Piloter l’énergie comme la production ? L’alliance entre ERP industriel et intelligence artificielle réinvente la sobriété énergétique, offrant aux usines une maîtrise proactive de la performance et des économies mesurables.
Pour atteindre leurs objectifs de sobriété, les entreprises doivent désormais piloter leur consommation d’énergie avec la même précision que leurs flux de production. Et cela passe par un levier encore sous-exploité : le système d’information. En connectant ERP, intelligence artificielle et données énergétiques, les entreprises peuvent détecter des gaspillages invisibles, fluidifier leur organisation et rendre leur stratégie RSE réellement mesurable.
La transformation énergétique n’est pas qu’une affaire d’infrastructure ou d’investissements lourds. Dans l’industrie, elle commence souvent par une vision globale sur l’activité : éviter de produire à contretemps, limiter les trajets à vide, réparer une machine qui consomme trop, ajuster les paramètres selon la météo ou la saison. Ce sont ces détails qui, mis bout à bout, construisent une trajectoire de sobriété.
Sortir d’une gestion énergétique en silo : le rôle structurant de l’ERP et de l’IA
Dans de nombreuses entreprises industrielles, la consommation énergétique est encore suivie comme un indicateur dissocié des autres fonctions clés de l’entreprise : production, maintenance, achats ou logistique. Ce cloisonnement limite la capacité d’optimisation globale.
En connectant les données énergétiques au reste de l’activité via un ERP moderne, on ouvre la voie à une gestion proactive. Cela permet notamment de :
* détecter les machines énergivores, souvent responsables d’une surconsommation cachée;
* repérer les pics anormaux, en croisant consommation et performance réelle ;
* prioriser les actions à fort impact (réglage, remplacement, entretien), en fonction de leur rentabilité énergétique.
L’intelligence artificielle intervient ensuite comme un catalyseur. Elle permet non seulement d’analyser les historiques de consommation, mais aussi de modéliser l’impact énergétique d’un planning, d’un carnet de commandes ou d’une configuration machine. En intégrant des facteurs externes comme la météo ou les pics de réseau, elle transforme la planification industrielle en un véritable levier de sobriété.
Cinq leviers concrets pour gagner en sobriété
En intégrant les données énergétiques dans le cœur des processus, ERP et IA offrent une capacité de pilotage stratégique. Mais leur impact se mesure surtout à travers des actions concrètes, sur des fonctions clés du quotidien industriel. Voici cinq leviers où leur apport se révèle décisif :
* Achats : un ERP avancé permet le regroupement intelligent des commandes, en tenant compte des localisations fournisseurs et des dates de livraison attendues. Résultat : moins de trajets, moins de transport à vide, moins de carburant. L’ajout de critères RSE dans les appels d’offres permet aussi de sélectionner les fournisseurs les plus vertueux.
* Stock : un stock mal géré est une source directe de gaspillage. En maîtrisant mieux les niveaux de stock et en évitant l’obsolescence via des modules MRP (Materials Requirement Planning), les entreprises limitent les pertes de matière et l’énergie utilisée pour fabriquer et stocker des produits non consommés.
* Production : via les données issues du MES (Manufacturing Execution System) et les capacités de l’IA, les entreprises peuvent adapter leurs cadences aux périodes creuses, éviter les rebuts liés à de mauvais réglages (souvent très énergivores), et faire tourner leurs machines dans des conditions optimales.
* Transport : en combinant ERP et TMS (gestion du transport), il devient possible de planifier des tournées optimisées, éviter les trajets inutiles et anticiper les demandes pour ne pas subir de livraisons urgentes. Cela réduit significativement l’empreinte carbone de la logistique.
* Maintenance : la maintenance préventive, pilotée par le système d’information, permet de maintenir les machines à un haut niveau d’efficacité. Un filtre usé ou un moteur désaligné peuvent générer jusqu’à 30 % de consommation énergétique supplémentaire. En agissant tôt, on économise sur tous les plans : énergie, temps d’arrêt, coût de réparation.
De la performance énergétique à la stratégie RSE
L’enjeu de ces démarches de sobriété n’est plus uniquement technique ou opérationnel. Il est aussi stratégique. De plus en plus d’industriels sont appelés à démontrer leur engagement environnemental – que ce soit dans le cadre de la directive CSRD, de la taxonomie verte, de l’obligation de publication du bilan carbone ou de leurs engagements RSE. Or ces exigences impliquent des données fiables, traçables, croisées avec l’activité réelle de l’entreprise.
Les ERP nouvelle génération permettent désormais de suivre finement l’empreinte carbone des opérations, de produire des rapports détaillés, et d’intégrer les indicateurs de durabilité aux choix quotidiens. La sobriété devient un axe structurant de la gouvernance, au même titre que la qualité ou la rentabilité.
Ainsi, sobriété ne rime pas avec contrainte, mais avec intelligence. Grâce à l’ERP et à l’IA, les industriels peuvent désormais piloter leur consommation énergétique avec la même rigueur que leurs flux financiers ou logistiques. Ce changement de paradigme ouvre la voie à une performance globale – économique, opérationnelle et environnementale. Parce que l’énergie la moins chère, la plus propre et la plus résiliente reste celle qu’on ne consomme pas.
Chiffres clés : ERP et IA, catalyseurs d’une industrie plus sobre
● Jusqu’à 20 % d’économies d’énergie peuvent être réalisées grâce à l’optimisation des procédés industriels et à la digitalisation
Source https://www.weforum.org/stories/2022/05/how-digital-solutions-can-reduce-global-emissions/
● 85 % des entreprises disposant d’un ERP moderne affirment bénéficier d’une meilleure visibilité sur leur performance énergétique
Source : Le CXP Group, Enquête ERP 2022, France – rapport sectoriel sur les ERP industriels
● L’implémentation combinée d’un ERP et d’une IA permet une réduction :
– Jusqu’à 25 % de réduction des émissions de carbone
– Jusqu’à 30 % Amélioration de l’efficacité énergétique
Source : https://www.mdpi.com/2076-3417/15/1/480
Par Aymen Mekni, Senior consultant & Project manager chez COSMO CONSULT