Automatiser ne suffit plus : la banque d’entreprise exige désormais des systèmes capables d’apprendre, de s’adapter et de décider, bref elle a besoin de cette IA agentique à même de redéfinir les usages du crédit, du commerce et de la gestion des risques.

Les banques d’entreprise évoluent dans un environnement où la complexité opérationnelle, la pression réglementaire et les attentes des clients ne cessent de croître. Longtemps, l’automatisation des processus a suffi à améliorer l’efficacité et réduire les coûts. Mais aujourd’hui, cette approche atteint ses limites. Automatiser ne suffit plus, les banques ont désormais besoin de systèmes capables de raisonner, d’agir de manière autonome et de garantir une conformité irréprochable dans un cadre régulé.

Reste une question essentielle : comment dépasser la logique des scripts et des règles figées pour passer à une intelligence capable de s’adapter, d’orchestrer et de décider ?

C’est dans cette perspective que l’IA agentique s’impose comme une évolution incontournable pour le secteur bancaire.

Décryptage de l’IA agentique

L’IA agentique marque un tournant majeur car elle ne se contente pas de remplacer des actions humaines répétitives : elle conçoit, coordonne et exécute des processus complexes de bout en bout. Contrairement aux approches d’automatisation classiques, limitées par la rigidité des scripts, elle repose sur une architecture modulaire et multicouche, capable d’apprendre et de s’adapter en continu.

Au cœur de cette architecture se trouve une couche d’agents fondée sur des LLM (comme GPT-4 ou Claude), enrichie de modules de planification et d’exécution capables de décomposer des objectifs en tâches, d’exploiter des systèmes de mémoire comme les bases vectorielles ou des graphes de connaissances, et d’interagir avec des outils via des frameworks tels que LangChain ou Semantic Kernel.

Une couche d’orchestration coordonne les workflows en utilisant des outils comme Apache Airflow ou Temporal, tandis que l’interaction événementielle entre les systèmes repose sur des bus de message comme Kafka ou EventBridge. L’intégration avec les systèmes métiers (CRM, ERP, moteurs de conformité) passe par des API sécurisées et des composants middleware qui garantissent l’authentification, la limitation et la cohérence des données. Des mécanismes cohérents d’intégration des API, de journalisation et de validation des données sont des éléments essentiels de tout déploiement d’IA agentique dans le secteur bancaire.

Ces systèmes s’exécutent dans des environnements contenairisés (Docker, Firecracker) avec des contrôles d’accès stricts et une traçabilité complète. L’application des politiques de conformité est garantie par un accès basé sur les rôles et des outils comme Open Policy Agent (OPA), tandis qu’un dispositif de validation humaine (« Human-in-the-loop ») sécurise les décisions à risque. Chaque action d’un agent est conçue pour être explicable et traçable, condition sine qua non à l’adoption de l’IA agentique dans des secteurs régulés comme la banque.

Exemples d’applications dans la banque d’entreprise

Du crédit au commerce international, en passant par la gestion des risques et la relation client, l’IA agentique démontre déjà son potentiel.

Dans le domaine du crédit, des solutions intégrées aux plateformes digitales assistent de manière proactive les entreprises dans la gestion de décisions complexes : tirages de fonds, renouvellements, remboursements. Les données financières, tendances de marché et conditions de prêt sont analysées en temps réel. Grâce à l’intégration avec les systèmes ERP, l’IA peut fournir des recommandations prédictives basées sur les données qui optimisent l’utilisation des prêts et réduisent les coûts d’intérêt, permettant ainsi aux équipes de trésorerie de prendre des décisions plus rapides, plus intelligentes et plus stratégiques.

En gestion des risques, ces systèmes peuvent surveiller les transactions de manière autonome, détecter d’éventuelles tentatives de fraude et garantir la conformité réglementaire. Grâce à l’analyse en temps réel, les outils d’IA agentiques identifient les anomalies et signalent les activités suspectes ou frauduleuses avant qu’elles n’escaladent, renforçant ainsi les dispositifs de contrôle.

En financement du commerce, l’IA agentique automatise le traitement des transactions de bout en bout, assure une exécution rapide et une gestion précise des données en détectant de manière proactive les doublons et écarts entre systèmes, tout en orchestrant les échanges via SWIFT et API. En combinant reconnaissance de patterns, fuzzy matching et validation par règles, elle améliore la précision opérationnelle, l’auditabilité et la résilience face à la fraude.

L’IA renforce aussi la relation client en anticipant les besoins, en fournissant des conseils personnalisés et en résolvant rapidement les problèmes. Prenons l’exemple de l’onboarding digital : un agent vérifie l’identité via des API KYC, recherche les doublons dans le CRM, génère des check-lists d’intégration et coordonne les étapes suivantes. Les moteurs d’orchestration gèrent les séquences d’exécution avec un souci constant de conformité, de robustesse, de traçabilité et d’observabilité.

Défis et points de vigilance lors du déploiement

Passer de l’automatisation à l’IA agentique implique toutefois des défis. Les exigences en matière de qualité des données sont encore plus élevées. En analysant de grands ensembles de données, les systèmes d’IA identifient des modèles, prédisent des résultats et prennent des décisions proactives pour atteindre certains objectifs commerciaux stratégiques. Une mauvaise qualité des données peut entraîner des prédictions ou des évaluations de risques inexactes de la part des systèmes d’IA.

Pour maximiser l’efficacité des agents IA, les banques doivent s’assurer que ces systèmes soient suffisamment flexibles pour s’adapter à leurs besoins opérationnels spécifiques. Des IA conçues sur mesure peuvent ajuster leurs actions de façon autonome en fonction des priorités métier et ainsi accroître l‘efficacité globale.

La sécurité demeure une enjeu majeur. L’usage de l’IA agentique doit rester conforme à des règlementations strictes telles que RGPD, CCPA, AML et Bâle III . De plus, des pratiques éthiques sont nécessaires pour éviter des biais involontaires dans les processus décisionnels. L’intégration aux systèmes existants est tout aussi critique : les infrastructures héritées peuvent compliquer la collecte de données en temps réel ou l’accès aux passerelles API.

À mesure que les banques adoptent l’IA agentique, elles évoluent de la simple automatisation à une orchestration intelligente, qui réduit les frictions, accélère les déploiements et renforce la résilience de bout en bout dans la banque d’entreprise. Pour les DSI et les responsables IT, il s’agit d’un moyen évolutif d’intégrer logique, prise de décision et traçabilité directement au cœur de l’infrastructure opérationnelle.

Pour les banques , franchir ce cap n’est plus une option mais une nécessité stratégique. Celles capables d’intégrer efficacement ces outils gagneront un avantage concurrentiel décisif : plus de résilience, plus d’efficacité, une réduction des coûts et une expérience client améliorée.
____________________________

Par Manikandan Ganesan, Vice-président, Cash & Digital Channels, chez Finastra

 

À lire également :

L’IA et les banques : où en est la transformation du secteur ?

De l’expérience du développeur à l’expérience de l’agent : L’avenir de l’IA dans la finance

2025 : vers une finance plus intelligente et responsable

Entrepreneuriat : comment les banques peuvent transformer les données en opportunités pour les clients…

Les attaques DDoS contre les services financiers explosent en Europe