Outscale, l’autre cloud souverain à la française, entend se mesurer à Amazon en appliquant une stratégie opposée. Son président Laurent Seror explique ses choix.

Il y a un an, Outscale sortait du mode furtif pour lancer la commercialisation de son cloud souverain, notamment via un réseau de partenaires. Que pèse Outscale aujourd’hui et combien de partenaires se sont engagés à ses côtés ?

Laurent Seror : Outscale a réalisé 10 M€ de chiffre d’affaires en 2014 (en croissance de 30%). L’objectif est d’atteindre 100 M€ en 2018. À ce jour, nous avons déployé cinq points de présence (deux en France, deux aux USA et un en Chine) via trois sociétés indépendantes. Le premier anneau de l’écosystème est constitué d’une vingtaine de partenaires (infogéreurs, intégrateurs, consultants, ESN…), complété par une dizaine de web agencies. D’ici à la fin de l’année, nous devrions ouvrir notre market place avec comme objectif d’y faire venir rapidement une quinzaine d’éditeurs de logiciels.

Vous avez déclaré avoir en ligne de mire non pas les représentants français du cloud mais bien les géants américains et, au premier rang desquels, Amazon Web Services. Qu’est ce qui vous permet de penser que vous pourriez être en position de vous mesurer au leader mondial du cloud ?

Laurent Seror : Amazon, c’est la stratégie du trou noir qui avale tous les objets gravitant à sa portée. Les clients commencent à utiliser un service, puis un autre et progressivement se font happer sans réelle perspective d’en ressortir un jour car tout est verrouillé. Et comme Amazon a accès aux données de ses clients, il ne se prive pas de se servir de leur expérience pour les attaquer sur leur propre marché si leur modèle lui semble lucratif. Netflix et Dropbox l’ont appris à leurs dépens.

La position d’Outscale est diamétralement opposée. Outscale ne fournit que l’infrastructure et laisse à ses partenaires le soin de fournir les composants logiciels et les fonctions avancées créatrices de valeur indépendamment de la couche matérielle. Outscale n’utilise pas les données de ses clients et ceux-ci restent libres de migrer leurs machines virtuelles avec leurs environnements où bon leur semble, que ce soit en local ou sur un cloud concurrent. C’est d’ailleurs ce que fait notre principal client Dassault Systèmes, qui construit ses machines virtuelles sur notre infrastructure avant de les injecter ensuite sur son cloud interne.

Enfin, Outscale a choisi de déployer ses infrastructures au plus près des clients finaux en opérant via des sociétés sœurs indépendantes souveraines dans leur pays, plutôt que d’opérer d’un point central, comme le fait Amazon, ce qui pose des problèmes de souveraineté.

Pourquoi avoir privilégié les infrastructures de type Cisco UCS et Netapp plutôt que des équipements génériques à la façon d’Amazon ?

Laurent Seror : Les matériels de classe entreprise que nous utilisons garantissent des niveaux de performance plus élévés, des durées de vie plus longues, des coûts de possession moins importants et une meilleure stabilité des composants que les matériels dits de commodités. Cette approche est la plus adaptée à notre stratégie d’implantation multisites. Nos différentes plateformes sont indépendantes les unes des autres mais sont bâties à partir des mêmes briques matérielles et logicielles. Cela permet notamment de limiter les coûts de qualification logiciels sur nos infrastructures.

OpenStack est en train de s’imposer comme un standard de fait. Pourquoi ne pas l’avoir retenu pour piloter votre infrastructure ?

Laurent Seror : En 2010, lorsqu’Outscale était en gestation, OpenStack était cantonné à son projet de stockage objet Swift et sa partie compute n’était pas viable. Les autres solutions que nous avions testées à l’époque ne nous paraissant pas plus pertinentes, nous avions décidé de développer notre propre outil d’orchestration TinaOS. Cinq ans plus tard, les dernières évolutions d’OpenStack nous confortent dans ce choix. Encore à l’heure actuelle, chaque montée en version provoque un véritable big bang, bien loin de la sérennité attendue en conditions d’exploitation industrielle. OpenStack reste un produit de laboratoire, inabouti et ne bénéficiant pas d’une gouvernance digne de ce nom.

Pourquoi privilégier la colocation à la construction de vos propres infrastructures d’hébergement ?

Laurent Seror : Vu notre taille, construire un datacenter n’a pas de sens. Un déploiement standard correspond à 1.200 cœurs et un peta-octets de données, soit l’équivalent d’une puissance électrique de 40 kW. Le tout tient dans une dizaine de racks qu’une suite de 20 ou 30 m2 suffit à accueillir. Bien loin des milliers de m2 des datacenters de dernière génération.

Avez-vous l’intention de mettre TinaOS à la disposition de sociétés tierces ?

Laurent Seror : C’est déjà le cas. Tina OS est disponible sous forme de licence en mode locatif ou perpétuelle. Dassault Systèmes l’utilise pour son informatique interne et dans une de ses filiales américaines. Et nous sommes en discussions avec deux autres acteurs du cloud pour monter des offres basées sur TinaOS.

Compte-tenu de votre volume d’activité et de vos choix techniques, n’êtes-vous pas d’ores et déjà en situation de vous imposer comme le premier cloud souverain en France ?

Laurent Seror : Le cloud souverain reste un sujet eminemment politique. Je note que le premier appel d’offre significatif d’infrastructure sous forme de service émis par le Service d’achat de l’Etat (SAE) vient dêtre remporté par Orange [notification officielle le 20 juillet]. Sur ce marché, estimé à 6 M€ sur cinq ans, Orange est semble-t-il parvenu à proposer des prix deux fois inférieurs à ceux que nous avions calibrés. Je rappellerais simplement que l’une des raisons qui a fait que Dassault Systèmes, maison mère d’Outscale, s’est retiré à l’époque du projet Andromède qui a débouché sur la création de Cloudwatt et Numergy, est précisémment que nous estimions que le projet Orange n’était pas viable. Nous estimions à l’époque que leurs coûts étaient quatre fois supérieurs à ceux qu’il fallait viser pour rester dans les prix du marché.

 

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