… au risque de faire s’effondrer ce marché déjà saturé ? Les développeurs doivent commencer par vérifier si leurs applications mobiles sont véritablement nécessaires.

Il y a 5 ans environ, nous étions au beau milieu d’une ruée vers l’or moderne et les entreprises n’avaient qu’une hâte : être présentes sur les plates-formes d’applications en ligne. L’App Store pour iOS, ouvert en 2008, comptait déjà 10 milliards de téléchargements en 2011 suivi de près par l’Android Market, désormais rebaptisé Google Play. Il n’est donc pas surprenant que beaucoup d’entreprises aient décidé de développer leurs propres applications, parfois sans avoir même réfléchi à leur valeur ajoutée. Depuis, l’écosystème des applications n’a cessé de croître. En 2013, l’App Store dégageait à lui seul 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires brut annuel. Qu’est-ce qui a donc changé depuis ?

Des applications inutilisées

Dans une récente tribune sur internet, le fondateur de Branch Metrics, écrivait : « rien qu’en novembre, 45 000 nouvelles applications ont été proposées sur le seul App Store iOS. Les chances que l’une d’entre elles se hisse un jour dans le Top 1000 sont pour ainsi dire nulles et, quand bien même elle y parviendrait, elle ne génèrerait pas pour autant suffisamment de trafic pour devenir une affaire prospère. »

Le rapport 2015 de Comscore sur les applications mobiles aux Etats-Unis soulignait la difficulté pour les applications mobiles de trouver leur publique. En dépit d’un nombre croissant d’utilisateurs, l’infrastructure numérique actuelle rend plus difficile de réunir de larges audiences sur des applications mobiles que sur le Web. Comme l’atteste cette étude, le Web mobile compte toujours 3,5 fois plus de sites web, avec 5 millions de visiteurs distincts, que les applications mobiles. De plus, la liste des 25 premières applications mobiles est dominée par les grands groupes de médias numériques et tend à se concentrer dans quelques catégories. Mais alors, comment venir à bout des nombreux obstacles pour toucher une audience substantielle et monétisable ?

Le Web mobile à la rescousse ?

Il semblerait que le Web mobile ait fini par rattraper son retard : la situation n’est en effet plus la même qu’en 2012. Bon nombre des fonctionnalités disponibles via les applications natives le sont dorénavant dans le navigateur, et il est bien plus facile de les développer une fois pour le Web que d’en assurer la maintenance pour diverses applications natives.

De plus, l’audience du Web mobile est extrêmement vaste et continue de grimper. Toujours selon le même rapport 2015 de Comscore : « une comparaison des 1000 premières applications et des 1000 premiers sites web mobiles démontre que non seulement les sites mobiles ont des audiences plus de 2,5 fois supérieures, mais ces audiences progressent également deux fois plus vite. » Comscore tempère cependant ces chiffres en notant un manque d’engagement des utilisateurs du Web mobile ; en effet, l’engagement moyen connaît un recul constant depuis la fin 2014, ce qui donne à penser que la majeure partie de la croissance est due à du trafic de passage.

L’autre problème majeur du Web mobile tient à des problèmes de performances et à de médiocres possibilités de monétisation, conduisant à l’essor des bloqueurs de publicités mobiles apparemment très efficaces pour améliorer les performances, mais qui devraient coûter aux entreprises plus de 22 milliards de manque à gagner [1] rien que cette année.

Comment faire sortir son application du lot ?

Un grand nombre des applications les plus prisées pourraient sans doute fonctionner tout aussi bien sur le Web, en offrant des fonctionnalités équivalentes, car il s’agit simplement de versions « applifiées » du site. Néanmoins, toutes s’appuient sur la puissance de leur marque pour être mises en avant (voire préinstallées sur de nombreux téléphones). Ainsi, à moins de pouvoir compter sur une marque d’envergure mondiale, le seul moyen de faire sortir votre application du lot est de véritablement vous concentrer sur les besoins de vos utilisateurs. Mieux monétiser une application et imposer sa présence dans les boutiques en ligne sont des problèmes qui concernent l’entreprise, et non le consommateur, et ce ne sont pas des raisons en soi de créer une application. Au lieu d’essayer de forcer les utilisateurs de votre site web à se servir de votre application, efforcez-vous de rendre celle-ci utile, donc plus attrayante.

De trop nombreuses applications ne valent rien car elles ne se concentrent pas sur ce qu’elles sont censées apporter, au-delà de se borner à revendiquer une place sur l’App Store ou à offrir à l’entreprise qui les a créées une solution plus facile à monétiser que le Web. Les entreprises et les développeurs doivent absolument s’interroger sur la valeur ajoutée de ces applications natives par rapport au Web avant de s’attaquer à un marché déjà saturé, dans le but de diminuer le nombre d’applications et d’améliorer leur qualité.

En parallèle, la situation actuelle du Web mobile nous contraint à corriger des problèmes que nous avons laissé s’aggraver à cause de notre dépendance excessive aux applications natives en matière de performances et de monétisation. Ici, notre espoir est celui d’un Web mobile qui réponde mieux aux besoins des consommateurs comme des entreprises.

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Nicolas du Manoir est Vice-Président Régional de Progress pour la France

 

[1] http://www.nytimes.com/2015/08/20/technology/personaltech/ad-blockers-and-the-nuisance-at-the-heart-of-the-modern-web.html