L’essor des coûts cloud et les débats autour de la souveraineté des données relancent la réflexion sur le retour à l’on-premise, au risque de mettre en péril agilité, innovation et sécurité opérationnelle. Les stratégies de cloud repatriation interrogent la capacité des entreprises à concilier contrôle budgétaire, conformité réglementaire et maintien d’une agilité technologique essentielle à la compétitivité.
Les dépenses informatiques à échelle mondiale devraient atteindre les 5,61 trillions de dollars cette année selon les estimations de Gartner, avec une augmentation d’environ 10% sur l’année passée. Cette augmentation implique cependant un contrôle plus strict quant à la destination de ces dépenses, et les DSI et RSSI sont exhortés à les réduire, sans sacrifier l’innovation ni la résilience.
L’infrastructure cloud, notamment, est de plus en plus remise en question du fait de l’augmentation de son coût. Pour 84% des entreprises, les dépenses liées à l’informatique cloud sont un défi majeur, et nombre d’organisations évaluent un retour à des architectures traditionnelles et on-premises à priori moins onéreuses – un mouvement identifié sous le nom de “cloud repatriation”.
Aussi, les préoccupations en matière de souveraineté des données, notamment liées au Cloud Act, ont renforcé la méfiance envers les fournisseurs de services cloud non-européens, à savoir les plus connus.
Avant de décider d’effectuer un rapatriement depuis le cloud, les responsables informatiques doivent pouvoir en comprendre les risques et coûts potentiels.
Les coûts cachés d’un retour à l’informatique traditionnelle
L’addition d’un retour complet à un système on-premises peut être lourde, surtout du fait de coûts cachés ou sous-évalués. Il faut compter l’investissement initial pour du nouveau matériel, l’infrastructure elle-même, des employés spécialisés ainsi que des dépenses opérationnelles conséquentes. L’abandon des services cloud équivaut aussi à renoncer à la gestion des coûts d’exploitation et de maintenance effectuée par les fournisseurs cloud.
Le processus de migration en lui-même peut être onéreux et perturbateur – les transferts de données, frais de mise en conformité et temps d’arrêt potentiels peuvent causer une diminution des revenus. En 2024, 75% des projets de rapatriement cloud n’ont pas permis de réaliser les économies souhaitées à cause d’une complexité mal anticipée.
Enfin, un rapatriement engage les entreprises à dépenser sur le long terme, car elles seront dans l’obligation de maintenir, de sécuriser et de mettre à jour une infrastructure vieillissante.
Les risques d’un rapatriement total de l’informatique dématérialisée
Il est important de noter que renoncer à l’informatique cloud signifie abandonner ses services à haute disponibilité (permettant aux opérations fluidité et fiabilité) pour prendre le risque de subir des pannes et des ralentissements qui auront, eux aussi, un coût.
Il en est de même en matière de conformité et de sécurité, car les fournisseurs cloud allègent des processus coûteux en ressources pour sécuriser et maintenir les certifications dont les entreprises ont besoin pour travailler dans des secteurs hautement réglementés. Ils mettent également en place des cadres de sécurité solides sur lesquels ces dernières peuvent s’appuyer pour éviter des failles catastrophiques.
Surtout, le principal inconvénient du rapatriement de l’infrastructure cloud est de se couper de l’élan d’innovation qui le caractérise. Du déploiement de modèles d’IA à l’intégration d’API tierces, de nombreux outils novateurs sont conçus pour le cloud et destinés à tirer parti de son évolutivité et de sa flexibilité. Après plus d’une décennie de fonctionnement dans des environnements natifs, le retour à des systèmes sur site pourrait freiner l’élan et risquerait de provoquer une pénurie d’administrateurs et d’employés avec une expertise du on premise.
Trouver un équilibre entre infrastructure traditionnelle et « cloud »
Les équipes informatiques chevronnées savent faire des arbitrages. Pour une flexibilité et une efficacité maximales, une approche bimodale est à envisager, car elle permet aux équipes de répartir les charges de travail entre les environnements les plus adaptés.
Il est compréhensible que certaines entreprises nourrissent des craintes relatives aux risques de transferts de données hors de l’UE à s’appuyer sur des fournisseurs de services cloud, car les plus connus sont étrangers. Toutefois, des services cloud sont aussi fournis par des prestataires 100% européens, indépendants, ayant leurs datacenters dans l’UE et certifiés ISO 27001.
La tendance inverse, la migration vers le cloud, est encore très fréquente dans la messagerie, par exemple, où les entreprises connaissent ses avantages. L’infrastructure cloud offre la disponibilité et la fiabilité nécessaires pour gérer des gros volumes de messages pendant les périodes de pointe et les fournisseurs proposent diverses certifications pour garantir la conformité des entreprises. De plus, la gestion des messageries en environnements complexes et la sécurisation des messageries cloud font partie des excellences des leaders tech européens.
Les aléas de l’infrastructure sur site ne rendent pas l’informatique cloud irréprochable, ni les systèmes on premise intrinsèquement mauvais. La tendance au rapatriement depuis le cloud s’inscrit simplement dans une démarche expérimentale de l’informatique d’entreprise pour trouver ce qui convient le mieux à chacune.
____________________________
Par Uwe Geuss, CTO, Retarus