Faut-il croire tout ce que les indicateurs traditionnels nous disent sur l’expérience digitale de nos utilisateurs ?

Un article passionnant, signé par Bryan Gardiner et paru dans Wired Magazine, s’intéresse à l’attente liée au chargement d’une page web en y apportant un éclairage scientifique. Nous nous interrogeons tous sur les best practices à adopter en matière d’expérience client, et sur ce que perçoit réellement l’utilisateur. Une étude publiée par un ingénieur de Google, Ilya Grigorik, y apporte un début de réponse, en se penchant sur la façon dont les êtres humains perçoivent les choses.

On y apprend, par exemple, qu’après un délai d’une seconde à peine, les utilisateurs pensent déjà à autre chose. Si l’on transpose ce principe à l’expérience digitale des clients, une chose est sûre : des temps de réponses courts sont primordiaux. Car ces changements de contexte mentaux (Mental context switch) impactent les choix de l’utilisateur final en termes de conversion, ce qui impacte potentiellement les revenus de l’entreprise.

Peut-on mesurer la perception des utilisateurs ?

La mesure de l’expérience utilisateur pose un problème en termes d’indicateurs, qui sont autant de ces pilules bleues berçant d’illusions, qui laissent « imaginer ce que l’on veut ». Certaines organisations utilisent des indicateurs tels que DOM Interactive (quand le navigateur permet d’interagir avec l’interface utilisateur), DOM Complete (quand le navigateur a exécuté toute la logique de la page), window.onload (quand le navigateur considère que tous les éléments ont été chargés). Chacun d’entre eux a ses avantages et ses inconvénients. Mais le plus gros défaut qu’on peut leur trouver, c’est qu’ils ne sont pas adaptés aux (désormais communes) pages uniques – c’est-à-dire des pages qui changent dynamiquement, sans avoir besoin d’être rechargées, grâce à la fonctionnalité asynchrone du Web 2.0.

Il faut reconnaître que des efforts ont été faits pour améliorer ces indicateurs, avec par exemple le Time to First Paint, qui indique quand les premiers éléments de la page commencent à être visibles pour l’utilisateur. En quoi ces indicateurs diffèrent-ils ? Ils permettent avant tout de modifier le point de vue et raisonner non pas en fonction de ce que le navigateur opère en interne, mais de ce qui est effectivement présenté à l’utilisateur final.

Des plateformes de gestion de la performance digitale offrent aujourd’hui aux organisations la fameuse pilule rouge, celle qui « descend au fond du gouffre ». Des mesures appelées Perceived Render Time (PRT) ou Temps de rendu perçu, sont ainsi calculées à partir de plusieurs facteurs, dont la résolution d’écran des navigateurs (fenêtre initiale du navigateur) ou encore le nombre d’images vues dans la fenêtre visible du navigateur.

Cet indicateur permet aux organisations de mieux comprendre ce que perçoit l’utilisateur quand la page est en train de charger, même s’il y a beaucoup d’exécutions en arrière-plan ou dans la partie non visible de la page.

PRT : vers une vision holistique de l’expérience utilisateur

Dans l’exemple ci-dessous, on observe une augmentation des temps de chargement, mais pas du PRT. Ce qui apparaîtrait alors à une équipe d’exploitation, concentrée uniquement sur le temps de chargement, comme un événement inquiétant, n’impacte en réalité pas du tout les utilisateurs finaux. C’est ce que permet de comprendre la comparaison entre temps de chargement et PRT.

Le PRT commence à faire des adeptes du côté des entreprises, qui le considèrent comme un indicateur essentiel à prendre en compte. Les temps de chargement ne reflètent pas réellement ce que les utilisateurs perçoivent, mais seulement le temps que met une page à charger, ce qui n’est pas exactement la même chose. De nombreux éléments peuvent impacter le PRT, comme la position d’une image, sa taille, les images en cache ou encore la réactivité du serveur.

Le PRT fournit des informations clés aux entreprises, quant aux perceptions de leurs clients. Le temps de chargement des pages individuelles est évidemment important, mais il doit être mis dans le contexte global de la visite : temps de réponse serveur, contribution du réseau, erreurs côté client, etc. Il s’agit donc de privilégier une vision holistique de l’expérience utilisateur, plutôt que de ne se fier qu’à un seul indicateur.

Comme en témoignent l’article paru dans Wired et la présentation Google, cette question suscite un intérêt croissant. Surtout, elle réaffirme d’une part l’importance des outils de monitoring de l’expérience utilisateur dans des environnements de plus en plus complexes.

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Sébastien Huet est Customer Success Manager chez Dynatrace