Nous sommes entrés dans l’ère de la connaissance et de la cognition. Le savoir est désormais disponible partout en ligne et compréhension des processus cognitifs a progressé. Ces deux facteurs ont conduit les écoles et les universités à repenser leur rôle. Il ne s’agit plus d’accumuler et de mémoriser des connaissances, puisque les systèmes d’information savent désormais le faire pour nous, mais de permettre que chaque étudiant tire parti d’un parcours d’apprentissage qui lui est propre. En effet, le digital a déjà changé non seulement les manières d’apprendre, mais aussi les objectifs de cet apprentissage.
Dans la perspective de la généralisation prochaine de l’intelligence artificielle, le professeur Chris Bauer, de l’université de Londres, explique par exemple que le fait que des machines soient bientôt en mesure d’automatiser des tâches simples, permettra aux êtres humains d’explorer plus avant les capacités de leur cerveau. La société du futur, selon lui, sera constituée d’individus capables de raisonnements avancés, d’intuition et de pensées abstraites, pour résoudre des problèmes jusque-là considérés comme insolubles. Et parce que l’éducation se doit d’avoir toujours un temps d’avance, cette future génération se prépare dès aujourd’hui.
Simplifier, expérimenter et partager
Tout comme dans le monde du travail, une première clé pour relever ces défis est la simplification. Il s’agit de rendre la circulation et le partage de l’information plus fluides pour que les étudiants puissent se concentrer non pas sur ce qu’il faut faire pour acquérir la connaissance, mais sur les manières inédites d’exploiter celle-ci. C’est ici que les technologies de partage digital de l’information peuvent jouer tout leur rôle pour faciliter la diffusion des cours ou d’autres informations utiles. Elles permettent notamment aux étudiants d’accéder aux cours à distance via l’e-learning. Dans ce cas un contenu accélère l’acquisition du savoir.
Une seconde clé réside dans la capacité d’expérimentation. De plus en plus, l’éducation se détourne du savoir pour adopter une approche expérientielle, sous la forme de travaux dirigés ou d’expérimentations sur le terrain. Dans de nombreux domaines, les tables interactives, la réalité virtuelle à 360° ou les imprimantes 3D ont déjà démontré leur potentiel pour permettre aux étudiants de toucher la réalité du doigt. Ces nouvelles formes expérientielles d’apprentissage ont cependant besoin d’un support théorique. Tout l’enjeu est de pouvoir mixer les deux approches, en faisant en sorte que les éléments d’information théorique puissent être mis à disposition au moment où les étudiants en ont besoin, c’est à dire lorsqu’ils sont en pleine expérimentation. La mise à disposition de tablettes, de tableaux blancs numériques ou de classes numériques, répond parfaitement à ce besoin en les mettant en situation de découverte active.
Une troisième et dernière clé tient pour sa part à l’interactivité. Apprendre aujourd’hui ne signifie plus se taire et écouter un professeur, mais participer à une réflexion collective sur le sujet considéré. L’université composée de grands amphithéâtres est en train de disparaître au profit de lieux plus flexibles, conçus pour la rencontre et l’interaction. Celle-ci peut également avoir lieu à distance. Les outils de visioconférence et d’écran interactive à annotation distribuée permettent aujourd’hui plus d’interactions avec les professeurs qu’auparavant.
Un environnement toujours plus compétitif
La contrepartie de toutes ces évolutions enthousiasmantes est que les universités se trouvent dans un environnement bien plus compétitif qu’auparavant, et cela de deux manières. D’abord parce que ce n’est plus le savoir accumulé qui fait la notoriété de l’université, mais sa capacité à être en permanence à la pointe de la recherche dans ses domaines de prédilection. Pour cela, elle doit non seulement être en capacité d’attirer les meilleurs talents dans son corps enseignant, mais aussi les étudiants les plus prometteurs, par des méthodes éducatives innovantes et des services à forte valeur ajoutée. Ce changement de paradigme est désormais perceptible jusque dans l’organisation des locaux. Les grands amphis d’hier laissent de plus en plus la place à des espaces modulables, conçus pour s’adapter à la fréquentation et à la nature des cours. Les interactions visuelles et interactives en temps réels entre pôles internationaux se généralisent. Les universités de premier plan placent aujourd’hui au centre de leur stratégie l’amélioration continue de l’expérience étudiante en développant de nouveaux services ou de nouvelles pratiques digitales.
Réduire les coûts
Le second volet de cette compétition se situe sur les coûts. Parce qu’elle est à la pointe de la recherche et qu’elle doit sans cesse innover, l’université d’aujourd’hui nécessite plus d’investissements qu’hier. Pour les réaliser, elle doit travailler à l’amélioration de son efficacité opérationnelle en réduisant les coûts les moins directement liés à son cœur de métier, comme ceux de la maintenance des systèmes d’information ou des systèmes de communication et d’impression. La digitalisation des processus et des documents contribue également à l’expérience étudiant, et donc à l’attractivité de l’université, en accélérant la réalisation des formalités administratives. Elle permet en outre de répondre – à coût maitrisé, aux enjeux croissants de conformité réglementaire et de sécurisation de l’information dans un monde de plus en plus interconnecté.
Innover en co-construction
Le digital constitue en définitive à double titre un levier de performance et d’attractivité pour les universités. Il leur permet d’innover en matière de pédagogie et de gagner en efficacité dans la gestion. Mais comme les entreprises, les universités ne peuvent se lancer seules dans cette transformation de grande ampleur. Elles doivent être à la fois accompagnées et écoutées, pour pouvoir profiter simultanément des bonnes pratiques du monde de l’entreprise, mais aussi pour imaginer les leurs. Parce que les universités sont le lieu où s’invente le futur et que la compétition internationale de l’enseignement supérieur les concerne au premier chef, elles ne peuvent se contenter des recettes du passé.
Plus que toute autre, la transition digitale du monde de l’éducation s’inscrit dans une démarche de co-construction qui doit associer, de façon formelle ou informelle, toutes les parties prenantes, depuis les étudiants, les professeurs et les enseignants-chercheurs jusqu’aux instances de décision et aux entreprises partenaires.