Cinq mille milliards : Nvidia atteint une orbite qu’aucune entreprise n’avait encore jamais atteinte. Propulsée par la frénésie de l’IA, la firme devient l’astre central d’un marché dont l’équilibre parait pourtant chaque jour un peu plus fragile.

Pour la première fois, une entreprise dépasse les 5000 milliards de valorisation boursière. C’est stratosphérique. C’est plus que les valorisations combinées de Tesla, Netflix et Meta ! C’est plus que le PIB de la France ! Et cette entreprise, ce n’est ni Apple, ni Google, ni Microsoft, ni Amazon… C’est Nvidia ! Une entreprise qui n’était même pas présente dans l’indice Dow Jones il y a deux ans !

« Nvidia continue d’être le moteur de l’optimisme des investisseurs (…) en raison du potentiel de croissance qu’elle présente », explique à l’AFP Sam Stovall, du CFRA. Mais cet optimisme est-il raisonnable. Ou ne fait-il finalement qu’un peu plus alimenter cette bulle de l’IA que certains s’attendent à voir exploser d’un jour à l’autre ?

En l’espace de cent jours à peine, Nvidia est passée de 4000 à 5000 milliards de dollars de capitalisation. Une ascension fulgurante, déclenchée par une série d’annonces spectaculaires de son fondateur et directeur général Jensen Huang. Lors de la conférence GTC à Washington cette semaine, il a en effet révélé que son entreprise avait déjà enregistré pour 500 milliards de dollars de commandes de ses nouvelles puces d’IA (Vera Rubin), et qu’elle allait construire sept supercalculateurs pour le gouvernement américain. Une annonce qui fait suite à aussi à celle de l’investissement massif (100 milliards de dollars) dans OpenAI en début de mois alors qu’OpenAI révélait cette semaine sa nouvelle structuration avec son entité commerciale OpenAI Group PBC. Autant de signaux qui ont électrisé les marchés.

« Nvidia est passée du statut de fabricant de puces à celui de créateur d’industrie », résume un analyste cité par Reuters, soulignant que la société est devenue l’épine dorsale de l’IA mondiale. Cette transformation explique pourquoi, en trois ans, son action a été multipliée par douze, portée par la frénésie déclenchée par ChatGPT et ses successeurs. Les investisseurs voient dans Nvidia la clef de voûte d’un écosystème où la demande dépasse encore largement l’offre.

Plus dure sera la chute ?

Mais derrière l’euphorie, les doutes persistent. Des doutes qui sont les mêmes que ceux que nous évoquions en juillet dernier lorsque Nvidia devenait la première entreprise à franchir le plafond des 4000 milliards de valorisation (depuis rejointe par Microsoft et Apple).

Il y a d’abord cette histoire de « Bulle de l’IA » qui reste à démontrer. Une poignée d’acteurs concentrent l’essentiel de la valeur, et les marchés semblent suspendus aux annonces de capacité et de commandes plutôt qu’aux flux de trésorerie réels. Mais si le marché de l’IA se grippe en ne démontrant pas assez rapidement sa valeur ou si la Chine vient y mettre son grain de sable, les investisseurs pourraient vite perdre confiance.

En outre, on sait que le marché des semi-conducteurs connaît des cycles qui se retournent brutalement dès que l’offre dépasse la demande. Si les géants du cloud freinent soudainement leur croissance, le marché des GPU va partir en vrille.

Enfin, la concurrence est de plus en plus nombreuse et de plus en plus forte portée à la fois par les besoins de baisser les coûts d’inférence, de compenser la pénurie de GPU Nvidia (massivement réservés par OpenAI notamment), mais aussi de revenir à des approches plus raisonnables en matière de consommation énergétique des datacenters notamment en confiant toujours plus de traitements IA aux NPU embarqués sur PC.

Reste donc à savoir si cette valorisation hors norme reflète une réalité durable ou si elle n’est qu’un mirage amplifié par l’enthousiasme autour de l’IA. Pour l’instant, Nvidia défie l’attraction terrestre, mais l’histoire des marchés rappelle que même les étoiles les plus brillantes finissent par redescendre.

 

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