La transformation de l’accès bancaire repose désormais sur la capacité à exploiter des données alternatives, structurées et éthiques. Avec des données alternatives et l’intelligence artificielle, l’inclusion financière devient une réalité pour les entrepreneurs, indépendants et nomades digitaux.

Aujourd’hui, des milliers d’entrepreneurs, de nomades digitaux, d’immigrants et de petites entreprises viables sont pris au piège de ce que l’on pourrait appeler le « paradoxe du potentiel » dans le secteur bancaire : ils bénéficient d’une solidité commerciale avérée, mais ne disposent pas des qualifications traditionnelles exigées par les banques pour ouvrir un compte. Alors que 1,4 milliard d’adultes dans le monde ne sont toujours pas bancarisés, selon les données de la Banque mondiale, il ne s’agit pas seulement d’un problème d’accès, mais d’un problème de reconnaissance. La dépendance des banques traditionnelles à la preuve de domicile, à la stabilité des revenus et à l’historique de crédit crée des barrières artificielles qui excluent les innovateurs capables de stimuler la croissance économique.

L’émergence de l’IA dans les services financiers offre une solution transformatrice, mais avec une mise en garde importante. L’intelligence artificielle ne peut démocratiser l’accès au capital que si elle s’appuie sur des données robustes et adaptées , c’est-à-dire fiables, structurées, représentatives et issues de sources éthiques. Il ne s’agit pas de remplacer le jugement humain par des algorithmes, mais plutôt de permettre aux institutions financières de voir au-delà des limites des modèles conventionnels actuels d’évaluation des risques.

Inclusion financière : comment les données deviennent un obstacle

La voie vers l’inclusion financière se heurte à trois obstacles fondamentaux liés aux données. Le premier est l’absence d’empreinte financière traditionnelle chez les entrepreneurs prometteurs. Par exemple, un graphiste qui se constitue une clientèle via des plateformes en ligne pour les travailleurs indépendants démontre la viabilité de son entreprise grâce à ses opérations, mais reste invisible aux yeux des systèmes bancaires traditionnels qui privilégient les documents administratifs rigides à la performance réelle.

La fragmentation des données financières aggrave ce problème. Des informations susceptibles de démontrer la solvabilité existent – ​​dans les plateformes de paiement mobile, les registres des services publics, les sites d’e-commerce et les bases de données gouvernementales – mais restent cloisonnées. Sans intégration, même les systèmes d’IA sophistiqués fonctionnent avec des images partielles, comme un puzzle auquel il manquerait des pièces essentielles.

Les systèmes de notation traditionnels ne sont pas neutres : leurs biais, souvent insidieux, creusent des inégalités invisibles. Ces modèles ignorent le travailleur indépendant aux revenus variables mais bien noté par ses clients, comme l’entrepreneur immigré dont l’historique bancaire et commercial ne correspond pas clairement aux catégories bancaires locales. Lorsque les systèmes d’IA s’entraînent sur ces ensembles de données historiquement biaisés, ils risquent d’automatiser et d’amplifier les inégalités passées plutôt que de les résoudre.

Les données prêtes pour l’IA, clé de l’inclusion financière

Et si la clé était de repenser l’évaluation financière à partir des données elles-mêmes ? Plutôt que de s’enfermer dans des critères dépassés, l’IA peut donner voix à ces réalités économiques nouvelles : le nomade digital freelance dont la stabilité se lit dans ses revenus récurrents sur les plateformes en ligne, l’artisan dont la réussite se mesure à la fidélité de sa clientèle, ou le jeune entrepreneur qui prouve sa fiabilité en payant scrupuleusement ses factures. Autant de signaux concrets – et pourtant invisibles aux radars des banques traditionnelles. Correctement structurées et analysées, ces données permettent aux banques d’évaluer les risques en fonction du comportement réel plutôt que de variables démographiques.

Cette nouvelle approche est possible grâce à la mise en œuvre de la gouvernance des données – un ensemble de politiques qui s’appliquent à la manière dont les données sont collectées, stockées, traitées et supprimées afin de les rendre plus sûres, plus précises et plus disponibles dans l’ensemble de l’organisation. Les systèmes d’IA doivent être entraînés sur des ensembles de données représentatifs incluant des données démographiques et des types d’entreprises diversifiés. Les processus décisionnels doivent être transparents afin que les clients comprennent comment leurs données se traduisent en opportunités financières. Et des cadres de confidentialité robustes doivent garantir que cette révolution des données ne se fasse pas au détriment des droits des consommateurs.

L’exploitation de ce potentiel nécessite un changement de comportement, des ajustements réglementaires et une nouvelle forme de collaboration : les institutions financières doivent s’associer à des innovateurs fintech qui maîtrisent les données alternatives. Les régulateurs doivent créer des environnements sécurisés pour tester de nouvelles approches. Enfin, les initiatives public-privé devraient s’attacher à aider les groupes défavorisés à construire et à contrôler leurs identités financières numériques.

L’inclusion financière de demain ne vise pas à baisser la barre, mais à la déplacer intelligemment. Grâce à l’IA nourrie de données pertinentes, les institutions peuvent enfin évaluer les risques avec finesse tout en repérant des opportunités là où personne ne regarde. Car ces millions d’entrepreneurs, de nomades digitaux et d’immigrants exclus aujourd’hui ne sont ni des cas sociaux ni des paris risqués : ce sont des marchés entiers qui cherchent à contribuer à l’économie. Les banques qui osent cette révolution des données gagneront un avantage décisif sur des territoires inexplorés. Les pouvoirs publics ont un rôle clé à jouer en sécurisant ces écosystèmes de données, véritables moteurs de développement économique. Au-delà de l’accès aux services, c’est une vague de potentiel humain qui pourrait se libérer. Les outils sont là. Les données aussi. Reste à avoir l’état d’esprit qui nous permette de changer de perspective.
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Par Levent Ergin, Chief Strategist for Climate, Sustainability & Artificial Intelligence chez Informatica

 

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