Souvent propice aux bilans, le début d’année est aussi l’occasion de s’interroger sur la direction que prend le marché. Selon un récent rapport publié au 3ème trimestre 2014 par Broadgroup[1], le secteur de la colocation dans les data centers devrait connaître en 2015 une embellie portée par les commandes émanant du secteur public et la baisse des prix de la colocation. Cela est encourageant mais s’agit-il là des seuls leviers ? Comment évoluera le marché au cours de cette nouvelle année ?
L’année 2014 s’est caractérisée par une activité en demi-teinte pour les opérateurs de data centers de colocation. Si le premier semestre est resté globalement stable par rapport à 2013, il n’a pas réellement connu l’effervescence annoncée au début de l’année. Il a certes été porté par l’augmentation de la consommation de services cloud, mais les commandes d’espaces d’hébergement au sein des data centers n’ont pas enregistré d’augmentation considérable.
C’est à partir du 2ème semestre que la tendance a commencé à s’inverser avec l’arrivée significative des acteurs IT américains en Europe, et notamment une reprise de leurs investissements en France. Peu présents dans les data centers français, ces grands acteurs tels que Salesforce ou encore SoftLayer ont entamé des changements stratégiques en reconsidérant leur implantation européenne. Les raisons de ces repositionnements sont favorables aux data centers français, car même si la politique fiscale était, et reste, un frein pour ces géants américains, certains data centers offrent des leviers clés dont ils souhaitent tirer parti pour assurer leur développement. Mais tous les data centers français pourront-ils répondre à leurs enjeux de performance ?
Les investisseurs étrangers sont amenés à redéfinir leur implantation européenne afin de répondre aux attentes de leurs clients et à la problématique de localisation et de confidentialité des données. En effet, poussés par les différentes réglementations, les clients européens souhaitent davantage de garanties quant à la protection des données et se montrent désormais plus sensibles à l’implantation géographique et à la nationalité de leurs fournisseurs et prestataires. Alors qu’ils ne se concentraient que sur deux ou trois pays cibles européens, ces acteurs américains élargissent leur présence sur le continent en incluant désormais la France. Le potentiel du pays leur laisse en effet entrevoir des opportunités significatives de développement.
Tout d’abord le prix de l’énergie : même si des augmentations sont prévues, le coût de l’électricité reste attrayant dans l’Hexagone. Des écarts quasiment du simple au double sont toujours observés entre la France et l’Allemagne. Sachant que la facture électrique représente au moins un quart du budget du data center, la France détient là un atout non négligeable aux yeux des investisseurs.
De plus, l’important hub réseaux, issu de l’agrégation de points d’atterrissage de multiples câbles sous-marins qui se connectent aux câbles terrestres, positionne Marseille au carrefour de la connectivité entre l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie. Les futurs câbles AAE-1 et SeaMeWe-5 attirent et attireront de nouveaux acteurs qui voudront toucher ces territoires désormais accessibles.
Une ville comme Marseille est en effet stratégiquement située pour rayonner sur l’ensemble de ces territoires jusqu’à Singapour et pour opérer un véritable relai avec le reste de l’Europe. Pour ces entreprises qui souhaitent miser sur le développement numérique que connaissent plusieurs pays africains et asiatiques, héberger ses infrastructures dans cette ville de transit d’informations et de données représente un atout stratégique considérable.
Mais que ce soit à Paris ou à Marseille, tous les data centers ne sont pas égaux et ne peuvent répondre de la même manière aux critères de performance de ces entreprises. L’enjeu réside également dans la capacité des opérateurs de data centers localisés en France à offrir aux investisseurs des infrastructures hautement performantes pour héberger leurs données en augmentation constante et assurer leur confidentialité.
Au-delà du critère technique, les entreprises considèrent avec attention les possibilités d’interconnexion existantes au sein des data centers. Réunies sous forme de communautés d’intérêt, les entreprises opérant dans un même secteur constituent des hubs, tels que des « hubs cloud », des « hubs digital media » ou encore des « hubs finance » par exemple. Par le biais de ces regroupements, les entreprises peuvent bénéficier d’une interconnectivité rapide et à bas coûts auprès de fournisseurs pour déployer et assurer la performance de leurs services et créer de véritables opportunités d’affaires avec des partenaires ou clients potentiels.
La reprise des investissements dans le secteur des data centers en colocation est enclenchée et se poursuivra en 2015, mais cela ne s’opérera pas n’importe où en France. L’activité de la colocation s’oriente petit à petit vers un marché de territoires dominé par Paris et Marseille. La venue de nouveaux investisseurs et l’arrivée des géants américains sont des signes encourageants qui vont à l’encontre du sentiment de défiance qui plane au dessus de l’économie française.
[1]Co-Location Market Quarterly 2014 – Broadgroup
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Fabrice Coquio est président d’Interxion France