Coup de tonnerre dans le monde du prototypage : Le géant des puces Qualcomm met la main sur Arduino, icône du DIY technologique. Une fusion plutôt explosive qui propulse les makers et chercheurs R&D au cœur de l’IA embarquée et de l’edge computing. L’open hardware entre dans une nouvelle ère où l’IA s’intègre jusque dans les capteurs.

Le secteur des technologies embarquées et du prototypage rapide est devenu un terrain stratégique non seulement pour les makers et pour les centres de R&D mais aussi pour les DSI en quête de solutions maisons notamment pour servir la diversité des usages à l’Edge. Dans un monde où l’IA s’invite dans chaque capteur, chaque robot et chaque objet connecté, les DSI doivent composer avec une double exigence : accélérer l’innovation tout en maîtrisant la sécurité et la scalabilité. C’est dans ce contexte que le marché du DIY technologique, longtemps réservé aux makers et aux étudiants, s’impose désormais comme un vivier d’expérimentation pour les entreprises. Arduino et Raspberry Pi, figures emblématiques de ce mouvement, ont démocratisé l’accès à l’électronique et au prototypage, permettant à des millions de développeurs de passer de l’idée à la preuve de concept en quelques heures.

Et ce marché vient de connaître un inattendu tremblement de terre. Qualcomm, géant américain des semi-conducteurs, acteur incontournable des processeurs mobiles et des puces pour l’IoT, l’automobile et l’industriel, annonce l’acquisition de l’une des figures emblématiques du DIY (Do it Yourself) : Arduino !

Née en Italie en 2005 avec une mission simple, « rendre la programmation et l’électronique accessibles à tous », Arduino est devenue une plateforme mondiale, qui fédère aujourd’hui plus de 33 millions de développeurs, étudiants, ingénieurs et passionnés.

Qualcomm s’empare d’Arduino et de son écosystème

L’annonce est pour le moins surprenante et pourtant la complémentarité des univers est assez évidente. « En combinant l’ethos open source d’Arduino avec le portefeuille de technologies de pointe de Qualcomm, nous permettons à des millions de développeurs de créer des solutions intelligentes plus rapidement et plus efficacement » justifie Nakul Duggal, directeur général de l’IoT, de l’industriel et de l’automobile chez Qualcomm.

Qualcomm n’a pas dévoilé le montant de la transaction. Selon l’acquéreur, l’entreprise italienne gardera son indépendance comme filiale.

Pour Qualcomm, cette acquisition a du sens à plusieurs niveaux. Le fondeur met la main sur tout un écosystème robotique avec ses makers, ses étudiants passionnés d’électronique et ses startups avangardistes qui, bien souvent, bricolent leurs prototypes sur Arduino avant de passer au stade commercial. Dit autrement, à l’heure où l’IA trouve de nouvelles applications à l’Edge, Qualcomm mise sur Arduino pour s’imposer dès la phase de prototypage. Et quand ces projets deviendront des produits, leurs créateurs se tourneront naturellement vers les puces Qualcomm pour la production. Cet accès direct à la communauté des développeurs et des innovateurs, lui ouvre les portes d’un terrain où Raspberry règne en maître mais aussi sur lequel Nvidia a déjà pris une longueur d’avance avec par exemple ses kits de développement pour la robotique. Elle lui permet aussi de diversifier ses revenus en s’ancrant dans l’edge computing et l’IA embarquée, deux segments appelés à croître fortement. Enfin, elle renforce sa crédibilité auprès des startups et des laboratoires qui, demain, deviendront des clients industriels. Qualcomm se positionne ainsi désormais face à Nvidia, mais aussi face à des acteurs comme STMicroelectronics, Renesas, NXP ou Microchip, dont les puces alimentent déjà de nombreux projets Arduino.

Pour Raspberry, cette acquisition sonne quand même comme une menace. On peut aisément imaginer de futures cartes Arduino “propulsées par Qualcomm” à même de rivaliser avec les Raspberry Pi 5 et Compute Module en puissance et connectivité.

Arduino UNO Q : L’IA à portée des makers et de l’industrie

Histoire de sceller cette acquisition, une première carte fruit de cette alliance a parallèlement été annoncée. Équipée du processeur Qualcomm Dragonwing QRB2210, elle combine la simplicité d’un microcontrôleur Arduino avec la puissance d’un système Linux complet, capable de supporter des modèles d’IA pour la vision et le son en temps réel. Une véritable passerelle entre le monde du prototypage éducatif et celui des applications industrielles. Ce « Dragonwing » est un SoC mixant un CPU quad-core ARM Cortex-A53 cadencé à 2 GHz, un GPU Adreno et un NPU accélérateur d’inférence IA. Il est associé à un microcontrôleur STM32U585 qui assure le contrôle précis des entrées/sorties et des tâches critiques en temps réel. Cette architecture dite « dual brain » permet de gérer simultanément des applications complexes comme la vision par ordinateur ou la reconnaissance sonore, tout en conservant la réactivité et la simplicité qui ont fait la réputation des cartes Arduino.

La carte est livrée avec jusqu’à 4 Go de RAM LPDDR4 et 16 à 32 Go de stockage eMMC, ce qui en fait un véritable mini‑ordinateur monocarte. Elle est compatible Wi‑Fi 5 et Bluetooth 5.1, dispose d’un port USB‑C pour l’alimentation et la connexion, et conserve le facteur de forme classique de l’UNO, garantissant la compatibilité avec de nombreux shields et accessoires existants.

L’UNO Q est également le premier modèle à embarquer Arduino App Lab, un environnement de développement unifié qui permet de mélanger des sketches Arduino, des scripts Python et des modèles d’IA conteneurisés dans une seule application. Cela ouvre la voie à des projets hybrides où l’on peut, par exemple, piloter des moteurs en temps réel tout en exécutant un modèle de détection d’objets sous Linux. Pensée comme un outil polyvalent, la carte UNO Q s’adresse autant aux makers qu’aux enseignants, aux ingénieurs et aux entreprises. Elle permet de prototyper rapidement des solutions d’IA embarquée, de robotique ou d’IoT avancé, tout en restant accessible grâce à l’écosystème open source d’Arduino.

Qualcomm parie que l’avenir de l’IA embarquée se joue autant dans les laboratoires de recherche que sur les établis des passionnés. Et pour les DSI, c’est une invitation à regarder de plus près ce qui se fabrique dans les garages, car c’est – historiquement – souvent là que naissent les solutions de demain.

 

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