Imperceptiblement, Cisco a changé de costume. Il est passé de la blouse blanche d’administrateur de réseaux au costume noir de vendeur de logiciels. La faute au SDN.
A l’occasion de la 25 ème conférence Cisco Live à San Francisco, le PDG de l’entreprise leader des réseaux, John Chambers, a ressorti ses présentations habituelles montrant que les entreprises qui n’avaient pas su évoluer avaient disparu. « Aucun grand fabricant de l’IT ne serait à l’abri » et John Chambers a même prédit « une consolidation brutale dans le domaine de l’IT ». Il allait même jusqu’à préciser que : « d’ici 5 ans, seuls 2 ou 3 des cinq acteurs principaux de l’IT survivront ». Cet avertissement, venant, d’un acteur qui a fait le vide autour de lui dans les réseaux, impressionne.
Quelle différence avec les années passées ?
Jusque-là, Cisco parlait en général de l’industrie des télécoms et des réseaux, mais faute de combattants, le loup est sortit du bois et paraît avoir l’intention de changer de régime alimentaire et de s’attaquer aux fabricants de serveurs. Depuis que la firme vend ses propres serveur UCS, elle se consacre désormais aux datacenters et ne manque pas de relever les défauts et les handicaps de ses concurrents, ses nouvelles cibles : HP, Dell, Fujitsu et même IBM, qui lui a fourni pourtant en son temps les dizaines de milliards de maintenance de ses réseaux SNA, en fin de vie, il est vrai. Tous les fournisseurs de serveurs ont droit désormais à leur petite dose de fiel, une petite dose de critiques acides sous forme de Powerpoint relayés immédiatement auprès des actionnaires, impressionnés par l’homme qui depuis 23 ans déjà tient la baguette de chef d’orchestre de Cisco.
Prochaine étape à suivre : les hébergeurs
Mais la musique change en fonction des saisons. Chambers a commencé d’ailleurs à effectuer un nouveau travail de sape auprès des hébergeurs en précisant qu’il ne voyait pas l’intérêt de l’acquisition du géant Rackspace, selon une rumeur difficile à comprendre. « On ne s’investit dans un marché que si l’on a une chance d’avoir au moins 40% du marché ». On peut penser que Rackspace a du étudier les serveurs UCS et les outils Intercloud de Cisco et ne pas avoir donné suite.
Mais la critique pertinente du marché des vendeurs de serveurs empêtrés dans des gammes hétéroclites a recueilli un vrai succés auprès des DSI présents aux conférences Cisco live.
Un nouveau Bill Gates ?
Chambers parle donc désormais de l’informatique et des logiciels comme si cela avait toujours été son fond de commerce, la virtualisation des réseaux et en particulier le SDN ( le software Driven Network ) ayant eu pour effet de rapprocher l’informatique des réseaux, de les intégrer même. Lors d’une interview par la chaine interne de la conférence Cisco
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=ErWgaJqPtZQ#t=0
le président de Cisco expliquait que sa firme comptait bien faire partie des acteurs du logiciel. Pour Chambers : « Le changement vers les nouvelles technologies est impératif non seulement pour les acteurs de l’IT mais également pour toutes les entreprises du secteur privé. »
Il y a un an, Cisco, à cette même conférence, avait mis en avant l’internet des objets, un discours repris ensuite en janvier dernier au Computer Electronics Show à Las Vegas et au salon des mobiles en février à Barcelone. A l’époque, Cisco n’avait pas encore mis l’accent sur la technologie de virtualisation du SDN et son « Infrastructure centralisée d’application ( ACI ) issue de son rachat d’Insieme, une structure qu’elle avait externalisée ( spin off) pour créer des produits SDN. Désormais, c’est la nouvelle partition de Chambers.
Finalement NSX de VMWare est bien un concurrent
Au sujet de la concurrence dans ce domaine, John Chambers déclarait lors de la deuxième journée que Cisco reprenait : « presque tous les clients qu’il a perdus suite à l’acquisition Ncira par VMware¨. Jusque là, Cisco expliquait que NSX, le logiciel virtualisation des réseaux de Vmware issu du rachat de Ncira n’était pas un vrai concurrent à proprement parler puisqu’il fallait lui adjoindre une infrastructure de serveur cohérente et des équipements réseaux pour obtenir un environnement concurrentiel sérieux. L’arrivée de NSX remet en cause pas mal des anciennes habitudes d’installation des VM ( schéma ci dessous) avec des commutateurs classiques et surtout ralentit l’acquisition de nouveaux matériels ouverts au SDN.
A ce moment-là, seuls Juniper et HP qui disposaient de plateformes complètes méritaient le détour. Bref, John Chambers défend son entreprise par tous les moyens et lorsque les analystes invités à Cisco word le questionnent sur son implication et sous-entendent que le SDN ne paraît pas décoller, celui ci répond que :
« Plus de 50 clients testent notre logiciel ACI SDN et l’on a déjà vendu 175 routeurs capables de faire fonctionner ACI. Mais surtout on a un « pipeline » qui nous permet d’espérer 1000 clients. »
La formule adoptée par Cisco est de créer des produits évolutifs capables de fonctionner avec les logiciels et les infrastructures actuels puis de passer au mode ACI, celui du SDN. Cisco précisait que sur les 50 clients en train de tester l’ACI, ceux-ci l’effectuaient en mode simulation. De toute manière, l’ACI ne pourra pas être déployé jusqu’à ce que son contrôleur APIC qui gère « la politique d’application de l’infrastructure » ( l’APIC ) des logiciels ne soit disponible, ce qui devrait-enfin-arriver le 30 Juin .
Cisco commence à s’enliser doucement dans le SDN
Bref, bien que John Chambers prédise toujours un avenir radieux pour Cisco, l’arrivée du SDN qui doit simplifier les réseaux en centralisant leur administration sur un seul contrôleur parait déjà ralentir ses ventes traditionnelles, le recul se lit dans ses résultats trimestriels. Le géant des réseaux est d’ailleurs victime du même ralentissement que ses concurrents .
D’une part, les acheteurs attendent des nouvelles générations de commutateurs routeurs compatibles SDN, annoncés comme moins chers que l’existant et par ailleurs, ils souhaitent tester des applications et des services de nouvelles générations.
Les applications doivent motiver l’achat du SDN
Elles existent, les vendeurs d’applications centralisées comme Citrix et Vmware devraient profiter de ces évolutions tout comme les vendeurs de systèmes d’équilibrage de Charge ( F5, Citrix, Kemp) ou les vendeurs de pare-feux ( Palo Alto, etc.) .
Les clients pour le SDN existent déjà
Interrogé sur le noms des grands clients qui ont déjà fait les premiers pas vers le SDN, John Chambers qui à l’habitude d’esquisser un sourire malicieux avant de répondre citait : « General Motors ». Le géant de l’automobile exploite surtout un nouveau mode de licence, une forme de leasing permanent pour lequel Cisco garantit les derniers produits disponibles (sans qu’ils s’empilent inutilement au fond des salles informatiques inutilisées ). Présent à l’exposition, le directeur financier de Cisco expliquait : « Plutôt que d’acheter les engrenages Cisco, boîte par boîte, GM détient désormais » un catalogue de logiciels qu’il a prépayés pour avoir toujours le même service ». Enfin tout ne va pas si mal puisque la firme a bouclé son troisième trimestre avec un chiffre d’affaires de 11,5 milliards au lieu de 12,2 pour la même période un an auparavant. Mais tout le monde attend de voir les effets du SDN.