Verrouillé. Bloqué. Impénétrable. C’est l’image que donne de lui-même le marché français de la fibre optique d’entreprises (ou FTTO). Un marché tenu d’une main de fer, en partie, par deux acteurs : Orange et SFR. Forts de leur maîtrise du réseau fibre et de leur stratégie de rachats systématiques, l’ex-société publique (surtout) et le nouveau groupe SFR –Numéricable règnent en maître sur ce secteur. A tel point que l’Arcep, par la voix de Sébastien Soriano, à enfin décider de tirer la sonnette d’alarme. Car en plus de provoquer un renchérissement de la facture des entreprises, cette situation tue la libre concurrence. Oui, elle la tue. Et les opérateurs alternatifs sont là pour en témoigner.
Des opérateurs alternatifs pris à la gorge
Ces derniers n’ont pas d’autonomie. Pour la plupart, leurs liens (les Réseaux d’Initiative Publique mis à part), s’appuient sur les réseaux FTTO d’Orange et SFR. A la merci du duopole, ces opérateurs alternatifs – comme l’expliquait dernièrement Alexandre Nicaise, CEO d’Alphalink – se mettent en danger économiquement en indexant leur prix sur ceux imposés par leurs divisions opérateurs (Divop). Conscients des limites du modèle actuel, certains opérateurs voient dans la création d’un réseau propre une planche de salut. Une hypothèse intellectuellement tentante mais concrètement contre-productive.
D’une part, la création du jour au lendemain d’un réseau fibre capable d’accueillir leur parc clients actuel coûterait plus d’une dizaine de millions d’euros. D’autre part, en concevant ce type de structure, l’opérateur s’exposerait à une contradiction de taille : alors que sa vocation est de proposer des solutions multiples à son client il se trouverait pieds et poings liés à sa seule solution afin d’amortir son déploiement. C’est notamment pour cette raison que Martin Bouygues envisagerait de céder sa filiale télécoms à Orange. « La fibre ça coûte de l’argent et ils n’ont pas vraiment commencé », commentait de façon anonyme un acteur des télécommunications en se référant à Bouygues.
Pris en étau entre les Divop à la politique tarifaire discutable et le gouffre économique représenté par la création de leur propre réseau, comment les opérateurs alternatifs peuvent-ils jouer à armes égales avec les deux principaux opérateurs ?
Un Deux ex-machina dans les télécoms ?
Dans le théâtre grec ancien, il était courant qu’un Deux ex-machina, sorte d’homme providentiel, apparaisse de façon impromptue pour régler les problèmes insolubles des protagonistes. C’est précisément ce rôle que veulent incarner les opérateurs neutres dédiés aux opérateurs alternatifs.
Pour faire simple, ces opérateurs sont l’équivalent des Divop, la bonne conduite en plus. Ne jouant pas sur les deux tableaux, à la fois fournisseur d’accès et concurrent des opérateurs alternatifs, ils ne constituent pas une menace à leur développement.
Spécialisés uniquement dans la mise à disposition de fibres, ils agissent en véritables partenaires techniques en proposant des solutions innovantes en termes de délai de livraison, de sécurisation et de rétablissement. Enfin, les opérateurs neutres agiraient sur la compétitivité des entreprises. Forts d’une organisation souple, ils sont en mesure d’offrir des solutions à des prix compétitifs. Toutefois, l’avènement de ce nouveau paradigme, dans lequel les Divop n’auraient plus la possibilité de faire la pluie et le beau temps dépend grandement des opérateurs alternatifs.
Free est le dernier acteur à avoir agité l’écosystème. Avant que cela n’arrive, combien l’auraient envisagé ? Pourtant sept ans après, Xavier Niel et ses associés se sont imposés comme le quatrième opérateur du pays tout en dopant le pouvoir d’achat des Français. C’est à cette voie que sont appelés les opérateurs alternatifs. Celle du courage et de l’affranchissement. Oseront-ils franchir le pas ? Ou cèderont-ils au « syndrome de Stockholm » en continuant de subir les conditions imposées par le duopole ?
Difficile à dire pour le moment. Mais compte tenu du contexte actuel, nul ne peut exclure – a priori – un changement de paradigme dans les prochaines semaines.
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Hicham Raji est Vice-Président d’Etoile Plus