Le fabricant de composants réseaux, Avago Technologies, a annoncé l’acquisition du fabricant d’interfaces Emulex pour 606 millions de dollars, dans une opération entièrement au comptant, ce qui est assez rare.
Le singapourien Avago Technologies qui a clôturé son année fiscale le 4 novembre dernier avec un chiffre d’affaire de 4,307 milliards de dollars et plus de 1,343 millions de bénéfices fait désormais plus de 55% de son business aux Etats-Unis. La firme s’était déjà mise en avant avec l’achat de LSI en décembre 2013 pour 6,6 milliards de dollars en cash, là aussi. Peu après, elle revendait la partie de pure stockage SSD (carte Flash et interface) de LSI à Seagate (en mai de l’an dernier) pour 450 millions de dollars. La firme qui avait gardé la partie contrôleur SAS et cartes PCI express de LSI, avec Emulex, va étendre surtout sa palanquée de brevets, et faire fructifier, 16 500 documents qui tiennent en respect de nombreux fabricants de disques SSD et des fabricants de PC et serveurs. Une démarche qui n’est pas globalement sans rappeler le rachat de Motorola par Google avant que ce dernier ne la revende à Lenovo. La combinaison des solutions d’interconnexion d’Emulex et des cartes d’adaptateurs pour stockage d’Avago, sans compter ses interfaces pour fibres optiques, font de ce dernier désormais le plus grand fournisseur mondial d’interfaces réseaux et serveurs. Seul concurrent survivant : Qlogic, l’autre fabricant de cartes interfaces pour le stockage. Prenons le pari que ce sera la prochaine victime d’un rachat à moins que les spéculateurs de tous poils ne fassent monter l’action à un taux dantesque. C’est une sorte de « glissement de terrain » lent mais définitif lorsqu’on sait que les réseaux locaux vont disparaître doucement sous l’effet de l’érosion du SDN, tout comme le monde du stockage s’effrite sous le poids des logiciels et en particulier celui du « software defined storage » qui promet le stockage à faible prix. Selon nos informations, Emulex devrait continuer de fonctionner comme une entreprise autonome mais selon le singapourien, dans le respect de l’offre de stockage d’entreprise d’Avago.
Tout le monde se félicite du Deal
Tan Hock, président et chef de la direction d’Avago se réjouissait du deal : « les offres hauts débit de Connectivité d’Emulex cadrent très bien avec notre portefeuille existant qui vise l’entrée de gamme du marché du stockage d’entreprise ». « Nous sommes ravis d’accueillir l’équipe d’Emules ».De son côté, Jeffrey Benck, président et chef de la direction d’Emulex ajoutait : « Cette combinaison représente une grande opportunité pour Emulex et ses employés de fournir des solutions de pointe à nos clients, tout en fournissant une valeur immédiate à nos actionnaires ». «Notre portefeuille leader est un solide complément des offres d’Avago, elle conforte l’accélération de notre stratégie visant à soutenir les nouveaux serveurs et les architectures de stockage de prochaine génération. »
La transaction est soumise aux conditions de clôture habituelles, mais devrait être finalisée au cours du deuxième semestre de l’exercice d’Avago, celui-ci se terminant le 1er Novembre 2015.
Une alerte évidente pour le monde des serveurs et des réseaux
Au-delà du communiqué, on peut se poser des questions sur le refus d’Emulex en 2009 ( ci-dessous le siège de la firme en Californie) de la proposition de Broadcom qui avait proposé le 21 avril 2009 beaucoup plus d’argent : 912 Millions. Mais ce refus d’ échange d’actions a priori peu attrayant n’a pas du beaucoup plaire à certains propriétaires qui ont laissé les loups d’Elliot Management entrer dans la bergerie. Le raider de Wall street s’est emparé de 11 % de la firme en décembre 2012 et en est devenu ainsi le principal actionnaire avec des actions achetées à 6,6 dollars. Dés l’été suivant, le board était d’accord sur un seul point : la rupture. Il avait désigné un spécialiste pour vendre la firme à tout prix. Les actionnaires et créateurs historiques récalcitrants qui ne disposaient plus que de 2,5% n’avaient plus qu’à se taire. Lorsqu’on se souvient que la firme avait atteint les 107 dollars par action en 2000 et 2001 pour plonger à 29,50 en décembre 2003, on se rend compte de l’érosion de ce secteur. On peut se demander si cette vente qui montre clairement le souci des vendeurs de composants réseaux de se rapprocher des serveurs pour profiter de la manne des serveurs convergés et éviter la baisse des réseaux classiques ne va pas faire chuter encore un peu plus les fournisseurs de réseaux. Autres victimes attendues si les royalties sur les brevets des contrôleurs augmentent : les vendeurs de SSD qui ne gagnent pas leur vie ; ils devraient eux aussi bientôt se faire dévorer.