L’adoption rapide des assistants de codage dopés à l’IA générative (Copilot, Cursor, Cline, Aider, Windsurf …) bouleverse les pratiques de développement. Plus fluides, plus rapides, moins contraignantes cognitivement, ces nouvelles interfaces d’assistance créent un mode de collaboration inédit entre les développeurs et les machines. Le développeur émet des intentions, l’IA produit du code. Ce nouveau paradigme a un nom : Vibe Coding. Mais cette accélération du développement peut toutefois générer une dette de sécurité invisible, issue de l’intégration rapide de code non vérifié ou mal maîtrisé. Quels sont alors les leviers pour renforcer la sécurité ?

Accélération du delivery, réduction de la charge mentale, créativité, … les bénéfices du Vibe Coding sont indéniables. Mais en l’absence de régulation claire, les risques qui y sont corrélés sont aussi légion : les assistants peuvent introduire des paquets vulnérables ou obsolètes sans qu’aucune validation ne soit effectuée. Les prompts mal formulés ou les plugins insuffisamment sécurisés peuvent entraîner des fuites de données sensibles. Par ailleurs, la pression de la productivité conduit souvent à une baisse significative de la qualité du code : les tests sont négligés, la lisibilité se dégrade, et les logiques deviennent de plus en plus floues. Résultat : on voit émerger des « codebases hantées », où s’accumulent des milliers de lignes générées automatiquement, rarement relues, difficilement maintenables, et dont les défaillances ne se révèlent bien souvent qu’en production. Au-delà de la technique, c’est donc tout l’équilibre entre performance, maintenabilité et sécurité qui est mis à mal. Pour les tech leaders, il ne s’agit pas ici de simplement ajouter une couche de contrôle a posteriori, mais bien de repenser les fondations de la sécurité dans un contexte où la machine co-construit la logique applicative.

Mettre en place une culture de sécurité augmentée

Plus qu’un simple effet de mode, le Vibe Coding est une transformation durable des pratiques de développement. Sa pérennité, toutefois, repose sur la capacité des organisations à y insuffler une culture de sécurité responsable. Cela suppose de former l’ensemble des profils impliqués, y compris les utilisateurs du low-code et no-code, souvent éloignés des considérations de sécurité. L’usage des IA génératives doit aussi être strictement encadré : choix des modèles autorisés, gouvernance des prompts, traçabilité et auditabilité des suggestions produites. Il devient également indispensable de concevoir des processus de validation adaptés aux spécificités du code généré automatiquement, en intégrant dès cette phase, les exigences réglementaires NIS2 ou du Cyber Resilience Act. Enfin, il faut accepter que l’IA, aussi précieuse soit-elle, reste un collaborateur particulier certes puissant, mais qui nécessite un suivi constant et rigoureux.

Voici cinq leviers essentiels pour intégrer la sécurité dans les workflows pilotés par IA :

1 – Sécuriser l’intention dès le prompt

Le prompt devient un nouvel artefact de développement. Sa formulation influe directement sur la qualité (et la sûreté) du code généré. Il faut donc former les équipes à la rédaction de requêtes sécurisées, et mettre en place des filtres dès cette étape.

2 – Automatiser la veille sur les dépendances

L’IA propose souvent des bibliothèques par défaut, sans tenir compte de leur historique ou de leur maintenabilité. La mise en place d’un SBOM dynamique (Software Bill of Materials) et l’analyse continue de la composition logicielle deviennent critiques.

3 – Intégrer la sécurité là où les développeurs travaillent

Les contrôles doivent être invisibles mais efficaces, intégrés nativement aux environnements de développement, et orchestrés par des règles intelligentes. L’objectif : remonter les vrais signaux faibles sans ralentir la production.

4 – Exploiter l’IA pour générer des tests de sécurité

L’IA ne doit pas se limiter à coder. Elle peut aussi renforcer la validation logicielle en générant des scénarios de test malveillants, des fuzzers ou des cas limites que l’humain n’aurait pas anticipés.

5 – Réinventer le rôle des équipes AppSec

L’équipe sécurité doit évoluer vers un rôle de chef d’orchestre, coordonnant les flux IA, automatisant les contrôles, accompagnant les équipes, tout en gardant un droit de regard sur ce qui est généré. Cela passe par des dashboards unifiés, de la supervision en temps réel et une gouvernance claire des modèles utilisés.

L’IA générative, si elle ouvre des perspectives formidables, ne vient pas sans responsabilités. C’est aux tech leaders de poser les bases : donner un cadre clair, équiper les équipes et insuffler une vraie transformation culturelle. Le Vibe Coding est réellement un vrai virage stratégique, et pour qu’il ne se transforme pas en impasse sur le plan de la sécurité, il faut agir vite. L’innovation, la sécurité et la gouvernance doivent avancer main dans la main. C’est le seul moyen de faire de ce modèle hybride, véritable coopération entre l’humain et la machine, une réussite durable.
____________________________

Par Fabien Petiau, Directeur Régional France, Checkmarx

 

À lire également :

GitHub Spark : de l’idée à l’exécution en un prompt…

OpenAI accélère l’industrialisation du code avec Codex, son nouvel agent IA qui concurrence GitHub Copilot