L’IA pourrait redéfinir le monde, mais est-elle vraiment accessible à tous ? Entre oligopole des hyperscalers et explosion des coûts, l’innovation est freinée. Il est temps de casser les monopoles et d’ouvrir la voie à une IA plus libre et inclusive.
L’IA investit toutes les sphères de l’entreprise et de la société, parfois dans des dispositions étonnantes, comme l’exemple éloquent des brosses à dents dotées d’un système IA. Bien que cet engouement pour une technologie émergente soit habituel, sa généralisation est le signe d’une transition vers ce que les experts nomment déjà l’”intelligence age” ou « ère de l’intelligence », où l’IA, les données et la technologie numérique redéfinissent nos modes de vie et de travail.
Selon un rapport de PwC, l’IA pourrait rapporter jusqu’à 15,7 milliards de dollars à l’économie mondiale. Dans ce cas, comment expliquer qu’à l’inverse, la presse annonce un ralentissement de la croissance et une perte de confiance généralisée dans les promesses de l’IA ?
En dépit de ses capacités, l’IA a besoin d’une infrastructure importante pour exploiter tout son potentiel. Les leaders du secteur de la tech ont pris pour habitude d’avoir la mainmise sur cette infrastructure. Or, cet oligopole freine l’innovation et limite l’accès au marché de l’IA, pour les plus petites entreprises.
Le verrouillage des fournisseurs
L’expertise et la simplicité d’intégration des principaux fournisseurs de services cloud ont créé une dépendance significative chez leurs clients. Depuis les années 2010, il est courant pour un client du secteur de la tech d’attribuer sa confiance à un seul fournisseur de services cloud. Ce phénomène est amplifié par l’absence de normes universelles qui entravent la flexibilité et la capacité d’intégration entre les différents produits et plateformes.
Les entreprises confient donc leur avenir numérique à un seul fournisseur. Ce qui a pour effet de tuer la concurrence internationale et l’innovation au niveau local. Ainsi, on estime que plus de deux tiers des entreprises dépendent de l’un des trois hyperscalers.
Cependant, il ne s’agit pas d’une obscure machination des hyperscalers. C’est beaucoup plus simple que cela. Supposons que l’entreprise A veuille mettre en place un chatbot d’IA pour son service client. Dans cette optique, les hyperscalers proposent un modèle pré-construit, pré-entraîné et prêt à l’emploi. Toutefois, le problème reste que le modèle d’IA fonctionne mieux si vous utilisez également le logiciel de comptabilité, la solution de e-commerce ou encore le système de billetterie du même fournisseur.
Finalement, quiconque souhaite se détourner de cet écosystème et utiliser des produits concurrents pour mieux répondre aux besoins de son entreprise, s’exposera à des difficultés de conception. Il sera donc activement dissuadé, tout aussi bien en termes financiers que d’efficacité, de s’écarter d’un écosystème unique. Après avoir voyagé à travers le monde, discuté avec des partenaires, des clients et des experts locaux, le constat est clair : les entreprises ne souhaitent pas rester figées dans leur situation, mais l’IA est une technologie si récente et si rapide que l’on se sent à l’aise avec des produits standards, prêts à l’emploi.
C’est logique : en signant un contrat, il est possible de déployer rapidement des capacités d’IA, afin d’égaler les promesses affichées par vos concurrents en matière d’outils d’IA. Par ailleurs, l’entreprise contournera le problème de la pénurie de talents et n’aura pas à se préoccuper de l’acquisition d’une expertise coûteuse ou de la formation continue de son équipe. Le fournisseur se charge des tâches complexes.
Mais est-ce que l’entreprise bénéficie de cette situation ? Cela favorise-t-il l’innovation ? Peut-on connecter des données disparates et utiliser l’IA pour générer de nouvelles connaissances ? Est-ce que cela fait progresser l’entreprise ? Probablement pas. Les suites de produits prêtes à l’emploi sont souvent trop génériques. Elles sont conçues pour être vendues au plus grand nombre de clients possible et ne sont pas adaptées aux besoins spécifiques des entreprises. La faiblesse des mises à jour et des nouvelles fonctionnalités proposées par le fournisseur pose également problème. Par exemple, si les clients demandent des commandes en libre-service, il sera très difficile d’attendre six mois pour que cette fonctionnalité soit disponible.
La prolifération de l’IA accentue le problème
Une fois de plus, une grande partie du problème réside dans l’infrastructure de base de l’IA. L’inflation artificielle des prix des GPU entrave gravement l’innovation en dehors des grands centres technologiques américains. Les entreprises à Londres et Amsterdam en ressentent sans doute déjà les effets, mais qu’en est-il de l’Espagne, de l’Italie et de l’Europe de l’Est ?
Dans ces pays, l’accès aux GPU devient un défi de taille. En effet, ce secteur est loin d’être parfait parfait : la domination d’une poignée de fournisseurs empêche une tarification et une répartition rationnelles des GPU, dans l’intérêt de tous.
Ce problème se répercute sur l’ensemble du paysage économique. Ainsi, les start-ups spécialisées dans l’IA peinent à présenter des business case viables, en raison des coûts exorbitants des GPU. Même si les coûts ont pu diminuer dans d’autres domaines, les dépenses liées au cloud computing continuent de grimper en flèche. Il existe par ailleurs une pénurie d’installations pour stocker ces GPU sur place dans les centres de données locaux.
Des frais de résiliation exorbitants
Une grande partie du problème réside dans la structure des accords contractuels, qui prévoient des frais de sortie pour déplacer les données hors du système de l’hyperscaler. Les fournisseurs de cloud de plus petite taille et plus astucieux ne facturent pas de frais de sortie. Ils ne cachent pas leurs coûts en pratiquant des prix prohibitifs et utilisent des structures de paiement plus simples.
Pour éviter ces frais, les entreprises stockent leurs données sur site auprès d’un fournisseur de services cloud qui ne leur facture pas de frais de sortie. Ensuite, elles font des copies de leurs données et les envoient à un autre fournisseur de services cloud pour qu’elles soient traitées. Ensuite, elles abandonnent ces données pour éviter de payer des frais supplémentaires.
Les entreprises qui envisagent de migrer vers le cloud doivent contrôler leurs coûts et utiliser une variété de solutions de stockage et d’outils cloud pour maximiser leur investissement technologique.
Pour un entre-deux
Comme l’a dit Johnny Mercer, « Accentuer le positif, éliminer le négatif ». L’élimination des dysfonctionnements du marché et donc de la domination d’une minorité de fournisseurs conduira à une révolution en matière d’IA à laquelle tout le monde pourra participer, y compris les hyperscalers. Ces derniers tendent à renoncer aux frais de sortie, ce qui va dans le bon sens. La première étape de cette révolution réside dans le fait d’admettre qu’il y a un problème.
Les entreprises peuvent adopter des pratiques conformes aux normes open cloud Cependant, il est risqué de s’appuyer uniquement sur une infrastructure dont on n’est pas propriétaire. Il convient d’ajouter une couche de séparation entre l’entreprise et l’infrastructure sous-jacente, grâce à des normes globales et neutres. Soutenir d’autres fournisseurs de services cloud, participer à l’élaboration de normes ouvertes et adhérer au principe de souveraineté numérique sont autant de moyens de contribuer à un environnement plus compétitif.
On ne saurait trop insister sur le rôle des modèles d’IA open-source. Ils sont légers, peuvent être formés avec vos données pour répondre à vos besoins et interopérables, ce qui vous permet d’ajouter de nouvelles fonctionnalités en fonction de vos besoins. A l’aide d’un fournisseur de cloud indépendant, il est possible d’augmenter ou de réduire les ressources en fonction de ses besoins et ne payer que pour ce qui est utilisé, ainsi personne n’est coincé avec une quantité fixe de ressources.
En conséquence, en déplaçant les investissements des hyperscalers vers les fournisseurs cloud indépendants et les solutions open-source, l’accès à l’IA se démocratisera, ce qui aura pour effet de favoriser l’innovation à l’échelle mondiale et les bienfaits sociétaux de l’ère de intelligence.
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Par Kevin Cochrane, Chief Marketing Officer chez Vultr