Trop de fournisseurs de services administrés (MSP) se présentent comme des « conseillers de confiance »

Si ces MSP aspirent légitimement à décliner la relation client au-delà des simples opérations de réparation et de maintenance, le hic est que le qualificatif de « conseiller de confiance » marque un positionnement erroné ― ou tout au moins inadéquat. Le rôle du « conseiller de confiance » est trop large et trop vague. Celui-ci donne l’impression de n’être sollicité qu’épisodiquement, lorsque le client daigne se rappeler de son existence, et non de jouer un rôle essentiel au quotidien. Il suppose également une relation peu suivie avec ce tiers, ne faisant que confirmer ou perpétuer le caractère, par essence limité ou provisoire, de la relation entre un fournisseur et un client.

L’appellation « DSI (Directeur des Systèmes d’Information) externalisé » s’impose, à l’inverse, avec beaucoup plus de force. Elle suggère des responsabilités parfaitement définies au sein d’un champ d’action très diversifié à l’échelle de l’entreprise. Couvrant plusieurs dimensions ― technologie, stratégie et métier, ce terme positionne résolument le MSP au cœur de l’équipe dirigeante du client.

Mais quelle importance, me direz-vous ? Ne s’agit-il pas simplement ici d’une problématique anodine concernant exclusivement les RP ? Absolument pas. La relation fournisseur MSP-client a dû évoluer radicalement pour faire place à des échanges basés sur la confiance et l’intégration ; or, si l’expression « conseiller de confiance » peut paraître adaptée, il s’avère que la confiance ne peut être revendiquée car, loin d’être acquise, elle doit se gagner. Ce qui exige un dialogue suffisamment sincère et durable. L’évolution doit être méthodique et justifiée pour passer, du statut de simples étrangers, à celui de connaissances, puis de collègues, de « conseillers de confiance » et enfin de coéquipiers, derrière le rôle de DSI en l’occurrence.

Pourquoi s’en inquiéter ?
Il est bien connu que la relation entre le fournisseur et son client n’est jamais aussi harmonieuse que le jour de la signature du contrat, lorsque les attentes et la confiance sont à leur apogée de part et d’autre, et que les obstacles, voire les « contre-vérités », n’ont pas encore été mis au jour. Peu de fournisseurs, toutes spécialités confondues, comprennent que l’impression qui se dégage à cet instant est quasi-définitive. Une fois les résultats attendus et les prérogatives au quotidien arrêtés d’un commun accord, l’idée que l’on se fait au cours de ces discussions est irrémédiable et il sera difficile de revoir son opinion par la suite.

Le danger, par conséquent, est que si l’illusion d’un conseiller de confiance aux compétences restreintes n’est pas dissipée dès que possible, elle pénalisera l’ampleur des travaux qui lui sont confiés, le rôle qui lui est dévolu et même l’orientation vers laquelle tend la relation. Ainsi, un conseiller de confiance indépendant ne se verra, en règle générale, confier davantage de travail que dans le registre de sa mission d’origine ― après tout, c’est dans ce domaine qu’il a prouvé sa force jusque-là. Alors que le domaine de compétence du DSI externalisé autorise une plus large implication auprès du client ― et lui donne, ce faisant, l’occasion de démontrer sa valeur sur divers plans susceptibles de faire l’objet de discussions stratégiques à l’échelle de l’entreprise, et pas uniquement au sein du service informatique.

Des points de vue différents
Les consultants ― représentatifs de la catégorie « collaborateurs externes temporaires » dont relèvent les conseillers de confiance ― sont généralement associés au processus décisionnel relativement tardivement ou avec des attributions modestes. La problématique et la nécessité d’une solution ont d’ores et déjà été identifiées, au même titre que son type ou sa catégorie, du moins approximativement. Le rôle du consultant consiste alors à participer au processus de décision en faisant en sorte que la solution retenue fonctionne pour l’entreprise en question. À ce titre, les consultants privilégient, par essence, le concours extérieur et la dimension tactique. La stratégie a d’ores et déjà été définie sans eux.

Les MSP capables de se positionner comme des DSI externalisés, en revanche, prennent part aux discussions stratégiques nettement plus tôt. Leur mission, en qualité de DSI, les amène forcément à s’intéresser aux retombées pour l’entreprise ― et donc à prendre part au débat. Le rôle du DSI ne se borne pas à celui de l’administration du réseau et des équipements. Il lui faut appréhender la stratégie et les objectifs de l’entreprise, et être capable de prévoir dans quelle mesure les changements apportés aux processus ou à l’infrastructure influeront sur la main-d’œuvre, les opérations au quotidien, voire les obligations de conformité ― et se concerter avec ses collègues (terme délibérément choisi) des services juridiques et RH pour réfléchir aux moyens de les atténuer. Évidemment, il s’assurera également, au final, que ses initiatives sont, en tout ou partie, conformes aux objectifs d’ensemble de l’entreprise.

La différence, en l’occurrence, ne réside pas simplement dans le type, mais aussi dans la nature des prestations assurées, et elle pèsera sur les résultats du MSP. Difficile, en effet, de demander le prix fort pour des services relativement banalisés tels que l’administration réseau ; de telles offres procurent d’ailleurs peu de perspectives de développement de clientèle. Les MSP qui se sont affirmés comme des DSI externalisés, en revanche, ont fait un double constat : non seulement, ils pouvaient facturer davantage des conseils importants, mais la pression exercée sur leurs marges était de surcroît nettement moindre. Le conseil stratégique est trop important pour être négocié à la baisse.

L’externalisation n’est-elle pas risquée ?
L’objection généralement formulée à l’encontre du DSI externalisé a trait au second terme de cette expression. Pour beaucoup, l’externalisation suggère un manque de contrôle, de visibilité et de fiabilité, voire une tarification opaque. Mais dans le monde des affaires actuel, cette objection ne tient plus. Les entreprises sont toujours plus nombreuses à externaliser sans problème des opérations essentielles (RH, finance, services juridiques et paie) et rien ne s’oppose à ce que la fonction DSI s’ajoute à cette liste. L’argument pertinent selon lequel l’externalisation permet aux opérationnels de se concentrer sur leur cœur de métier ne vaut pas moins pour le DSI que pour le service Finance.

Comment évoluer ?
Nombre de MSP qui liront cet article se diront sans doute que troquer leur rôle de conseiller de confiance, spécialisé dans la commercialisation de services, pour celui de DSI externalisé exige un gigantesque changement de mentalité, qui ne sera utile que pour de nouvelles prospections commerciales, et non avec la clientèle existante ― pilier de l’entreprise. Ce raisonnement est exact, et si ce changement de mentalité s’annonce difficile, les perspectives de rentabilité financière sont, à l’évidence, intéressantes. La différence de facturation est telle que les efforts à fournir en valent largement la peine.

Pour parvenir à ce taux de facturation plus élevé, le secret réside dans l’organisation de réunions non-techniques. Un DSI externalisé performant s’assure que des réunions de ce type sont régulièrement programmées avec le client. Ces séances sont consacrées à 100 % à la direction de l’entreprise, aux principaux objectifs organisationnels (non techniques) et à leur état d’avancement. Sont exclus les questions informatiques, le choix des technologies ou l’administration réseau, tous traités dans d’autres réunions, et bien souvent en présence de membres d’équipes différentes pour bien marquer la séparation.

Les différentes priorités entre les deux types de réunions permettent aux MSP de mettre en évidence leur valeur stratégique et d’être associés aux pourparlers sur les grandes lignes d’action de l’entreprise ― sans se laisser intimider par les questions difficiles que posent précisément les équipes informatiques.

Dans le fond, pour démontrer votre valeur ajoutée, deux scénarios s’offrent à vous. Le premier consiste à proposer un service de bon rapport, auquel il sera fait essentiellement appel en cas de crise pour dépanner les clients; pratique certes, mais limité. Le second se démarque par ses capacités techniques et son approche proactive, avec un membre parfaitement intégré au sein d’une équipe, dont la plus-value stratégique dans une myriade de domaines contribuera à améliorer les performances de l’entreprise. Lequel préférez-vous ?

Par Alistair Forbes, Directeur Général de LogicNow