Google échappe au démantèlement mais se voit contraint d’abandonner ses accords d’exclusivité et de partager ses données. Un verdict probablement pas assez sévère pour rebattre les cartes de la recherche et de l’IA. Il n’est même pas sûr que la fin des exclusivités ordonnée par le juge fragilise réellement l’influence de Google auprès d’Apple.
Jugé coupable en Août 2024 d’abus de position dominante par le juge Amit Mehta durant l’été 2024, Google risquait la séparation de ses activités et plus encore de devoir se séparer de Chrome depuis les recommandations de sanctions envoyées en novembre dernier par le Département de la Justice américain, le DOJ.
Le juge Mehta a prononcé hier les sanctions à l’encontre de Google dans cette affaire, bien que Google ait fait appel du jugement l’an dernier (ce qui n’empêche pas l’affaire en cours d’aller à son terme).
Ce verdict historique très attendu, qui fait écho au fameux procès Microsoft contre le DoJ à la fin des années 90, la justice américaine a choisi une voie médiane concernant les pratiques monopolistiques de Google. Si l’entreprise évite le démantèlement redouté de son navigateur Chrome, elle est contrainte de mettre fin à ses accords d’exclusivité qui ont assis sa domination sur le marché de la recherche en ligne. Cette décision qui évite une nouvelle fois le démembrement d’un géant de la Tech, comme pour Microsoft en 1999, pourrait néanmoins avoir un impact non négligeable sur tout le secteur technologique.
Le juge Amit Mehta a statué que Google avait bien maintenu illégalement son monopole sur la recherche en ligne et la publicité associée. Le cœur du problème identifié réside dans les accords de partage de revenus passés avec des fabricants d’appareils et des développeurs de navigateurs, comme Apple, pour s’assurer d’être le moteur de recherche par défaut. Le tribunal a jugé ces pratiques anticoncurrentielles et a donc interdit à Google de conclure ou de maintenir de tels contrats d’exclusivité pour la distribution de ses services (Search, Chrome, Assistant et Gemini).
Cependant, la demande la plus radicale du Département de la Justice (DOJ), à savoir la cession forcée de Chrome, a été rejetée. Le juge a estimé qu’une telle mesure structurelle était « démesurée » et risquait de nuire à l’écosystème et aux consommateurs. Google conserve donc le contrôle de son navigateur et de son système d’exploitation Android, ce qui a été immédiatement salué par Wall Street.
L’interdiction de contrats exclusifs va notamment changer la relation entre Apple et Google et éviter que Gemini devienne l’IA exclusive derrière Apple Intelligence (ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui mais aurait très bien pu le devenir à l’avenir).
Au-delà de l’interdiction des contrats exclusifs, la décision impose à Google des mesures visant à ouvrir le marché. L’entreprise devra fournir à ses concurrents qualifiés un accès à certaines de ses données d’index de recherche et d’interaction utilisateur via une API. L’objectif est de permettre aux moteurs de recherche alternatifs d’améliorer la pertinence de leurs propres résultats et de stimuler l’innovation. La décision à ce sujet arrive forcément un peu tardivement alors que tout le secteur de la recherche Web est en train de se réinventer à l’ère de l’IA. Reste à voir si la décision aura aussi un impact dans l’univers de la recherche dopée à l’IA générative et si elle permettra quand même de renforcer la concurrence en permettant à des services comme ChatGPT Search de se montrer plus pertinent qu’il ne l’est aujourd’hui. C’est loin d’être évident.
Sur le papier, cette décision ouvre une brèche pour les concurrents de Google, qui pourront désormais négocier plus librement leur pré-installation sur les appareils et navigateurs. Ce verdict veut favoriser une diversification des acteurs sur le marché stratégique de la recherche. Mais, en pratique, il ne représente qu’un énième coup d’épée dans l’eau. Après tout, Google conserve son principal atout, Chrome, dans la nouvelle guère à l’adoption massive de l’IA générative. Le navigateur est une pièce cruciale pour la mise en œuvre des agents IA dans notre quotidien. Sa vente forcée aurait été un revers majeur pour la firme américaine. Au final, non seulement Google évite le scénario du pire mais le verdict tend aussi à confirmer que les géants de la Tech sont relativement intouchables. Pas sûr que la Tech en sorte grandie…
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