La souveraineté numérique de l’Europe et la trop grande dépendance des entreprises européennes aux technologies américaines sont des thèmes revenus au premier plan des préoccupations des DSI et des responsables d’organisation. Parce qu’il est spécialiste du sujet et n’a pas pour habitude de pratiquer la langue de bois, le député Philippe Latombe est le Grand Témoin de Guy Hervier. Il nous explique pourquoi, selon lui, l’autonomie stratégique passera aussi par la maîtrise des licences logicielles, la relance des supercalculateurs et le soutien à des acteurs d’IA comme Mistral AI.
Réputé pour son franc-parler et député Modem de la 1ʳᵉ circonscription de Vendée, Philippe Latombe s’est imposé comme l’un des principaux porte-voix de la souveraineté numérique à l’Assemblée nationale. Il est l’invité exceptionnel de Guy Hervier pour ce dernier numéro de notre émission « l’invité de la semaine » avant la pause estivale.
Membre actif de la commission des lois et corapporteur d’un rapport fondateur sur le cloud en 2021, il siège également dans la commission spéciale chargée de transposer les directives européennes NIS 2, DORA et REC. Pour lui, l’heure n’est plus aux demi-mesures : « Il faut qu’on ait une autonomie stratégique », insiste-t-il, se félicitant que cette idée fasse aujourd’hui consensus, de l’extrême-gauche à la droite de l’Hémicycle.
Défis du cloud, logiciels et cybersécurité : l’urgence d’agir
Au fil de l’entretien, Philippe Latombe détaille les principaux chantiers du numérique français et européen. Face à la domination américaine dans le cloud, il appelle à bâtir une offre « immunisée » contre les lois extraterritoriales, s’appuyant sur le label SecNumCloud qui doit, selon lui, évoluer vers « un SecNumCloud totalement européen ».
Il alerte une nouvelle fois sur la dépendance aux grands éditeurs de logiciels américains, dénonçant « l’arnaque » du surcoût des licences Microsoft et le choc tarifaire après le rachat de VMware par Broadcom, qui pousse les organisations à inventorier leurs « adhérences critiques ».
Sur le volet cybersécurité, le député milite pour la création d’une « base industrielle et technologique de cybersécurité » (BITC), calquée sur le modèle de la BITD défense, afin de structurer le secteur et de répondre à l’explosion des obligations réglementaires comme NIS 2 et DORA.
Vers une autonomie numérique européenne
Pour Philippe Latombe, la réponse ne peut être qu’européenne : « Ça ne fonctionnera, et on ne pourra avoir une autonomie stratégique, qu’au niveau européen », martèle-t-il, convaincu que seule une action coordonnée permettra de rivaliser avec les grandes puissances.
Cette logique vaut aussi pour l’intelligence artificielle, où il préconise de soutenir « deux-trois grands acteurs » comme Mistral AI, notamment en leur réservant la commande publique et l’accès à la puissance de calcul.
Il revient également sur deux dossiers sensibles : le rachat par l’État de l’activité supercalculateurs d’Atos – jugé « nécessaire » mais à réorganiser rapidement – et le Health Data Hub, pour lequel il réclame une nouvelle gouvernance, décentralisée et réversible.
Pour conclure, Philippe Latombe rappelle que la souveraineté numérique ne doit plus rester un slogan, mais devenir un impératif industriel, économique et démocratique : « Il faut maintenant passer du discours au carnet de chèques » et utiliser la commande publique pour faire émerger des champions européens.