Il y a eu les statistiques, puis la Business Intelligence et à présent nous voilà dans le temps du big data ! Au-delà des discours à effet marketing, il apparaît que les banques Françaises accusent un véritable retard dans la mise en place de réelles initiatives pour utiliser leurs données.

Pourtant s’il est bien un secteur qui a l’opportunité d’interagir très régulièrement avec ses clients et de produire des données,  c’est bien le secteur bancaire.

Il y a encore quelques années, les rares échanges entre un établissement bancaire et ses clients se limitaient aux visites de ces derniers à son agence.

Mais avec la démocratisation des centres d’appels, de la banque en ligne puis de la banque mobile, les clients sont plus que jamais connectés à leurs informations bancaires personnelles et toutes ces interactions représentent une montagne de données jusqu’à présent inexploitées par les banques.

Celles-ci sont encore quasiment inexploitées car les banques ne savent pas forcément quoi en faire, ou ne sont pas forcément équipées pour gérer de telles quantités de données.

Les usages potentiels sont pourtant nombreux: ces données peuvent leur permettre d’améliorer nettement leur connaissance client, de transformer ou adapter l’expérience proposée à ses derniers et surtout, de les fidéliser en anticipant leurs besoins, en proposant les services adéquats au bon moment et sur le canal approprié.

Alors que les clients déclarent n’avoir jamais autant regardé ailleurs, ils se plaignent de n’avoir jamais été aussi mal conseillés et de se voir proposer des produits peu ou pas adaptés à leurs besoins,

Peut-être est-il enfin l’heure pour le secteur bancaire de rénover sa relation client avec le big data.

big data, levier commercial de la banque multi-canal

Concrètement, les applications potentielles du big data dans le secteur banque sont très nombreuses. En France, ce qui vient généralement en premier à l’esprit des banques est d’utiliser ces données pour leurs établissements de crédit pour obtenir segmentations, scorings d’appétence, scorings d’acceptation, indicateurs règlementaires, mais également pour optimiser certains de  leurs processus agence, notamment la gestion du parc automates.

Ce n’est heureusement qu’un début, car on reste ici sur une vision très passéiste du métier de banquier. Elles doivent et peuvent faire preuve de plus d’ambition !

Le big data se doit d’être utilisé par les banques pour initier, ou a minima accélérer leur transformation commerciale au travers :

– du développement de la proximité client,
– de l’amélioration des conseils,
– et de la réduction des coûts, donc, des tarifs pratiqués aux clients.

D’autres leviers de croissance sont à exploiter avec le big data tel que développer des offres adaptées et différenciatrices pour leurs clients commerçants au travers des transactions de paiement.

En Australie, la CommBank l’a bien compris et a fait développer un terminal sécurisé et des applications innovantes à destination des petits commerçants (fleuriste, boulanger, coiffeur, restaurant…) : cette innovation en cours de déploiement depuis mars 2014 dans plus de 100 000 boutiques australiennes ouvre les portes de la connaissance consommateurs. Les profils type par âge, sexe, lieu de résidence sont dévoilés ainsi que le niveau de dépense moyen par catégorie. C’est  une véritable mine d’informations que les banques peuvent proposer à leurs commerçants pour leur permettre d’exploiter ensuite, en ciblant mieux leurs actions.

Dans son rapport sur la banque de détail à l’horizon 2020 outre-Atlantique, Accenture plaide d’ailleurs pour une banque plus personnalisée que jamais, avec des services « sur mesure ».

Pourquoi ne pas analyser aussi la fréquence des consultations des pages dédiés aux produits (prêts, assurances vie…) pour les proposer spontanément au client au bon moment ? Aux Etats-Unis par exemple, Wells Fargo a créé son propre big data Lab pour pouvoir bâtir de toutes pièces un modèle d’analyse de sentiment de sa clientèle et tenter de deviner ses prochains besoins.

Quid de l’analyse des comportements passés d’un client sur les 12 ou 24 derniers mois pour tenter de prédire les comportements futurs ? Toujours aux Etats-Unis, Capital One 360 (ex-ING DIRECT) propose désormais des promotions et des conditions avantageuses à ses clients sur mobile et via son application en fonction de ses achats des derniers mois.

Jusqu’à quand ce tas d’or restera-t-il inexploité ?

Avec une bonne utilisation de ce « tas d’or » à leur disposition, les banques ont à portée de main des systèmes d’offres commerciales dynamiques révolutionnaires et la possibilité de maximiser plus facilement le cross et l’up-selling.

Des considérations qui ont d’autant plus d’importance à la lecture des parts de marché du secteur bancaire, qui n’évoluent quasiment pas d’une année sur l’autre : les banques doivent donc diversifier et optimiser le nombre de produits par client. Dans cette bataille à couteaux tirés, le big data peut s’avérer un allié de choix, notamment pour renouveler le modèle de revenus des banques de détail.

Pourtant, un premier obstacle vient souvent s’opposer à la démocratisation du big data dans la banque : les problématiques de sécurité. Mais le secteur bancaire se pose la question du big data à un moment où les technologies permettant de stocker et d’analyser ces gros volumes sont matures, sûres et efficaces.

Beaucoup plus sensible, la question de la protection des données et de la vie privée reste un enjeu de taille : l’expérience d’ING, aux Pays-Bas[6], accusée de vouloir vendre des données personnelles de ses clients pour en tirer profit montre aussi les dangers de se lancer sur ce terrain si on n’en contrôle pas tous les moindres détails.

Il y a donc une opportunité à saisir pour les banques les plus audacieuses, qui voit dans ces données un gisement potentiel plutôt que des risques additionnels.

Le big data pour bâtir la banque dont vous avez rêvé

Le big data diffère complètement des solutions traditionnelles d’analyse de traitement de données. Si la Business Intelligence analyse des tendances en utilisant des données riches en information, le big data, lui, va recouper des masses de données pour une analyse plus large et plus riche..

En toute logique, une mise en place efficace de l’exploitation du big data dans une banque passe par quatre étapes essentielles :

– Un système d’acquisition des données efficace, capable d’enregistrer et de hiérarchiser toutes les interactions d’un client avec sa banque (web, mobile, agence…)
– Une infrastructure cohérente de gestion de ses données (stockage, intégration dans les applications du SI…)
– Une couche analytique pertinente, permettant des analyses agrégées et en temps réel
– Une phase d’adaptation de l’organisation et par la suite des offres commerciales et de la formation des équipes, afin d’être plus agile et en phase avec les besoins actuels et futurs des clients.

Toutefois, ces perspectives alléchantes supposent des études de fond, et non cantonnées aux départements informatiques.

Car l’adaptation du big data pour les banques révélera leurs complexités, et ce, de la transparence des modes de calculs aux contraintes juridiques ou opérationnelles. A ces perspectives innovantes devra s’additionner la mise en cohérence des nouveaux usages avec les règlementations en vigueur et leur déclinaison dans tous les départements.

Côté client final, cela peut déboucher sur la sensation d’avoir à sa disposition une banque qui écoute, un conseiller qui connaît mieux les clients, des services mieux adaptés à leurs besoins et surtout une expérience avec sa banque globalement beaucoup plus enrichissante et satisfaisante.

Cette banque, vous en aviez rêvé comme consommateur, le big data peut encore le faire !

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Steve Bousabata est General Manager Banking France chez Wincor Nixdorf