Le Département de la Justice (DoJ) des États-Unis a déposé cette nuit un document de 23 pages auprès du tribunal de district de Washington D.C., proposant des sanctions pour contrer la position monopolistique de Google dans le domaine de la recherche en ligne.
Rappelons que le DoJ poursuit Google pour abus de position dominante depuis 2020. Le procès, qui a débuté en août 2023, s’est conclu cet été par un jugement reconnaissant que Google avait violé la section 2 du Sherman Act en payant des entreprises comme Apple et Mozilla pour faire de son moteur de recherche le moteur par défaut.
Google a fait appel du jugement. Néanmoins, cet appel ne met pas fin à la procédure en cours et le jege Amit Mehta doit encore énoncer les mesures correctives à l’encontre de Google. C’est dans ce cadre que le DoJ a proposé plusieurs mesures punitives pour briser le monopole de Google et limiter ses pratiques anticoncurrentielles sur la recherche Web et la publicité liée.
Deux mesures phares émergent de ce document :
La cession de Chrome
La proposition la plus notable impose à Google de se défaire de Chrome. Le DoJ considère cette solution comme essentielle pour rétablir la concurrence. Selon les avocats du DoJ, la vente de Chrome permettrait aux moteurs de recherche rivaux d’accéder à un navigateur crucial pour de nombreux utilisateurs.
La proposition est un peu surprenante d’abord parce que, sur le fond, Chrome est une variante du projet open source Chromium. Ensuite, parce que sous la pression du DMA européen, Google a déjà mis en place un « ballot screen » pour ne plus imposer son moteur de recherche par défaut, solution qui avait été imposée à Microsoft il y a 25 ans dans le procès du DoJ pour situation de monopole sur les navigateurs Web sous Windows.
L’accès à l’index de recherche
Le DoJ exige également que Google permette à ses rivaux d’accéder à son index de recherche à un coût marginal et de manière continue pendant 10 ans, ainsi que de diffuser ses résultats de recherche, ses signaux de classement et les données de requêtes d’origine américaine.
Cette solution est perçue comme la réponse adéquate pour ouvrir l’accès au moteur de recherche de Google et contrer les pratiques ancestrales de Google qui consiste à payer des milliards à Apple et Mozilla pour imposer son moteur de recherche par défaut sur leurs plateformes.
D’autres mesures contraignantes
Le DoJ ne s’arrête pas là dans ses demandes. Le département américain de la justice propose également d’autres mesures visant à limiter les actions de Google qui lui permettent de maintenir son monopole. Ces autres mesures sont principalement :
* l’interdiction des accords exclusifs, empêchant Google de payer des fabricants de smartphones pour faire de son moteur de recherche le choix par défaut.
* l’interdiction pour Google de favoriser son propre moteur de recherche sur des plateformes comme YouTube ou Gemini.
* l’interdiction pour Google de pratiquer toute forme de pénalités contre les sites Web qui veulent protéger leur contenu et interdire leur utilisation par les IA de Google et leur apprentissage.
Une menace sur Android
Bien que le DOJ ne demande pas explicitement la vente d’Android, il utilise cette menace comme levier de négociation. Dans son rapport cette hypothèse est clairement évoquée. Le système d’exploitation mobile pourrait être contraint à la vente si Google ne se conforme pas aux restrictions imposées ou si les autres mesures se révèlent insuffisantes pour rétablir la concurrence.
Google a réagi vivement, qualifiant ces mesures d’ « agenda interventionniste radical » qui menacerait l’innovation technologique et la sécurité des utilisateurs. Selon Google, c’est aussi grâce à la présence de son moteur de recherche qu’il est possible de produire des smartphones à prix plus accessibles. Kent Walker, directeur juridique de Google, affirme que ces propositions du DoJ compromettraient également la position de l’entreprise dans la course à l’IA alors qu’il s’agit d’une des technologies les plus importantes pour l’avenir.
Certaines voix critiquent les mesures envisagées, les jugeant inadaptées ou insuffisantes pour créer une concurrence durable. D’autres, en revanche, les trouvent excessives et trop tardives, estimant qu’il faudrait focaliser les mesures pour empêcher Google de profiter de sa situation de monopole pour prendre l’avantage en matière de recherche Web réinventée par l’IA (façon ChatGPT).
Le procès pour déterminer les mesures qui seront prises à l’encontre de Google doit, en théorie, se tenir en avril 2025. D’ici là un nouveau président américain et une nouvelle administration américaine seront au pouvoir avec des changements clés à la tête du DoJ. Pas sûr toutefois que ce changement tourne en faveur de Google.