Les capteurs informatiques vont-ils devenir une preuve de l’innocence ou de la culpabilité de Chris Froome dans un éventuel cas de dopage ? Les interprétations sont ouvertes.

« Nous pensons que quelqu’un a piraté nos données d’entraînement et a obtenu les fichiers de Chris Froome.  Notre équipe juridique est sur l’affaire. » Cette déclaration de l’entraineur du porteur du maillot jaune, Dave Brailsford, lundi soir, a mis le feu aux poudres d’une nouvelle suspicion de dopage dans le tour de France.vue_tdf_2014_4b

Pour le quotidien du sport, l’Equipe, il est évident que le manager du vainqueur du tour de France 2013 s’attend à ce que les fichiers soient utilisés pour mettre en doute les performances de Froome et il parait créer un contre-courant pour tenter de dissiper les doutes : « D’un point de vue éthique et moral, si vous voulez accuser quelqu’un de dopage, alors vous ne devez pas tricher. »

Les fichiers volés contiennent les données du capteur « SRM » du vélo de Chris Froome. Le « SRM », qui est placé dans le pédalier du vélo, donne la  fréquence de pédalage, la vitesse,  le nombre de pulsations cardiaques par minute, ce qui donne la puissance théorique du cycliste en Watts durant les différentes phase d’entrainement ou de la course. ( ci-dessous des données issues d’un capteur d’un sportif de bon niveau)srmdonnées

Mais l’on se pose des questions sur le fait que l’équipe Sky ait aussi retiré de son site une vidéo de 49 minutes de 2013 où justement sont incrustées les données SRM, ce qui aurait permis de faire des comparaisons. Pour nos confrères du Journal Le Dauphiné qui relayait le film enregistré sur You tube  sur leur site, le fait que Froome puisse atteindre puis dépasser les 1000 Watts alors que ses pulsations cardiaques qui s’affichent aux alentours de 160/165, ne bougent presque pas, témoignaient d’une désynchronisation inquiétante. Cet élément ne plaide pas en faveur de l’équipe de Froome tout comme la polémique soulevée par le bus ultra sophistiqué de l’écurie Sky qui permettrait aux coureurs de récupérer plus rapidement leurs  globules rouges grâce à un caisson de ventilation particulier. Sky a démenti ce dernier point.

En 2013, lors de sa première victoire au Tour de France, Chris Froome avait été aussi l’objet de critiques pour son refus de communiquer sa VO2 max. Cette valeur qui se situait pour lui entre 80 et 87 (en 2007 ) n’aurait pas du progresser de manière radicale dans les dernières années. La VO2 Max est le volume d’oxygène maximum qu’un individu peut absorber au moment du passage du seuil anaérobie, au moment où l’acide lactique commence à s’accumuler dans les muscles. Tous les sportifs recherchent grâce à l’entrainement, et Froome est l’un des plus assidus, à reculer cette échéance, mais les variations et l’adaptation sont lentes, à moins d’avoir recours à des substances comme l’EPO. D’où l’obligation des cyclistes professionnels d’être ouverts à des contrôles tout au long de l’année. Froome a d’ailleurs précisé qu’il ne comprenait pas pourquoi on ne venait pas le tester plus souvent.

Pas de soucis pour l’instant

Chis Froome qui escaladera, ce mercredi, le Tourmalet, le Géant des Pyrénées au menu de la 11e étape, Pau-Cauterets (188 km) devrait continuer à « assommer » le tour.  Dominateur pour la première étape en montagne avec deux de ses coéquipiers, il fut immédiatement intérrogé, hier soir ,sur ces rumeurs de dopage. Mais l’actuel leader du Tour de France était serein avec près de 3 minutes d’avance sur ses poursuivants : « Je suis concentré sur la course. Ce serait différent si j’avais quelque chose à cacher. Mais je suis fier d’être arrivé à ce niveau en étant propre. Je comprends les questions, elles sont liées à l’histoire de notre sport, aux vainqueurs qui m’ont précédé. Mais il faut me respecter, j’ai travaillé dur pour être là où je suis. » Et d’ajouter : « J’ai parlé avec la Circ (commission d’enquête créée en 2014 par l’UCI -, l’union cycliste internationale) pour enquêter sur la culture du dopage), j’ai fait des suggestions au gouvernement du cyclisme pour qu’on ait des contrôles la nuit. Je me suis exprimé aussi quand on n’a pas eu à Tenerife (NDLR le centre d’entrainement de son équipe , la Sky) le nombre de contrôles qui me paraissait suffisant pour les favoris du Tour de France. Je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus. »

Un précédent qui a marqué les esprits

Cette affaire de piratage de données informatiques liées à un cycliste rappelle l’affaire de l’américain Floyd Landis condamné pour dopage en 2006 mais aussi pour avoir financé le piratage du Laboratoire National de Dépistage du Dopage (LDD). Cette affaire avait éclaté quelques semaines après que le laboratoire ait accusé Landis de contrôle positif à la testostérone pendant le Tour de France. L’entourage de Landis avait fait appel à un français, Alain Quiros pour « télécharger » ou plutôt voler les données du laboratoire concernant Landys. Alain Quiros qui travaillait pour une petite officine d’intelligence économique, Kargus Consultants, fut pour sa part condamné à 4000 euros d’amendes et six mois de prison avec sursis. Cette affaire qui apparaissait à son début comme une simple recherche de preuve de l’innocence de Landys s’envenima au tribunal de Nanterre, où l’on se rendit compte que l’équipe américaine qui l’employait ne tenait pas grand compte des réglementations internationales, seuls les résultats importaient. Pour beaucoup d’observateurs, même si les sportifs en cause sont peut être manipulés par leurs entourages et même drogués, leurs efforts déployés sur toutes les routes sont indubitables et impressionnants et à ce titre, ils méritent le respect.