De cockpit central à moteur invisible, l’ITSM s’efface peu à peu derrière l’IA, le codeless et l’ESM pour libérer tout son potentiel de création de valeur. Une mutation profonde au croisement des métiers, des systèmes et des usages…
En 2025, les DSI placent l’innovation technologique au cœur de leurs priorités : 60 % d’entre eux la considèrent comme essentielle pour rester compétitifs (selon une étude Gartner). Cette dynamique s’accompagne d’une transformation profonde de l’ITSM (IT Service Management ou outil de gestion des services informatiques), qui évolue d’un outil de support à un levier stratégique de collaboration inter-métiers.
Tour d’horizon des dynamiques majeures qui redéfinissent durablement les contours de l’ITSM, bien au-delà de son périmètre originel.
L’UX, un critère aussi décisif que la couverture fonctionnelle
La première révolution, sans doute la plus visible, concerne l’expérience utilisateur. Il y a encore dix ans, les directions informatiques sélectionnaient principalement leurs outils ITSM sur la base de leur couverture fonctionnelle et de leur conformité ITIL. Aujourd’hui, l’ergonomie, la personnalisation des interfaces et l’intuitivité des parcours sont devenues des critères majeurs de décision, au point de faire pencher la balance, même face à des outils technologiquement plus robustes.
Dans un contexte B2B où les utilisateurs finaux — souvent non-techniciens — prennent une part croissante dans le cycle de décision des outils, cette évolution signe la consumérisation de l’ITSM. Plus qu’une simple tendance, c’est une réponse directe à la complexité croissante des organisations et à la nécessité de réduire les frictions dans les usages quotidiens.
L’extension naturelle vers l’ESM : l’ITSM devient le socle de la transformation interne
Loin de se cantonner au périmètre IT, les plateformes ITSM s’étendent désormais à l’ensemble des services de l’entreprise. RH, logistique, technique, patrimoine, qualité… Tous les métiers peuvent aujourd’hui être embarqués dans une logique de service management transverse, à condition de disposer d’un outil capable de parler leur langage.
C’est là qu’intervient une deuxième transformation : la verticalisation métier. Le moteur ITSM reste le même, mais l’habillage — interfaces, vocabulaires, règles métiers — est adapté à chaque domaine. Cette “ESMisation” progressive (Enterprise Service Management) permet de digitaliser des processus métiers variés tout en gardant un référentiel unique, ce qui améliore la cohérence des services et la collaboration inter-départements.
Le modèle codeless, ou comment rendre les métiers autonomes
Troisième révolution : le basculement vers le codeless. À l’heure où la pénurie de profils techniques se généralise, il devient impératif de concevoir des solutions paramétrables par des profils non développeurs. En s’appuyant sur des environnements no-code ou low-code, les plateformes ITSM donnent la main aux métiers, qui peuvent adapter l’outil à leurs usages, sans passer par des cycles de développement lourds.
C’est un double levier de performance : réduction des coûts de maintenance et réactivité accrue dans les évolutions des besoins. À condition toutefois de conserver un cadre structurant pour éviter la dérive ou l’hétérogénéité des pratiques.
Vers un ITSM “augmenté”
Enfin, l’ITSM moderne s’enrichit de briques technologiques avancées. L’intégration de l’IA, notamment sous la forme de RAG (retrieval-augmented generation), permet d’optimiser la recherche documentaire, de proposer des catégorisations ou résolutions intelligentes, voire à terme de déclencher automatiquement des actions à partir d’un contexte détecté.
Parallèlement, la capacité d’interconnexion avec l’ensemble de l’écosystème applicatif (ERP, outils métiers, plateformes IoT…) devient un enjeu critique. L’ITSM ne peut plus être une tour d’ivoire : il doit être un chef d’orchestre qui agrège, pilote, alerte et automatise.
Et demain ? Si les plateformes actuelles jouent un rôle de cockpit, elles pourraient s’effacer presque totalement au profit d’un ITSM “invisible”, où les moteurs d’intelligence artificielle agiront en autonomie. Clôture automatique de tickets, redémarrage de processus critiques en pleine nuit, diagnostics proactifs et remédiation sans intervention humaine : la bascule vers un ITSM autopiloté pourrait survenir en moins d’une décennie. Ce n’est plus de la science-fiction, c’est une trajectoire déjà amorcée.
L’ITSM se plaçant désormais à l’intersection des systèmes d’information, des métiers et des usages, il devient un levier stratégique de transformation interne. De plus en plus discret, de plus en plus puissant. Pour les DSI comme pour les responsables métiers, cela signifie sortir d’une logique de maintenance et entrer dans une logique de co-création de valeur, centrée sur l’utilisateur.
____________________________
Par Antoine Perdreau, Responsable Partenaires & Ingénieur Avant-Vente chez Isilog