L’IA a totalement bouleversé l’univers du développement d’applications et déjà beaucoup secoué l’univers de l’expérience client et le boulot des comptables. Et les prochaines professions lourdement impactées pourraient bien être ceux de la médecine et des sciences génétiques.

Il y a quelques jours, Bill Gates prédisait lors de la populaire émission « The Tonight Show » de Jimmy Fallon, que « dans les 10 prochaines années, l’IA rendra les soins médicaux de qualité et l’enseignement bien plus accessibles, voire gratuits ». Autrement dit les humains bénéficieront de conseils médicaux et de formations sans dépendre d’experts humains hyper-qualifiés et peu disponibles. Gates qualifie cette évolution de « très profonde et un peu effrayante » car elle se produit très rapidement.

Vraiment très rapidement.

Preuve en est deux innovations scientifiques récentes de Microsoft (MAI-DxO) et de Google (AlphaGenome) qui démontrent à quel point l’IA actuelle (avec ses limites bien connues) progresse et étonne par ses capacités.

L’IA de Microsoft ridiculise les médecins humains

Assite-t-on déjà à une révolution dans le diagnostic médical ? Le nouveau modèle MAI-DxO de Microsoft Research pulvérise les performances humaines avec 85% de précision diagnostique sur des cas complexes du New England Journal of Medicine, là où les médecins plafonnent à 20%.

Le secret ? Une IA qui pense comme un médecin mais sans ses biais. « Aujourd’hui, ces modèles mènent des conversations fluides de très haute qualité, posant les bonnes questions et suggérant les bons tests et interventions au bon moment », explique Mustafa Suleyman, CEO de la division Microsoft AI.

L’évaluation s’est appuyée sur 304 cas cliniques issus du New England Journal of Medicine, réputés pour leur complexité diagnostique. Ces cas, publiés chaque semaine par la prestigieuse revue médicale, représentent des défis intellectuels majeurs nécessitant souvent l’intervention de plusieurs spécialistes. Microsoft a comparé les performances de MAI-DxO à celles de 21 médecins généralistes américains et britanniques, travaillant sans accès à des ressources externes.

Non seulement l’orchestrateur médical de Microsoft surclasse les praticiens mais il économise 20% sur les coûts d’examens. Le système combine plusieurs modèles d’IA disponibles sur le marché, incluant Claude, DeepSeek, Gemini, GPT, Grok et Llama. Microsoft a développé un « orchestrateur » qui émule le processus de consultation collégiale entre médecins face à des cas complexes. « L’IA pense légèrement différemment », note le Dr Dominic King, vice-président de Microsoft AI, soulignant l’absence de biais de confirmation qui peuvent affecter les cliniciens humains.

Et la transparence change la donne : MAI-DxO détaille chaque étape de son raisonnement. « C’est un niveau de transparence et de visibilité dans le processus de réflexion que nous n’avions jamais vu auparavant », souligne Suleyman.

Ce qui est ici très surprenant, c’est que Microsoft ne s’est pas appuyé sur des modèles spécifiquement entraînés aux pratiques médicales mais sur les modèles actuels du marché. Logique car Microsoft reconnaît recevoir 50 millions de requêtes santé quotidiennes sur Bing et Copilot. L’IA grand public s’impose donc déjà comme une nouvelle porte d’entrée des soins. Et l’espoir est évidemment d’arriver un jour à se soigner en ligne pour désengorger les urgences médicales et les salles d’attentes des médecins.

Reste que MAI-DxO n’est qu’une expérimentation. Il reste d’ailleurs un obstacle majeur à sa diffusion : la règlementation. Aux USA, la FDA n’a toujours pas tranché sur le statut de ces systèmes. En Europe, la situation n’est pas plus avancée. En attendant, Microsoft peaufine son « panel virtuel de médecins » qui pourrait révolutionner l’accès aux soins dans les déserts médicaux.

AlphaGenome, l’IA de Google qui déchiffre les variations génétiques

Parallèlement, la célèbre division DeepMind de Google vient également apporter sa pierre à l’édifice des « miracles » de l’IA. AlphaGenome est un modèle IA révolutionnaire capable d’analyser jusqu’à un million de paires de bases d’ADN simultanément et de prédire comment les mutations affectent la régulation génétique. Cette innovation combine réseaux de neurones convolutionnels et transformers pour traiter des séquences longues avec une précision au nucléotide près. Le système prédit des milliers de propriétés moléculaires (expression génique, épissage ARN, liaison protéique) en surpassant les modèles existants sur 24 des 26 benchmarks dédiés au sujet.

Les applications pratiques se révèlent particulièrement pertinentes pour trois domaines. Dans la compréhension des maladies, AlphaGenome permet d’identifier plus précisément les causes génétiques potentielles et d’interpréter l’impact fonctionnel des variants liés à certains traits pathologiques. Pour la biologie synthétique, les prédictions guident la conception d’ADN synthétique avec des fonctions régulatrices spécifiques. En recherche fondamentale, l’outil accélère la cartographie des éléments fonctionnels du génome.

La particularité d’AlphaGenome est d’unifier toutes ces capacités dans un seul modèle, là où les solutions actuelles nécessitent plusieurs outils spécialisés. En outre, l’entraînement du modèle ne requiert que quatre heures sur la dernière génération d’accélérateurs TPU de Google, divisant par deux les ressources nécessaires par rapport aux précédents modèles généticiens imaginés par Deepmind.

Certains experts voient déjà dans AlphaGenome un outil crucial pour mieux comprendre certaines maladies génétiques ou les cancers. Google DeepMind reconnaît néanmoins que son nouveau modèle souffre encore de limitations. Typiquement, il peine encore à capturer l’influence d’éléments régulateurs très distants (au-delà de 100 000 paires de bases) et nécessite des améliorations pour mieux saisir les spécificités cellulaires et tissulaires. En outre, l’outil – qui reste expérimental – n’a pas été conçu ni validé pour des fins cliniques directes.

L’API AlphaGenome est néanmoins disponible gratuitement pour la recherche non commerciale. L’objectif est pour l’instant essentiellement de recueillir des retours d’expérience pour améliorer les futures versions. Mais il pourrait d’ores et déjà avoir des impacts scientifiques significatifs.

 

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