Aujourd’hui les économies budgétaires liées à l’utilisation de solutions Open Source par les DSI des entreprises et du secteur public sont un des facteurs qui poussent à l’adoption de ce modèle. Dans les faits, mesurer précisément les impacts budgétaires et les réductions de coûts ne peut être fait sans tenir compte du profond changement de pilotage financier qu’implique le choix du logiciel libre.

Le logiciel libre repose sur un modèle de services et non de vente comme les logiciels propriétaires. Les budgets sont donc davantage consacrés au développement de projets et l’intégration de solutions plutôt qu’aux maintenances et aux achats de licences. En clair, vous passez d’un modèle de Capex [1] majoritaire à un modèle d’Opex plus en prise réelle avec le niveau d‘activité des organisations. D’ailleurs, le choix de l’Open Source dans de nombreuses grandes entreprises, services de l’Etat ou services publics dépend très largement de cette stratégie d’investissement.

Pour une entreprise, concevoir ou déployer une solution informatique est un choix budgétaire à moyen terme qui permet de construire dans le temps, de se réapproprier son système et de le maîtriser. Ceci entraîne, à terme, des coûts moins importants que lorsqu’il y dépendance à un éditeur, des compétences rares donc chères ou à un constructeur qui sera davantage porté sur une politique commerciale qui n’est pas nécessairement celle de l’entreprise. En effet, la réappropriation du savoir-faire lié à l’Open Source permet une meilleure maitrise des compétences et donc une baisse des coûts.

Un nouveau modèle économique… alternatif !

Le logiciel libre repose sur un modèle économique alternatif qui s’appuie sur une logique de contribution et de travail collaboratif avec les fondations et les communautés qui sont-elles mêmes sponsorisées par des grands acteurs de la communauté IT : derrière Linux, il y a entre autres IBM et derrière Android, on retrouve Google. Il peut aussi s’apparenter à une économie de type développement durable car il s’autoalimente. Ce modèle économique est alternatif par rapport au modèle de rente que proposent les éditeurs traditionnels de l’informatique et qui repose sur une tout autre logique qui est celle de : « j’investis, je développe un logiciel, j’en vends le plus possible, je fais financer la maintenance par les clients qui financent mes investissements à venir ».

Ce modèle économique, technologique et d’innovation s’appuie avant tout sur un vrai savoir-faire en matière d’«intelligence collective» qu’ont développé depuis plus de 20 ans les grandes fondations et communautés du logiciel libre avec l’appui et le sponsor de grands acteurs de l’IT.

Le gouvernement soutient le développement des solutions libres

En France, l’Open Source bénéficie du soutien plus ou moins actif des pouvoirs publics, soutien renforcé depuis l’arrivée de François Hollande. Ceci s’explique d’une part par une contrainte budgétaire évidente mais d’autre part par une volonté d’indépendance technologique vis à vis des stratégies commerciales des grands éditeurs mondiaux.

Depuis les années 90, on assiste à un développement spectaculaire du Web. Il se généralise dans tous les domaines et touche tous les canaux (tablettes, smartphones …). Mécaniquement, les solutions Open Source montent en puissance (80% des serveurs sont aujourd’hui sous système d’exploitation libre). Ces solutions se développent aussi grâce au web 2.0 ou 3.0.

De nombreuses sociétés de logiciels libres sont des PME, des entreprises innovantes ou des start-up (Mozilla par exemple qui est, depuis, devenu une société internationale). De plus, l’Open Source est un facteur d’innovation et de création d’emplois, notamment d’emplois de proximité. Soutenir le choix du logiciel libre permet donc de favoriser l’émergence d’une économie numérique française et sa montée en puissance. C’était d’ailleurs le sens initial de la circulaire Hérault annoncée en octobre 2012 qui invitait les administrations et Ministères à opter pour le logiciel libre et à contribuer à son enrichissement.

Aujourd’hui, chacun enrichit en permanence un écosystème reposant sur des communautés technologiques, des fondations, des entreprises et des communautés d’utilisateurs. La circulaire imaginait également une règle qui consistait à réinjecter systématiquement 5 à 10 % des coûts d’économie réalisée en France, sous forme de contribution ou reversement auprès des communautés de logiciels libres. Cette initiative est importante car elle choisit de faire vivre un modèle contributif. Bien entendu, il subsiste encore de nombreux freins dans les Ministères ou administrations publiques. Par exemple, le Ministère de la Défense a fait le choix d’un contrat cadre Microsoft Open Bar, ce qui est contre cette logique. Il y a encore beaucoup de batailles à mener mais l’impulsion est donnée.

Un levier économique de compétitivité sur le marché mondial

En 2012, le logiciel libre représente environ 10% des dépenses IT et la croissance du marché Open Source est plus rapide que la croissance du marché IT. En France, le logiciel libre représente aujourd’hui environ 30.000 personnes réparties chez les utilisateurs et clients majeurs (ministères, administrations etc.), chez les grands intégrateurs tels que Capgemini, Atos, Sopra ou dans l’une des 300 PME françaises.

La France est un pays leader en termes d’innovations numériques. Elle donne la priorité à ses ingénieurs et développeurs et fait émerger des créateurs de nouveaux projets qualitatifs comme Talend, Bonitasoft et Symphony dernièrement.

Une étude réalisée en 2012 dans le cadre de l’enquête du CNLL/PLOSS (réseau des entreprises logiciel libre de Paris Région) révèle que 60% des besoins des entreprises en termes de recrutement concernent le développement de logiciel. Cela va permettre de créer des emplois de proximité dans les régions et villes de France et éviter une trop forte externalisation (off-shore) de ces projets et emplois vers des régions périphériques, des pays de l’Est ou des pays du Maghreb.

Au niveau européen se multiplient des politiques d’accompagnement fortes autour de l’utilisation de solutions Open Source, particulièrement en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie où il y a traditionnellement une volonté d’indépendance vis-à-vis des leaders informatiques américains ou asiatiques.

Le 1e éditeur mondial Open Source, Red Hat, dépasse le milliard de dollars de chiffre d’affaires quand le 1e éditeur français, Talend, fait une dizaine de millions d’euros. L’enjeu numéro un demeure toujours qu’apparaissent des « champions industriels de l’Open Source français » capables de satisfaire les exigences des grands donneurs d’ordre tout en tirant vers le haut l’ensemble de l’écosystème du logiciel libre français et européen.



[1] Capex (Capital Expenditure ou dépenses d’investissement) et Opex (Operational Expenditure ou dépenses de fonctionnement, d’exploitation).