BlackBerry se prépare à couper dans ses effectifs, non pas à la serpe mais à la hache, pas moins de 40 % de ses effectifs, témoignant ainsi d’une déchéance rapide

La roche tarpéienne est proche du capitole. La maxime romaine s’applique on ne peut mieux à la firme canadienne. BlackBerry avait déjà licencié 5000 salariés sur les 17 000 qu’elle employait en 2011. Cette mesure qui ne faisait pas dans la dentelle n’aura donc pas suffit puisqu’il lui faut recommencer en se « délestant » à nouveau de près de 40 % de ses effectifs. C’est ce qu’affirme le Wall Street Journal dans un article intitulé BlackBerry to Slash Its Workforce by Up to 40% et que le porte-parole de l’entreprise n’a pas confirmé. L’issue de la firme de la ville de Waterloo (ça ne s’invente pas) est presque connue d’avance. Ce sera une quasi disparition de l’entreprise sous une forme ou sous une autre. Parmi  ses actifs, l’activité service et  les brevets autour d’un système de messagerie qui a fait du BlackBerry un des premiers exemples de ce qu’on appelle aujourd’hui un smartphone.

BlackBerry employait 12 700 salariés selon le dernier chiffre connu publié dans le rapport annuel  de l’exercice 2013 clos fin février 2013. Il y a seulement deux ans, BlackBerry possédait  14 % du marché américain des smartphones selon le cabinet IDC, aujourd’hui, c’est  moins de 3 %.  La croissance du chiffre d’affaires a été plutôt rapide en passant de moins de 2 milliards de dollars en 2006 à 20 milliards en 2011 livrant cette année-là plus de 50 millions d’équipements.  Mais la retombée a été tout aussi rapide en retombant à $18mds en 2012 puis à $12mds en 2013. Et les copieux bénéfices (3,4 milliards en 2011) se sont transformés en pertes abyssales (646 millions de dollars en 2013). Le résultat du premier trimestre montrait que l’entreprise a réussi à arrêter l’hémorragie avec un chiffre d’affaires en léger rebond tout en accusant des pertes ($84M).

La montée au zénith puis la retombée dans les limbes n’est pas un phénomène exceptionnel dans le secteur des TIC, on a en a connu plusieurs suite à l’arrivée de chaque vague technologique. Mais de manière aussi rapide, c’est assez rare.

Et pourtant, dans le rapport annuel 2103 publié il y a seulement quelques mois on peut lire que la stratégie de l’entreprise est d’être une “leading « mobile computing company to encompass the smartphone, tablet, enterprise and embedded markets” et de positionner “BlackBerry amongst the top 3 mobile platform and driving further global growth to create value for stakeholders ”.  Et l’année 2013 a été très dynamique avec le lancement de nombreux nouveaux produits :

Tablettes
– 4G LTE BlackBerry PlayBook et BlackBerry PlayBook 4G HSPA
– 3G Plus BlackBerry PlayBook

Smartphones
– BlackBerry Curve 9300
– BlackBerry Curve 9220
– BlackBerry 9620
– BlackBerry Z10

Ce dernier étant le modèle phare du catalogue de l’entreprise canadienne. Il est désormais complété par le Z30, dévoilé de manière assez discrète, et qui constitue un peu la dernière chance de regagner la confiance des utilisateurs.  Mais sans doute trop peu, trop tard. Au passage, BlackBerry n’a pas abandonné le clavier physique (touch with physical keyboard) avec les modèles Q mais a adopté la technologie tactile avec la gamme Z (all-touch). Le Z30 bénéficie d’un écran de grande taille (5 pouces) et tactile, est doté d’un processeur de 1,7 GHz et est en concurrence directe de l’iPhone 5S d’Apple et le Galaxy S4 de Samsung.

 

A signaler au passage que le succès de BlackBerry (Research In Motion) s’est d’abord révélé dans le monde de l’entreprise avant de s’élargir au particulier. Un mouvement opposé à celui qu’on constate depuis quelques années où la technologie effectue un mouvement  inverse, allant des particuliers vers les entreprises. C’est en particulier ce qui a été à la base du mouvement BYOD où les salariés deviennent les prescripteurs de matériels et, dans certaines situations, peuvent utiliser leur matériel personnel à des fins professionnelles.

 

Au départ du succès de RIM était le système de messagerie qui permettait de recevoir ses mails sur son mobile à une époque où le vocable smartphone n’existait pas encore. Plus récemment, BlackBerry a lancé un nouveau système vocal comparable à Skype, le BlackBerry Messenger (BBM), qui permet de lancer des appels téléphoniques et de chat vidéo gratuitement, via une connexion Wi-Fi,  à d’autres utilisateurs dotés du système BBM. A noter que ce système sera également disponible sur les iPhone 5S et les Galaxy S4.

 

Mais tout ceci ne devrait pas modifier la destinée de l’entreprise qui a mis sur pied un comité chargé d’étudier les différentes possibilités au rang desquels la vente de tout ou partie de l’entreprise est la décision la plus probable et ce avant la fin de l’année. Les autorités canadiennes ont indiqué qu’elles regarderaient avec attention ce qu’il adviendrait. Car RIM/Blackberry (RIM a fait adopté le nom de son produit fétiche à la dernière assemblée des actionnaires) au Canada est un peu  l’équivalent de Nokia en Finlande, toutes proportions gardées. Il fait la fierté du pays du sirop d’érable. Et le voir passer sous pavillon étranger n’est pas une issue qui ravit le gouvernement canadien. Un peu comme si Renault était racheté par une entreprise chinoise.