8 milliards de dollars. C’est le prix que Salesforce met sur la table pour s’offrir Informatica. Un montant qui peut sembler modeste face aux 27,7 milliards déboursés pour Slack, mais qui pourrait bien être l’acquisition la plus stratégique de Marc Benioff depuis des années.

Après deux ans de disette imposée par des investisseurs « activistes », Salesforce sort du bois. L’acquisition d’Informatica, officialisée ce 27 mai 2025, marque le retour en force du géant du CRM sur le marché des acquisitions XXL. Et ce n’est pas un hasard si la cible est un spécialiste non seulement de la gestion des données mais aussi de la qualité des données.

Car loin des discours marketing sur l’IA générative et les agents autonomes, une réalité s’impose : sans données de qualité, unifiées et gouvernées, l’IA d’entreprise n’est qu’un gadget coûteux. C’est précisément ce chainon manquant qu’Informatica vient combler dans l’arsenal de Salesforce.

Une Stratégie d’Acquisition Chirurgicale

Pour comprendre la portée de cette acquisition, il faut la replacer dans la trajectoire des emplettes majeures de Salesforce :

* MuleSoft (2018, 6,5 milliards $) : L’intégration système-à-système pour connecter les silos de données
* Tableau (2019, 15,7 milliards $) : La visualisation et l’analyse de données pour transformer l’information en insightsµ
* Slack (2021, 27,7 milliards $) : La collaboration et le hub d’interaction pour les équipes, interface de l’expérience « employé »
* Airkit.ai : Une plateforme Low-Code de création d’agents IA conversationnels
* Informatica (2025, 8 milliards $) : La gouvernance, la qualité et le catalogage des données

Chaque acquisition répond à un besoin précis. Mais avec Informatica, Salesforce ne bouche pas simplement un trou : il complète un puzzle stratégique entamé il y a sept ans.

Le Saint Graal de l’IA d’Entreprise

« Les agents d’IA véritablement autonomes et dignes de confiance ont besoin de la compréhension la plus complète de leurs données« , explique Steve Fisher, CTO de Salesforce. Une phrase qui résume parfaitement l’enjeu.

Informatica apporte ainsi à Salesforce :

* Un catalogue de données enrichi par l’IA pour cartographier l’ensemble du patrimoine data
* Des capacités de Master Data Management (MDM) pour créer une vue unique et fiable du client
* Une plateforme de gouvernance pour assurer conformité et qualité
* Des outils de métadonnées pour comprendre la provenance et le lignage des données

En clair : les fondations indispensables pour faire tourner des agents IA « de manière sûre, responsable et à grande échelle« , selon les termes de l’annonce officielle.

Car cette acquisition prend tout son sens dans le contexte d’Agentforce, la nouvelle plateforme d’agents autonomes de Salesforce. Avec plus de 1000 contrats déjà signés, Salesforce mise gros sur cette nouvelle génération d’IA, fer de lance de la stratégie du groupe pour les années à venir.

Les agents IA ont besoin d’une compréhension profonde et contextuelle des données d’entreprise. C’est exactement ce qu’Informatica apporte : la capacité de créer un « jumeau numérique » fiable des données, prérequis indispensable à l’autonomie des agents.

Au-delà de l’équation économique

Avec un prix d’acquisition équivalent à environ 3,5 fois le chiffre d’affaires annuel d’Informatica, Salesforce fait une opération raisonnable. Surtout comparé aux 24 fois le CA payés pour Slack, une acquisition qui avait fait grincer des dents plus d’un analyste.

Salesforce ne devrait donc avoir aucun problème à boucler le volet financier de cette acquisition dont le financement combine trésorerie et nouvelle dette.

En revanche, le volet règlementaire pourrait être plus compliqué à franchir. Salesforce s’y attend puisque l’éditeur ne s’attend pas à conclure le deal avant le début de son exercice fiscal 2027. La FTC et l’Union Européenne pourrait en effet s’inquiéter de voir Salesforce s’emparer du duopole « ETL + MDM » et auront probablement des exigences d’assurance sur le maintien de la stratégie « multi-cloud », le maintien d’une offre « on-premises », etc.

Les régulateurs pourraient également s’émouvoir du verrouillage de la clientelle sur le Data Cloud de Salesforce qui combine désormais MuleSoft + Tableau + Data Cloud + Informatica rendant Salesforce un peu incontournable sur toute la chaîne de valeur de la donnée.

Néanmoins, force est de constater que Salesforce réalise ici un coup de maître tactique. La firme veut devenir le système nerveux digital de votre SI, capable de comprendre, gouverner et activer vos données à travers des agents intelligents.

En acquérant Informatica, l’éditeur complète son offre data de manière cohérente, se positionne comme l’un des acteurs capables de proposer une stack data-to-AI complète et renforce sa proposition de valeur face à Microsoft (et ses ambitions dans l’IA d’entreprise), Google, AWS mais aussi Databricks ou Snowflake.

Une ambition à 8 milliards de dollars qui pourrait bien redéfinir le paysage des data clouds à l’ère agentique. À condition, bien sûr, que l’exécution soit à la hauteur des promesses. Car comme toujours avec les acquisitions tech, le diable se cache dans les détails de l’intégration.

 

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