Avec Athena1, SiPearl muscle le silicium européen : une puce née pour la défense, forgée dans la résilience et taillée pour les environnements extrêmes. Au passage, l’annonce de son développement confirme un peu plus les volontés de l’Europe de regagner son indépendance technologique notamment sur les semi-conducteurs.

L’été dernier, et avec beaucoup de retard sur son planning initial, le concepteur français de semi-conducteurs SiPearl annonçait que son processeur ARM « Rhea-1 » était prêt à entrer en production. Ce processeur doit notamment servir de CPU au fameux « Cluster Module » du HPC exaflopique européen Jupiter dont le « booster module » (à base de superchips Nvidia GH200) est déjà opérationnel. Une étape clé qui lui permet désormais d’accélérer sur ses autres projets.

Acteur clé de l’Europe dans sa quête d’indépendance technologique, SiPearl dévoile maintenant son Athena1, un processeur pensé à la fois pour des usages civils et militaires, et attendu sur le marché à partir de 2027. Issu de l’expertise acquise sur Rhea1, Athena1 promet une « empreinte carbone réduite » et des caractéristiques « spécialement adaptées » aux charges des gouvernements, de la défense et de l’aérospatial, avec des fonctionnalités renforcées en matière de sécurité et de cryptographie.

« Dans un contexte géopolitique incertain, marqué par l’augmentation des problèmes de cybersécurité et des conflits armés, la souveraineté technologique de l’Europe est plus que jamais indissociable d’un matériel souverain », justifie Philippe Notton, fondateur et CEO de SiPearl.

Un processeur pensé pour la sécurité et la résilience

Comme Rhea-1, Athena1 repose sur l’architecture Arm Neoverse V1 et sera décliné en plusieurs versions : 16, 32, 48, 64 ou 80 cœurs, afin d’ajuster la puissance et les enveloppes thermiques selon les environnements (serveurs, postes durcis, embarqué). La puce, « logée dans un nouveau boîtier », met l’accent sur la sécurité et l’intégrité des données. Les spécifications détaillées seront communiquées ultérieurement. Mais, contrairement à Rhea1, conçu pour le calcul intensif et doté de mémoire HBM2e, Athena1 privilégie la fiabilité et la robustesse, en s’appuyant sur la mémoire DDR5 et en intégrant des mécanismes avancés de chiffrement et d’intégrité des données. Car dans l’industrie de la défense et de l’aéronautique, la performance brute passe au second plan : ce qui compte avant tout, c’est la fiabilité dans des conditions extrêmes.
Les cas d’usage visés couvrent « communications sécurisées et renseignement, cryptographie et chiffrement, réseaux tactiques, détection électronique, ou encore traitement de données en local sur des véhicules ». Autant de scénarios où la fiabilité et la robustesse priment sur la seule performance brute.

Un enjeu stratégique pour l’Europe

La fabrication des puces sera confiée à TSMC, le géant taïwanais de la fonderie, mais SiPearl prévoit de rapatrier progressivement l’étape du packaging en Europe afin de réduire la dépendance aux écosystèmes étrangers. Cette volonté s’inscrit dans la feuille de route confiée par l’Union européenne pour ramener sur le continent des technologies de processeurs haute performance. « Il était naturel pour SiPearl de capitaliser sur l’expertise développée par nos équipes de R&D afin de créer une nouvelle version de notre premier processeur, parfaitement adaptée aux besoins du double usage », a expliqué Philippe Notton.

Au-delà du produit lui-même, SiPearl rappelle par ailleurs son ancrage européen : société « fabless », incubée au sein de l’European Processor Initiative (EPI) et soutenue par l’Union européenne et la France, l’entreprise emploie environ 200 personnes en France, Espagne et Italie. Après une série A de 130 M€, elle prépare une série B pour accélérer.

Dans un monde marqué par la compétition technologique et rythmé par les tensions géopolitiques, la souveraineté numérique passe par la maîtrise du silicium. Peut-être plus encore que Rhea-1 (qui symbolise le grand retour de l’Europe sur le marché des CPU), Athena1 devient un symbole de cette nécessaire stratégie d’indépendance technologique de l’UE.