Alors qu’il y a quelques décennies, l’électricité était nationale et d’origine fossile, le modèle revient aujourd’hui à un échelon local et voit l’essor des énergies renouvelables. Le secteur de l’énergie est donc en train de passer d’un modèle vertical à un modèle décentralisé et coopératif, où le consommateur devient également producteur grâce aux transactions de gré à gré. Le digital joue un grand rôle dans cette redéfinition du marché, qui va s’accélérer dans les années à venir. 4 grandes tendances technologiques s’esquissent pour 2019 :

L’émergence de nouveaux comportements d’achat de l’énergie

Chez les agrégateurs et fournisseurs « verts », un modèle d’échange peer to peer* est en train d’émerger, qui permettra à moyen terme de donner une dimension sociale à l’énergie. Par exemple, une autoconsommatrice pourra partager le surplus de l’électricité produite par son panneau solaire avec un parent ou ami. Des plateformes de mise en relation entre producteurs et consommateurs, affranchies des marchés, commencent à voir le jour (comme l’Allemand Enyway ou l’Américain LO3), et bénéficient de la blockchain pour établir des smart contracts qui garantissent la traçabilité de l’énergie échangée et règle les transactions monétaires entre les acteurs. Ces places de marché digitales permettent de décentraliser l’énergie et de favoriser les circuits courts — on peut acheter l’électricité de son voisin —pour faire émerger une véritable communauté énergétique.

Du côté des entreprises, la tendance est à la dématérialisation de l’achat d’énergie, avec l’émergence d’agrégateurs d’offres qui font de l’achat groupé, en négociant des contrats auprès de fournisseurs pour des portefeuilles de particuliers ou d’entreprises (Selectra, Enoptea, Wattvalue)
Enfin, des power purchase agreement (PPA) font leur apparition sur le marché européen ; soit des contrats entre producteurs d’énergie verte et industriels, qui sécurisent leur approvisionnement à long terme. Un PPA s’est ainsi récemment établi entre Google et le Français Neoen, pour l’achat de l’intégralité de la production d’électricité d’un parc éolien en Finlande, à prix négocié, pour une durée prédéfinie.

Une nouvelle architecture du réseau électrique

Historiquement, le réseau a été pensé dans une approche descendante, avec un marché centralisé dont l’énergie est ensuite redistribuée localement à l’échelle nationale. Mais, avec l’émergence de marchés privés et de producteurs décentralisés, il importe de repenser cette architecture du réseau électrique. Pour une gestion plus locale et flexible du réseau, il faut désormais privilégier une approche ascendante, où l’infrastructure reste la même mais avec un mode de fonctionnement des marchés qui évolue vers la « plateformisation » précédemment évoquée, et la dynamisation des processus entre fournisseurs, producteurs et réseaux.

Cela peut contribuer à désengorger le réseau national d’électricité, en créant des réseaux locaux, et à désenclaver des régions. La Bretagne est, par exemple, complètement dépendante énergétiquement du reste de la France : le développement d’un écosystème énergétique local pourrait permettait de redynamiser l’économie de son territoire et de créer des emplois.
De plus, puisqu’il est moins cher de consommer une énergie produite localement que de l’importer, cela offrirait une économie substantielle aux consommateurs. L’énergie elle-même ne représente en effet que 30 % de la facture d’électricité : le reste est la taxe et le réseau.

L’Intelligence artificielle s’invite dans l’énergie

L’IA appliquée à la production ou la consommation d’énergie suppose des capteurs qui détectent les paramètres d’une installation (la température, la puissance ou la vibration) et envoient l’information à une base de données qu’une IA vient exploiter. Le traitement en temps réel des données aide à identifier les anomalies matérielles ou les dysfonctionnements dans un processus. Cela peut par exemple permettre de remplacer plus rapidement les équipements, et ainsi de maximiser l’efficacité énergétique en évitant le gaspillage.
Les producteurs disposent aujourd’hui d’une telle quantité de statistiques sur le fonctionnement des installations, que la prochaine étape est même celle de la maintenance prédictive : l’IA sera en mesure de détecter les signaux faibles, prévoir l’obsolescence d’une pièce de machine et en commander une nouvelle, de sorte que la maintenance soit optimisée et que la production ne s’interrompe jamais.

Les robots pour automatiser des tâches liées aux flux de données

Sur les marchés de l’énergie, les flux de données sont aujourd’hui si denses et immédiats qu’il est devenu impossible pour un être humain d’y faire face. Cette tâche est donc désormais celle de robots, et la place des humains s’est déplacée vers des tâches de programmation des stratégies, à faire appliquer par lesdits robots.
Initiée il y a quelques années, tout au plus, cette automatisation du traitement des données est en train de devenir la norme chez les fournisseurs d’énergie, qui se dotent de solution de trading algorithmique pour s’adapter à la rapidité des flux d’informations et améliorer la réactivité sur les places de marchés afin de valoriser les comportements flexibles qui stabilisent le réseau électrique national.

De ces 4 tendances, un point commun se dégage : la gestion de la donnée, comme nouveau centre de gravité des fournisseurs et agrégateurs. Le management technologique – c’est-à-dire l’organisation des données et leur exploitation par des algorithmes – est donc essentiel pour automatiser et accélérer les processus, ce qui se traduira en économies sur la facture d’électricité des consommateurs.

  • Peer to peer : ou pair-à-pair, est un modèle de réseau où chaque membre est à la fois client et fournisseur.

 

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François-Régis Déhéry est esponsable technique du pôle « Agrégation et Énergies Renouvelables » de natGAS