La souveraineté numérique n’est plus un sujet réservé aux experts juridiques ou aux DSI. Elle est désormais un levier stratégique majeur pour les entreprises, au même titre que la cybersécurité ou la performance opérationnelle. Dans un contexte d’incertitude géopolitique croissante, les organisations en France et en Europe s’interrogent sur les moyens de renforcer la résilience de leur infrastructure numérique. Les chaînes d’approvisionnement sont plus fragiles que jamais, et une dépendance excessive à l’égard de certains fournisseurs de cloud ou de services IT représente un risque réel pour la continuité d’activité. Face à cette situation, de nombreux décideurs recherchent des solutions et des stratégies pour garantir la capacité d’action de leur organisation sur le long terme. Les nouvelles exigences réglementaires européennes – telles que les règlements NIS2, DORA, le Cyber Resilience Act (CRA) ou encore l’AI Act – accentuent encore davantage la pression. Ces textes placent plus que jamais la gestion proactive des risques et le contrôle des données, des processus et des technologies au cœur des priorités. C’est donc le moment idéal pour définir les bases d’un avenir numérique sûr et souverain, en adoptant une approche ouverte et européenne.

Trop d’entreprises sont encore prisonnières d’architectures rigides, dictées par leurs fournisseurs. La souveraineté commence pourtant par la capacité à comprendre, adapter et faire évoluer ses environnements technologiques sans subir de contraintes imposées. Les technologies ouvertes et interopérables, comme les solutions open source, permettent de sortir de ces impasses. Elles offrent une transparence précieuse, réduisent le risque de verrouillage technologique, et assurent une agilité stratégique face aux évolutions du marché ou aux nouvelles exigences réglementaires.

Mais il ne suffit pas de savoir maîtriser les outils. Encore faut-il garder la main sur ce qu’ils contiennent : les précieuses données. Où sont-elles hébergées ? Sous quelle juridiction ? Qui peut y accéder ? Trop souvent, ces questions sont traitées après coup, alors que la souveraineté des données devrait guider chaque choix d’architecture. Il est essentiel de s’appuyer sur des infrastructures conformes aux réglementations locales, de garder la main sur les clés de chiffrement et de définir avec précision les rôles d’accès aux environnements critiques. Au-delà de la conformité (RGPD, NIS2, DORA…), c’est une condition indispensable pour garantir la confidentialité et la confiance. Par exemple, des environnements conteneurisés sur site, sur Kubernetes, vont pouvoir héberger des données sensibles tout en respectant strictement la législation locale. Grâce à l’open source, il sera possible d’auditer chaque couche de la stack, contrôler les flux inter-containers, automatiser la mise en conformité, et surtout, répliquer ces environnements sur des infrastructures locales ou partenaires autant de fois que nécessaire.

Si la résilience passe aussi par la capacité à faire face à une panne, un incident ou une rupture d’accès à un prestataire, trop de stratégies cloud reposent encore sur un modèle « tout externalisé », sans alternative crédible. En construisant des architectures hybrides, intégrant des briques maîtrisées localement, les entreprises se donnent la possibilité de basculer temporairement des services critiques, de rapatrier certaines données ou de maintenir leurs opérations, même en cas de crise. C’est un socle de robustesse, mais aussi une manière pragmatique de conjuguer performance, maîtrise et flexibilité

Adopter une démarche cohérente, alignée et progressive

S’engager dans une stratégie de souveraineté ne signifie pas rompre avec les fournisseurs globaux, mais savoir arbitrer, choisir et équilibrer. Cela implique d’évaluer son écosystème numérique existant, identifier les dépendances critiques, les zones d’ombre réglementaires, les points de friction en matière de transparence ou de contrôle. Il faut aussi revisiter ses contrats cloud, ses relations éditeurs et ses politiques de gestion des données à l’aune des réglementations locales et des objectifs d’autonomie. Et surtout, aligner sa stratégie IT avec les cadres juridiques et métiers de l’entreprise pour éviter les injonctions contradictoires. Enfin, la souveraineté ne se décrète pas : elle s’installe dans la culture IT. Chaque décision, qu’il s’agisse d’achats technologiques, d’architecture ou de gestion des accès doit intégrer une logique d’autonomie, de résilience et de conformité. Dans ce cadre, la collaboration avec des partenaires locaux peut renforcer efficacement les dispositifs globaux, un modèle hybride pour allier proximité et sécurité.

La souveraineté technologique d’une entreprise repose avant tout sur la maîtrise de son système d’information. À l’image d’un chef d’orchestre, la DSI doit pouvoir diriger chaque composant, connaître la provenance de chaque instrument, s’assurer qu’il est interchangeable, sécurisé et maintenable. Car aucune organisation ne peut se permettre de laisser des zones d’ombre dans une infrastructure devenue critique. Dans ce contexte, l’open source représente bien plus qu’une alternative technologique : c’est un levier stratégique. En offrant transparence, auditabilité et indépendance, il permet aux DSI de garder la main sur leur partition, de piloter avec confiance leur architecture, et d’assurer un alignement durable entre performance, sécurité et souveraineté.
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Par Cyril Cuvier, Solutions Architecte SUSE

 

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