Les IA qui passent commande à votre place sont en train de déclencher une guerre de tranchées numérique. Amazon, Perplexity et consorts se disputent le droit de contrôler qui, ou plutôt quoi, peut acheter en ligne. Derrière le choc des marques, c’est aussi l’avenir du commerce automatisé qui se joue. Une affaire qui éclaire d’un jour nouveau l’éternel manque de transparence de nos IA…

Les IA agentiques qui réalisent des achats automatiquement au nom des utilisateurs violent-elles les règles d’utilisation des marketplaces ? La question vient d’être soulevée par Amazon qui poursuit en justice Perplexity : Comet, le navigateur IA de Perplexity, doté d’un assistant agentique et capable de réaliser des achats et transactions, violerait ses conditions d’utilisation en se connectant à ses services sans s’identifier clairement comme un agent automatisé, et en se faisant passer pour un navigateur classique comme Google Chrome.

Le bras de fer est intéressant et devient emblématique à l’heure où les ChatGPT et consorts se dotent de capacités agentiques pour réserver des billets, acheter des objets, etc.

Le manque de transparence de l’IA, encore et toujours…

Dans une lettre de mise en demeure envoyée cette semaine, Amazon affirme que Comet « dégrade l’expérience d’achat » en ne proposant pas toujours le meilleur prix, le mode de livraison le plus adapté ou certaines options essentielles comme l’ajout de produits à une commande existante.

Selon le groupe, cette opacité perturbe la relation avec ses clients et lui cause des pertes importantes liées aux enquêtes et contre-mesures de sécurité. Amazon résume ainsi sa position : « Les applications tierces qui proposent d’acheter au nom des clients doivent agir de manière transparente et respecter la décision des fournisseurs de services quant à leur participation ».

Perplexity, de son côté, a répliqué avec vigueur dans un billet de blog au titre évocateur, « Bullying is not innovation » (Le harcèlement n’est pas une innovation). La start-up y dénonce une tentative d’intimidation et accuse Amazon de chercher avant tout à protéger ses revenus publicitaires. « Amazon veut éliminer les droits des utilisateurs pour vendre plus de publicités maintenant et collaborer plus tard avec des agents conçus pour les exploiter. Ce n’est pas seulement de l’intimidation, c’est insensé », écrivent ses responsables. Plus largement, Perplexity présente son combat comme celui de David contre Goliath, affirmant que « c’est une menace pour tous les internautes ».

Une innocence feinte et peu crédible

La confrontation dépasse le simple cadre juridique. Elle met en lumière deux visions opposées de l’avenir du commerce en ligne. Pour Amazon, l’intégration d’agents intelligents doit rester sous contrôle, à l’image de son propre assistant Rufus lancé récemment. Pour Perplexity, au contraire, l’IA agentique représente une promesse d’émancipation des utilisateurs face à des plateformes saturées de publicités et de recommandations biaisées. Comme l’écrit la start-up : « Pendant des décennies, les algorithmes ont été des armes aux mains des grandes entreprises. La promesse des modèles de langage est de redonner le pouvoir aux gens ». Vraiment ? Cela reste à voir. Il n’est pas évident que donner des pouvoirs aux IA en redonnent aux humains. En réalité l’utilisateur n’a pas toujours conscience que ses choix sont filtrés par une IA intermédiaire qui sélectionne, hiérarchise et reformule les offres. Et quoi qu’en dise Perplexity, Comet détourne par nature une partie du trafic et des revenus publicitaires d’Amazon. Perplexity omet de dire que son propre modèle repose sur la captation des utilisateurs d’Amazon et sur la promesse de monétiser leur attention autrement.

Tout ceci donne l’impression que Perplexity se présente comme le défenseur des internautes contre un géant monopolistique tout en contournant les règles pour mieux poursuivre ses propres intérêts commerciaux.

Ce différend pourrait bien inaugurer une série de batailles similaires. Déjà, d’autres acteurs comme le New York Times ont choisi de bloquer certains agents automatisés, et l’on voit poindre une question de fond : les sites accepteront-ils de laisser des robots acheter, réserver ou comparer à la place des humains, ou chercheront-ils à les interdire pour préserver leur propre modèle économique ?

En toile de fond, pointe déjà la question de la liberté de décision à l’ère de l’IA agentique. Est-ce l’internaute qui choisit, ou bien un système IA qui choisit pour lui, parfois sans qu’il en ait pleinement conscience ? Si les plateformes verrouillent l’accès, elles limitent l’autonomie des individus en les enfermant dans leurs propres écosystèmes. Mais si les agents tiers prennent trop de place, ils risquent de substituer leur logique à celle de l’utilisateur, en orientant ses choix sans transparence totale.

Reste à savoir si les tribunaux trancheront en faveur de la transparence exigée par les plateformes ou de la liberté revendiquée par les nouveaux agents intelligents. Une chose est sûre : cette affaire éclaire sous un nouveau jour la manière dont l’IA agentique s’invite dans nos pratiques quotidiennes d’achat en ligne.

 

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