Aurons-nous bientôt des IA catholiques, musulmanes, juives, autrement dit des IA marquées par une éthique confessionnelle affichée et assumée ? La nouvelle entreprise de Pat Gelsinger, ancien CEO de VMware et d’Intel, interpelle en affirmant son obédience chrétienne et en lançant un benchmark éthique et confessionnel pour les IA ! Bénéfique ou inquiétant ? À l’heure des IA à connotation politique marquée façon Grok, un tel benchmark pourrait bien faire des émules et se révéler très instructif.
Pat Gelsinger, l’ancien patron d’Intel démissionné en décembre dernier, refait parler de lui… dans l’IA ! Pas très surprenant. Sauf que, dans le détail, son approche est des plus originales. L’homme a en effet investi dans une étrange startup aux valeurs chrétiennes très affirmées, Gloo. Et il vient d’en prendre le poste d’Executive Chair et Head of Technology. Un moyen pour l’homme de s’investir un peu plus sur un sujet qui le passionne depuis toujours : les relations entre la Tech et la Foi.
Et sous sa houlette, Gloo lance un premier vrai benchmark « éthique » pour vérifier l’alignement des IA !
Gloo, trait d’union technologique dans un monde de foi
Basée à Boulder, dans le Colorado, Gloo se présente comme « la plateforme qui connecte l’écosystème chrétien », un hub numérique combinant intelligence artificielle respectueuse des valeurs, outils d’engagement et canaux de diffusion pour renforcer l’impact des églises, des ONG et des leaders spirituels. Fondée par Scott et Theresa Beck et désormais épaulée par Pat Gelsinger, la jeune pousse affiche déjà 100 000 responsables utilisateurs, plus d’un million de messages transmis via son infrastructure et 350 000 personnes mises en relation avec des communautés chrétiennes locales. Cette traction précoce tient aussi à une équipe dirigeante étoffée, qui mêle spécialistes produits, data et pastorale autour d’une même ambition : décupler la portée sociale de l’Église grâce au numérique.
Pat Gelsinger assume pleinement ce positionnement : « J’ai vécu toute ma vie à l’intersection de la foi et de la tech, et Gloo me permet de réunir ces deux piliers d’une façon puissante et profonde » explique-t-il dans une récente interview. Il ajoute : « Nous n’avons pas su nous manifester en tant que communauté de foi à l’ère des réseaux sociaux ; nous serons présents à l’ère de l’IA. »
L’originalité de Gloo tient à trois principes : « servir ceux qui servent », fournir une technologie au service du bien commun et mutualiser la force collective du réseau chrétien. Concrètement, la start-up met à disposition des églises et des organisations humanitaires, des briques d’IA calibrées éthiquement, là où la plupart des éditeurs généralistes se contentent d’outils « one-size-fits-all » sans ancrage confessionnel. « La technologie est neutre ; elle peut être façonnée pour le bien ou pour le mal. C’est maintenant qu’il faut la façonner pour le bien », insiste l’ex-CEO d’Intel
Un benchmark de l’IA au service du bien-être humain
Cette exigence de cohérence et d’éthique a conduit l’entreprise à créer le benchmark Flourishing AI (FAI), première grille d’évaluation complète de l’alignement des modèles d’IA sur le bien-être humain. Élaborée avec Valkyrie Intelligence et adossée aux travaux du Global Flourishing Study (Harvard, Baylor, Gallup, Center for Open Science), FAI repose sur 1 229 questions d’experts couvrant sept dimensions – caractère, santé, relations, finances, bonheur, foi et sens – et calcule un score global par moyenne géométrique pour éviter qu’une force compense une faiblesse.
L’édition 2025 a passé 28 grands modèles de langage au crible : la moyenne n’atteint que 60 %, le meilleur élève plafonne à 72 %, loin du seuil de robustesse que Gloo a fixé à 90. Sans véritable surprise, la dimension Foi apparaît comme la plus « sous-performante », illustrant un « déficit » de compréhension spirituelle dans l’IA actuelle. « La plupart des domaines – caractère, bonheur, relations – naviguent encore dans les 50 %. Sur la foi, on tombe à 30-40 %. Ces chiffres montrent tout le travail qu’il reste pour aligner les systèmes sur les valeurs humaines », analyse Pat Gelsinger dans une interview à « The New Stack ».
En ouvrant ce référentiel à la communauté scientifique, Gloo espère aiguillonner la recherche vers des systèmes vraiment promoteurs de « l’épanouissement » (flourishing) humain et non de la seule réduction des risques. « Si nous parvenons à rendre les modèles meilleurs sur ces sept dimensions, ce sera un succès significatif pour l’humanité et ça justifiera tout notre travail », conclut l’ancien ingénieur inventeur du Wifi et de l’USB et désormais devenu “éthicien” de l’IA.