La DSP2 les y oblige, et pourtant c’est un sursis de quelques mois que les banques viennent d’obtenir pour s’y conformer : l’Open Banking, quoi qu’on en dise, sème sur son chemin réticents et sceptiques. Forcées de repenser le fonctionnement et l’étendue de leur écosystème, les banques sont plongées dans d’âpres négociations avec des Fintechs mues par les possibilités que l’Open Banking leur ouvre. Voilà pour le schéma, binaire, et faux pour une grande part, que l’on croit voir se dessiner.

L’ouverture du système d’information d’une grande banque traditionnelle n’a pas pour objectif de le vider de sa substance. Il s’agit de le préparer à intégrer, verticalement, les systèmes tiers (des clients, des partenaires), pour répondre à des besoins en services bancaires jusqu’ici impossibles à satisfaire.

Acheter l’innovation, est-ce se réinventer ?

Évidemment, les premiers textes européens sur l’Open Banking ont beaucoup favorisé l’émergence de fintechs, spécialisées dans l’agrégation et l’optimisation des comptes bancaires (Bankin’, Linxo, etc). Au vu de cette concurrence puissante, il n’y a qu’un pas pour que les banques traditionnelles résistent à fournir, plus que de raison, des données qu’elles collectent à la sueur du front de leurs équipes de développement et de vente. D’autant que la perception qu’ont les banques de leur niveau de transformation digitale est d’ores et déjà très positive. L’évolution de leur IT est en cours, elles utilisent massivement les solutions Cloud, repensent leurs applicatifs et l’expérience de leurs clients. Jusque dans une certaine mesure cependant.

Les nombreux rachats de fintechs par les organismes financiers traditionnels sont un exemple relativement typique de la façon dont le secteur bancaire entend la transformation digitale, en soumettant par le capital l’émergence d’unités agiles fondées sur des modèles nouveaux. Et pour ne faire aucun jaloux, soulignons que c’est aussi ainsi que l’entend l’ensemble des secteurs marchands ayant à opérer un virage numérique. Est-ce pour autant une solution pérenne ? Rien n’est moins sûr. Absorbées, puis diluées au sein d’une lourde administration et enfin marginalisées, ces ex-fintechs ne produisent aucun effet de transformation profond, et sont encore moins un driver abouti d’une nouvelle expérience client.

L’Open Banking a vocation à produire de la valeur à partir de la donnée. Or, si cette valeur attire pour l’instant principalement les fintechs développées sur ce principe, elle est surtout fondamentale pour construire de nouveaux modes de délivrance de service auprès des clients, actuels et prochains, des banques. Mais pour le comprendre, il faut s’extraire des vieux schémas pyramidaux.

S’interconnecter pour innover

Au même titre que toute industrie a besoin de logistique, toute industrie a besoin, au fil de l’eau, de services financiers. Transactions, pilotage, trésorerie, informations, la banque en tant que service naît de la capacité d’une institution financière à s’interconnecter à la chaîne de valeur de ses clients, de manière automatique et transparente.

Ainsi, le réel challenge auquel les DSI de banques font face est celui de concevoir le SI tel une API. Non dans un système binaire Banques / Fintechs, mais dans une dynamique d’échange de données avec une multitude d’acteurs économiques ayant à leur tour accepté d’ouvrir leur SI à l’institution financière, afin que celle-ci s’y intègre, à l’instar d’un service interne. C’est au sein de datacenters conçus comme des places de marché de valeurs numériques qu’une banque trouve à situer une partie de son système d’information afin de l’interconnecter aux systèmes de ses futurs partenaires. Elle peut alors leur proposer des transactions financières à très faible latence, des taux de change en temps réel, des prêts consentis dans une logique d’automatisation parce qu’elle se place au plus près de ses clients, au cœur d’un workflow qui n’opère plus en transaction, mais en intégration. Si cette intégration prend techniquement la forme d’interconnexions entre des machines, des serveurs et des routeurs, elle représente pour le secteur bancaire une mue profonde et radicale.

Comme tant d’autres secteurs, les banques traditionnelles sont aux prises avec leur propre dilemme de l’innovateur. Elles doivent en outre trouver à s’affranchir de leurs systèmes legacy. Mais l’expérience plaide en faveur de cette ouverture à laquelle tout le secteur financier est invité. Il ne fait aucun doute qu’en intégrant verticalement la chaîne de valeurs de leurs clients, les banques européennes se mettront en position de rivaliser avec les plus grandes solutions chinoises comme américaines.

___________________

Par Sami Slim, Deputy Director de Telehouse France