaires souvent rigides ou fermées. Cela s’avère particulièrement pertinent lorsqu’un industriel souhaite expérimenter ou déployer rapidement une solution technique ciblée.

A titre d’exemple, une plateforme conçue spécifiquement pour l’environnement automobile, bâtie autour d’un module de calcul de type Raspberry Pi 4, est aujourd’hui utilisée pour simuler, tester et enregistrer des données dans des véhicules ou sur bancs d’essai. En remplaçant des systèmes propriétaires historiquement coûteux et rigides, cette solution modulaire embarque des interfaces réseau avancées (Gigabit Ethernet, CAN FD), une alimentation compatible avec les standards automobiles et une capacité de stockage étendue. Elle illustre comment les industriels peuvent tirer parti de composants accessibles et ouverts pour construire des outils techniques sur mesure, agiles, économiques, et pleinement alignés avec les enjeux de l’industrie 4.0.

En alliant ainsi rigueur technique et agilité opérationnelle, les cartes de développement ouvrent la voie à des infrastructures numériques à la fois performantes, résilientes et évolutives : des qualités essentielles pour accompagner la transformation digitale des industriels.

Un levier stratégique pour la souveraineté numérique européenne

Au-delà des avantages purement techniques, l’adoption des cartes de développement s’inscrit dans une dynamique plus vaste de souveraineté numérique. En privilégiant des technologies locales, ouvertes et maîtrisables, les industriels diminuent leur dépendance aux fournisseurs étrangers et aux architectures propriétaires, souvent coûteuses et peu transparentes.

D’autant que l’indépendance technologique va bien au-delà de l’économie : elle est un levier clé pour la sécurité et l’innovation, permettant aux entreprises de maîtriser leurs données, d’adapter leurs systèmes et de bâtir des infrastructures durables et flexibles. Le 7 juillet 2025, le CESIN a appelé à une « indépendance coopérative » européenne, soutenue par un label EUCS+ pour les prestataires conformes. Avec 70 % du cloud européen hors contrôle local, construire une souveraineté technologique est désormais une urgence stratégique.

Alors que la digitalisation et l’industrialisation 4.0 s’accélèrent, les cartes de développement constituent une base technique solide pour soutenir cette transformation. Elles représentent une voie pragmatique vers une industrie plus agile, compétitive et surtout plus autonome face aux défis numériques actuels et futurs.
____________________________

Par Sven Pannewitz, Product Manager – cartes de développement et accessoires pour véhicules chez Reichelt Elektronik

 

À lire également :

Sécuriser l’industrie 4.0 : un chantier toujours prioritaire mais encore peu abouti

Qualcomm annonce l’acquisition d’Arduino et lance la carte UNO-Q

Les défis de l’interopérabilité : Comment l’IA révolutionne l’industrie

IA, cette quatrième révolution industrielle

Raspberry Pi lance une version 16 Go du Pi-5

Hugging Face lance son premier robot à assembler et en open source, « Reachy Mini »