Depuis plus d’un an, le marché européen des data centers est marqué par un certain nombre de fusions-acquisitions. Cette transformation du secteur fait écho aux diverses évolutions portées notamment par la croissance exponentielle des données, le développement rapide des contenus digitaux et la généralisation des transactions dématérialisées. Ces 15 dernières années, les besoins en surface et en performance additionnelles au sein des data centers n’ont cessé d’augmenter pour soutenir la transformation digitale qui s’opère au sein des entreprises et les évolutions numériques de la société et des modes de vie.

Par conséquent, les data centers doivent s’adapter pour fournir davantage de redondance et de puissance électrique afin de répondre à ces évolutions. Parallèlement, de nombreuses normes ont vu le jour sous l’impulsion des enjeux environnementaux et de la réglementation en matière de sécurité, toujours plus stricte. Ces certifications sont nécessaires car elles témoignent de l’excellence opérationnelle et de la performance des data centers mais impliquent des investissements conséquents pour garantir la mise à niveau, et ainsi répondre aux critères établis.

Combinés, ces différents éléments impliquent des coûts de construction qui ne cessent d’augmenter. L’équation est donc simple, si les besoins croissants en mètres carrés supplémentaires sont multipliés par des coûts de construction plus importants, alors les capacités d’investissements doivent être toujours plus élevées.

Dans ce contexte, les opérateurs de data centers doivent gérer une double problématique en évitant de créer une situation de suroffre (davantage de capacité par rapport à la demande), comme c’est le cas à Londres, ou de sous offre, comme à Paris par exemple. Un data center ne ressemble pas à une usine automobile qui peut exporter ses voitures là où la demande est la plus forte. Sur le marché des data centers, la construction et les investissements sont engagés en fonction des prises de commandes locales. Détenir de la surface disponible à Londres ne permet pas de répondre aux demandes provenant de Milan par exemple.

Si les coûts de structure ne peuvent être réduits, il est alors nécessaire d’abaisser le coût du capital afin d’améliorer le ROI, celui-ci pouvant se détériorer en raison de l’inflation des prix. Or, plus un acteur est important, plus sa capacité de négociation vis-à-vis de la bourse ou des banques notamment est élevée. C’est ainsi que le coût du capital peut être diminué. Si le taux d’emprunt est plus bas alors, le ROI s’améliore.

Les fusions et les acquisitions sont une réponse à cette double problématique. Elles permettent en effet de mieux équilibrer le portefeuille de surface disponible sur des zones définies. À titre d’exemple, un acteur présent en Angleterre rachetant un acteur allemand récupère ainsi de la surface en Allemagne. Il moyennera d’autant plus ses capacités si l’acteur allemand ne possède pas (ou peu) de capacité en Angleterre.

Nous sommes au cœur d’un marché en pleine transformation qui voit ses contours se redéfinir. En France, ces évolutions ne sont pas les plus visibles, Paris étant passée quatrième sur le marché du FLAP (Francfort, Londres, Amsterdam, Paris). La capitale française et sa région représentent désormais à peine plus de 15 % du marché des 4 villes (Quand Londres représente 40 %)[1].

Mais ailleurs en Europe, les opérations de fusions et d’acquisitions se sont multipliées (en Allemagne avec NTT Com qui a racheté e-shelter, la prise de participation du singapourien ST Telemedia dans l’acteur anglais VIRTUS Data Centres, l’annonce du rachat d’Easynet par Interoute, etc.). Il y a eu plus de mouvements en Europe ces trois derniers trimestres que ces cinq dernières années. Et l’on peut raisonnablement penser que le rythme n’est pas près de ralentir car il sera nécessaire de financer les extensions dans les nouvelles zones de croissance que sont l’Amérique du Sud, l’Afrique et le Moyen-Orient, mais aussi compenser le ralentissement de la croissance aux États-Unis qui ne dépasse pas 8 à 9 %. Une croissance qui reste importante mais tout de même en baisse par rapport à la moyenne qui se situe en général autour de 10 à 15 %.  Or, si un ralentissement se fait sentir sur une zone donnée, alors les investissements vont s’opérer ailleurs. C’est pour répondre à cet enjeu et soutenir les investissements faits en Afrique notamment qu’Interxion a racheté le data center Netcenter SFR à Marseille en août 2014.

Cet environnement qui connaît de profondes mutations est en train de redéfinir les frontières du marché et impose nécessairement des remises en question. Ceux qui en pâtiront certainement le plus ne seront pas les gros acteurs mais bien les plus petits situés en province ou même en région parisienne. Comment se positionner lorsqu’on ne dispose que d’un ou deux data centers ? Tout l’enjeu des mouvements actuels réside finalement sur leur devenir plutôt que sur les rassemblements opérés actuellement par les gros acteurs.

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Fabrice Coquio est président d’Interxion France

[1]European Data Centres MarketView, Q2 2015, CBRE