Depuis quelques années nous observons des changements majeurs dans le monde des entreprises. Les produits et services se transforment et fusionnent, chacun nourrissant l’autre pour créer une expérience client d’une qualité supérieure. C’est le nouveau monde de l’écosystème digital. Les entreprises qui ne s’adaptent pas à cette réalité risquent de passer à côté d’une nouvelle façon passionnante de créer des opportunités d’affaires.

Les modèles traditionnels focalisés sur l’approvisionnement

Depuis des décennies, les entreprises suivent le modèle traditionnel focalisé sur l’approvisionnement. Elles ont pris l’habitude de concevoir leurs produits ou services pour en dégager un bénéfice maximum et ont fait de leur mieux pour les faire correspondre à la demande des clients. Elles vendaient à leurs clients via un écosystème de partenaires de distribution, mais demeuraient en contrôle de toute la chaîne de valeur. Les entreprises s’efforçaient de rendre la chaîne d’approvisionnement profitable.

Mais un écosystème physique traditionnel est limité. Il s’appuie beaucoup sur les ressources internes de la société, ce qui complique la démarche d’innovation et de complémentarité du produit ou service avec de nouvelles fonctions innovantes. Les options de produits et de services manquent de flexibilité et le client est à la merci d’une chaîne d’approvisionnement rigide.  Tel est le monde décrit par Henry Ford en 1909 quand il a dit « Chaque client pourra avoir une voiture de la couleur de son choix, du moment que c’est le noir ».

Ces modèles de fonctionnement du passé entravent aussi l’interaction client. Quand le client s’échappe de la conversation traditionnelle, qu’il raccroche le téléphone ou quitte le magasin, l’entreprise ne peut plus maintenir le contact avec lui.

Le monde est rempli d’artéfacts de cette ère et le processus de vente de voiture est l’un d’entre eux. Les constructeurs revoient rarement le client après lui avoir vendu un véhicule. La carte de fidélité de l’épicerie en est un autre. C’était une tentative pour mieux comprendre comment les clients se comportent lorsqu’ils se rendent au magasin et qu’ils font des achats. Les entreprises s’en sont servies pour imaginer des offres spéciales alléchantes afin de séduire les consommateurs. Mais cette relation prend fin à la caisse. Le mieux que l’épicerie puisse faire pour garder le contact est de distribuer des flyers par la poste au domicile du client. Ces modèles obsolètes sont par nature limités dans leur capacité à entretenir les relations clients.

Les écosystèmes numériques

Les écosystèmes numériques changent ce modèle. Au lieu d’établir un chemin linéaire entre le fournisseur et le client, les entreprises peuvent utiliser de nouvelles plateformes technologiques pour créer des opportunités commerciales. De nombreux fournisseurs proposent des services en ligne qui améliorent le quotidien du client. Un écosystème digital génère également de la valeur pour tout le groupe en proposant aux entreprises davantage de pistes d’amélioration de leurs propositions de services. Elles peuvent ainsi interagir avec le client indirectement en de nombreux points différents de leur vie de tous les jours.

Les clients interagissent avec un écosystème digital en visitant les services de passerelle d’après leur activité. La voiture connectée de demain en sera un, à la fois terminal et véhicule selon les services. Parmi les autres passerelles figurent les services en ligne de type Airbnb pour préparer ses vacances ou encore un système d’enceinte à domicile équipé d’un assistant digital. Ces services de passerelle vont combler le premier besoin du client, mais ils fourniront aussi d’autres services découlant de l’interaction initiale.

Les services de passerelle ont accès à ces fonctions supplémentaires via des API (application programming interfaces) que d’autres entreprises utilisent pour exposer leurs services. Des sociétés de réservation de voyage en ligne aux sites de streaming de musique, la plupart des entreprises offriront ainsi des services de données ou de traitement supplémentaires. Par exemple, une épicerie pourra s’associer avec une appli mobile de recettes pour proposer aux clients des remises sur mesure quand ils préparent la liste de leurs menus de la semaine sur leur smartphone ou tablette.

Les écosystèmes numériques confèrent également plus de valeur aux entreprises sous la forme de données de clients. Une épicerie pourra avoir accès à une mine d’informations supplémentaires, collectées par d’autres et proposées sous une forme anonymisée et agrégée. Ces informations peuvent être analysées pour produire de nouveaux insights quant aux décisions que prennent les clients. Ceci signifie que les données de recherche agrégées de l’appli de préparation des menus pourraient informer l’épicerie quant aux produits qui plaisent aux gens dans une zone géographique donnée, par exemple.

Comment tirer profit des écosystèmes numériques

Pour tirer profit des écosystèmes numériques, il faut commencer par adopter un mode de réflexion innovant. Au lieu de compter sur des chaînes d’approvisionnement rigides qui ne servent pas nécessairement les besoins du client, le monde se tourne vers un modèle focalisé sur la demande. Les clients servis par ces écosystèmes numériques veulent leurs produits ou services immédiatement, aux formes et dans les quantités qui leur conviennent. Les entreprises qui ne suivront pas sont vouées à disparaître.

Ce changement de paradigme promet de détruire des catégories entières de produits avec à la clé le développement de nouveaux services. Au cours des prochaines années, l’approche mobility as a service viendra se substituer aux ventes de types de véhicules spécifiques. KPMG estime que les ventes de berlines vont chuter de 5,4 millions d’unités par an en ce moment à 2,1 millions d’unités d’ici à 2030. Ceci s’explique par le fait que l’approche mobility as a service permettra aux clients de réserver des voitures autonomes via les services numériques sur leur smartphone, ou même en s’adressant à leurs enceintes numériques.

Au lieu de payer des dizaines de milliers d’euros une voiture qui reste stationnée 90% du temps, les clients vont pouvoir commander à tout moment une voiture à leur convenir pour leur trajet. Ils pourraient même envoyer leur demande au moment de régler leurs articles à la caisse de l’épicerie. L’industrie automobile sera forcée de passer d’un modèle focalisé sur l’approvisionnement à un modèle focalisé sur la demande pour accompagner ce changement.

Les entreprises qui adoptent les écosystèmes numériques doivent revoir leurs effectifs, leurs processus et leur technologie pour s’aligner sur cette nouvelle façon de faire des affaires. En contrepartie, elles bénéficieront d’un rythme d’innovation plus soutenu du fait qu’elles pourront puiser dans une constellation de nouveaux services de la part des partenaires de l’écosystème. La première étape consiste à ne pas lutter contre l’effet réseau, mais d’en faire partie.

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Emmanuel Serrurier est VP de la région EMEA Sud, Hortonworks