C’est l’idée de Jean-Louis Beffa dans son dernier livre exprimé de manière un peu plus dramatique « Se transformer ou mourir, les grands groupes face aux start-up », des concurrentes qui sont de plus en plus offensives grâce à des « barrières à l’entrée qui n’ont jamais été aussi basses ».
« La numérisation ne correspond pas à une priorité stratégique parmi quelques autres, affirme l’auteur dans sa conclusion, elle les embrasse ». On comprend donc que la transformation numérique n’est pas un projet comme un autre, elle concerne en fait la transformation complète de l’entreprise. Il s’agit presque de donner naissance à une nouvelle entreprise ce qui est évidemment plus difficile que d’en créer une nouvelle, en particulier en raison des questions de taille et de culture. « De tous les chantiers à mener dans la digitalisation d’une entreprise, le plus ardu est à coup sûr celui de l’adaptation et de l’organisation (…) Il serait restrictif de limier le numérique à une technique ou à une somme d’outils (…) Le problème de la transformation numérique sera humain ». Tout est dit.
D’un côté, des grands patrons sont encore très éloignés des sujets liés à la transformation numérique, de l’autre des start-ups qui ne demandent qu’à « disrupter » leur chaîne de valeur pour, selon l’expression un peu triviale, leur manger la laine sur le dos. Certains secteurs sont plus ou moins exposés à une telle réalité. La dimension sociologique est tout aussi importante que la dimension technique explique l’ancien patron de Saint-Gobain et la capacité d’exercer une pression des prix à la baisse est un facteur important. « C’est là où l’hôtellerie pratique les prix les plus élevés pour un services assez simple qu’Airbnb rencontre le plus de succès. Même constat pour le train avec Blablacar ».
Les grands groupes favorisent souvent l’innovation « qui avance par petites touches », là où les « start-ups préfèrent les innovations de rupture » remettant ainsi en cause les positions établies. Alors que les entreprises établies ont des positions à défendre, les start-ups sont libérées de toutes contraintes et qui selon l’auteur deviennent vraiment dangereuses lorsqu’elles deviennent des licornes, c’est-à-dire que leur valorisation atteint le milliard de dollars. Si l’on en accepte ce constat, les grandes entreprises n’auraient pas trop de soucis à se faire puisque l’on ne comptait que 4 licornes françaises à la mi-2016 : Criteo, Vente-privée, BlablaCar et OVH. Mais la menace est beaucoup plus forte car toutes les start-ups sont dangereuses et peuvent venir de n’importe quelle région du monde.
Bien sûr, tous les secteurs ne sont pas touchés de manière uniforme, les services (culture, hôtellerie, transports, grande consommation, banque, assurance…) sont en première ligne et ont été impactés les premiers, l’industrie a été jusqu’ici un peu plus protégé. « A priori, le ciment et le numérique ont peu en commun », souligne l’auteur. Mais l’industrie commence à être touchée par cette digitalisation et pose la question de la disparition des emplois. Avec quelle intensité : « La numérisation touchera tous les secteurs de l’économie mais à un degré d’intensité variable » pense Jean-Louis Beffa qui ne s’engage pas trop sur ce point pourtant crucial. Toutefois, il ne faut pas opposer complètement industrie et services car les deux s’interpénètrent, « un emploi industriel génère trois emplois de services associés » rappelle-t-il.
Quoi qu’il en soit, les entreprises vont devoir se transformer si elles ne veulent pas mourir et la « transformation numérique doit être la priorité numéro un du chef d’entreprise » dont il doit être le responsable mais qui doit impliquer tous les salariés. Comment s’assurer de cette participation de tous ? Jean-Louis Beffa observe que « si l’on observe les méga-entreprises numériques américaines, on est tenté de croire au retour de l’autoritarisme » (…) On force à peine le trait en comparant des dirigeants comme Steve Jobs ou Mark Zuckerberg à des dictateurs ». Comme pour tout projet concernant ce qui est présenté comme nécessaire à la survie de l’entreprise, le dirigeant a un rôle majeur. Le numérique ne fait pas exception. Mais Jean-Louis Beffa va un peu plus loin et considère qu’il faut éviter toute procrastination et « qu’il faut donc agir avec une forte autorité centrale et ne tolérer strictement ni déviation ni dérogation ». En un mot, s’inspirer de Steve Jobs ou Mark Zuckerberg. Bien souvent, les dirigeants en place n’ont pas les connaissances ni la culture du numérique, il aura donc intérêt à « s’entourer d’un comité digital restreint qui se situera hors de toute hiérarchie ».
Par rapport aux nouvelles start-ups qui le plus souvent son des pure-players, les entreprises traditionnelles ne partent d’une page blanche et ont à prendre en compte l’existant, à assurer « la gestion coordonnée du réel et du digital ». Ce n’est pas une tâche simple mais plutôt que de considérer ce réel comme un handicap il faut l’envisager comme un atout car le « digital sert à rendre le réel efficace ». D’ailleurs si l’on considère les success stories comme Airbnb ou Uber, soit elles s’appuient sur une infrastructure existante – les logements des particuliers – ou délaisse la gestion du réel aux conducteurs qui font appel à ses services et ne s’embarrasse pas de toutes les contraintes liées à l’entreprise. Cette dernière gère ses ressources humaines, parfois de manière brutale, Uber ne s’en préoccupe pas.
La transformation numérique de l’entreprise consiste donc à créer la plate-forme autour de laquelle tout sera organisée et qui « constitue une formidable chance de renouer le lien avec les clients ». Dit en creux, les grandes entreprises sont des organismes un peu trop centrés sur eux-mêmes, leur organisation et leur réorganisation, leur process, leur performance. Tout cela est important mais comme le disait Henry Ford : « Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, mais le client », une vérité toute simple trop souvent oubliée.
Il ne s’agit donc pas d’opposer de manière binaire ancien et nouveau mondes. « Il s’agit plutôt de renverser la manière de voir ; non plus de penser le numérique pour faciliter le physique mais partir du numérique et examiner ce que peut lui apporter le physique ». Une démarche qui s’assimiler à une véritable révolution copernicienne de l’entreprise à l’heure du numérique.
Les avantages de l’entreprise leader
- La part de marché
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