Là où le réseau gagne en intelligence, de nouveaux services, de nouveaux modèles économiques et de nouvelles expériences d’utilisation naissent.

Le secteur des télécommunications fait face à un bouleversement profond. Tandis que les réseaux 5G se développent à l’échelle mondiale et que l’on pose déjà les premiers jalons de la 6G, les attentes grandissent quant aux performances de ces réseaux. À l’avenir, non seulement ils devront être rapides et stables tout en couvrant l’ensemble des territoires, mais ils devront aussi réagir avec souplesse aux demandes les plus variées, du streaming aux usines connectées en passant par les véhicules autonomes.

Cette polyvalence exige bien plus que des matériels performants. Il faut des réseaux intelligents et aptes à apprendre, capables de s’organiser, de s’optimiser et de s’adapter par eux-mêmes. C’est précisément là qu’entrent en jeu l’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation.

Du réseau mobile au système apprenant

Traditionnellement, les réseaux mobiles étaient structurés de manière plutôt statique : après avoir été configurés, ils fonctionnaient avec des paramètres définis et des interventions humaines étaient souvent nécessaires. Cependant, la complexité des réseaux actuels rend cette approche de plus en plus inefficace, notamment car les opérateurs travaillent avec de multiples fournisseurs et doivent constamment étendre leur infrastructure.

L’automatisation permet un changement de paradigme : les tâches routinières telles que la répartition de la charge du réseau, la configuration de nouvelles cellules radio ou la détection des incidents peuvent s’opérer automatiquement et en temps réel. Les systèmes basés sur l’IA vont encore plus loin : ils analysent de grandes quantités de données recueillies en cours d’exploitation, identifient des modèles et, à partir de là, formulent des propositions ou élaborent des mesures directes d’optimisation.

L’automatisation seule ne suffit pas : en quoi l’IA fait la différence ?

Un réseau automatisé peut exécuter des processus prédéfinis. Cependant, l’environnement réseau réel est dynamique : le comportement des utilisateurs change selon l’heure de la journée, les événements ou les urgences. De même, il est rare que les incidents techniques se produisent selon un schéma standard.

C’est ici que l’IA déploie tout son potentiel : les algorithmes peuvent détecter précocement les changements et adapter le réseau de manière proactive. Ils contribuent, par exemple, à utiliser efficacement les fréquences, à prévoir les pannes ou à atteindre spécifiquement certains objectifs de qualité (comme une latence faible pour le gaming ou une fiabilité élevée pour les services d’urgence).

De tels systèmes apprennent en permanence, que ce soit grâce aux retours d’expérience issus de l’exploitation du réseau ou par le biais de simulations. Avec le temps, les réseaux deviennent de plus en plus autonomes et ne requièrent une intervention humaine que dans des cas exceptionnels.

Ce qui est déjà possible aujourd’hui

Le « Network Slicing » ou découpage réseau est un premier exemple d’application: des réseaux virtuels (les « Slices » ou tranches en français) sont créés sur la même infrastructure physique, chacun d’eux possédant ses propres caractéristiques de performances. Un véhicule autonome pourra, par exemple, utiliser un réseau à faible latence, tandis qu’un appareil domotique représentant un faible volume de données utilisera un réseau économe en énergie. L’IA se charge alors d’allouer les ressources de manière souple et efficace, sans interférences entre les applications individuelles.

Autre exemple, l’optimisation énergétique : souvent, les sites de téléphonie mobile en zone rurale n’ont pas besoin de fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre à leur capacité maximale. L’IA peut alors aider à désactiver temporairement certains composants sans que les utilisateurs ne remarquent quoi que ce soit. Cela permet d’économiser de l’énergie et de réduire les coûts d’exploitation sans compromettre la qualité du réseau.

Comment les opérateurs réseaux se préparent-ils pour l’avenir ?

De nombreux opérateurs réseaux sont actuellement en phase d’adoption des technologies IA et de passer à échelle : ils font progressivement évoluer leurs systèmes existants vers des réseaux plus intelligents. Pour ce faire, ils s’appuient sur des solutions logicielles modulaires qui intègrent les infrastructures existantes.

Dans ce contexte, il est essentiel d’adopter une approche globale : l’IA et l’automatisation n’atteignent leur plein potentiel que lorsqu’elles agissent sur tous les segments du système, du réseau d’accès radio (RAN) au réseau de transport, en passant par le cœur du réseau. Ce n’est qu’alors qu’elles peuvent échanger des informations, coordonner leurs décisions et exploiter les synergies.

L’IA : une clé pour la prochaine génération de réseaux.

La poursuite du développement de la 5G et la transition future vers la 6G ne pourront pas s’envisager sans l’IA et l’automatisation. Ce ne sont pas des options superflues mais des composantes fondamentales d’un réseau qui pourra être exploité de manière évolutive, flexible et rentable.

Il ne s’agit pas seulement d’efficacité, mais aussi d’innovation : de nouveaux services, de nouveaux modèles économiques et de nouvelles expériences d’utilisation naissent précisément là où le réseau gagne en intelligence. Ceux qui s’appuient aujourd’hui sur des systèmes capables d’apprendre construisent les fondations des communications de demain.
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Par Pierre-Gaël Chantereau, Président-Directeur Général de Nokia France

 

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